Par une requête enregistrée le 27 septembre 2018, MmeB..., épouseE..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un certificat de résidence valable un an dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation à la part contributive de l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., épouseE..., ressortissante algérienne née le 20 février 1990, est entrée en France le 12 septembre 2014 pour y rejoindre son époux, ressortissant français. Elle s'est alors vu délivrer un certificat de résidence valable un an jusqu'au 20 novembre 2015 en qualité de conjoint de français. Mme B...a sollicité le 25 mars 2016 le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 24 octobre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B...relève appel du jugement du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 24 octobre 2017.
Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :
2. Par un arrêté du 3 avril 2017 publié le même jour au recueil spécial n° 31, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...F..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques, à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur la décision de refus de renouvellement du certificat de résidence :
3. En premier lieu, la décision en litige cite les textes dont il est fait application, à savoir l'article 6-2 de l'accord franco-algérien et comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement. Elle énonce également les considérations de fait relatives au mariage de l'intéressée avec un ressortissant français, à la plainte pour violence conjugales classées sans suite par l'autorité judiciaire et à la séparation de fait entre les époux depuis juin 2015 qui la fonde. La seule circonstance que la décision en litige ne fasse pas mention de la procédure de divorce pour faute initiée par la requérante contre son époux n'est pas de nature à faire regarder cette décision comme insuffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision contestée, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de Mme B...avant de lui refuser le renouvellement de son titre de séjour. Il ressort en particulier de la décision attaquée que le préfet a examiné les violences conjugales alléguées par MmeB.... Ainsi, l'absence de mention dans la décision en litige de la procédure de divorce pour faute initiée par la requérante contre son époux n'est pas de nature à établir l'absence d'un examen particulier de sa situation. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ".
6. Les stipulations de l'accord franco-algérien régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leur conjoint et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. Mme B...soutient que la rupture de la communauté de vie avec son époux résulte des violences conjugales dont elle a été victime. A cet égard, la circonstance que la plainte déposée par Mme B...contre son époux pour violences conjugales ait été classée sans suite par l'autorité judiciaire compétente ne saurait suffire à exclure la réalité de ces violences. Toutefois, si Mme B...produit une attestation de l'association lensoise " accueil 9 de coeur ", cette attestation du directeur du centre d'Hébergement et de réinsertion sociale établie deux ans après les faits, se borne à indiquer que la requérante a été accueillie au sein de la structure le 3 octobre 2015 dans le cadre de l'accueil de jour de violences conjugales sans autre précision sur les conditions dans lesquelles l'intéressée s'est présentée. Si elle produit également un compte-rendu d'une visite aux urgences de l'Hôpital Saint-Antoine à Paris le 14 novembre 2015 pour une prise en charge aux urgences, cette attestation non circonstanciée se borne à indiquer que cette prise en charge a été réalisée pour une crise d'angoisse sans qu'aucune précision ne soit apporté sur les facteurs à l'origine de cette crise. Enfin, l'attestation du frère de MmeB..., les déclarations de main courante déposées par la requérante qui font état de menaces à son égard de la part de son mari, de ce que ce dernier lui aurait pris différents documents administratifs et s'opposerait à ce qu'elle demeure au domicile conjugal, ainsi que les circonstance qu'elle ait entamé une procédure de divorce pour faute à l'égard de son époux et qu'elle habite seule depuis le 26 octobre 2015 n'établissent pas davantage l'existence des violences conjugales dont elle aurait été victime. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais, qui en tout état de cause n'a pas méconnu les dispositions précitées du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, en refusant à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour, n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France le 12 septembre 2014 à l'âge de 24 ans, pour y rejoindre son époux qu'elle avait épousé deux ans auparavant, et avait toujours vécu avant cette date en Algérie où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B...est séparée de son époux depuis 2015 et que les violences conjugales alléguées, ainsi qu'il a été dit au point 7, ne sont pas établies. Si l'intéressée se prévaut de la présence en France d'un frère qui réside à Bordeaux et de deux tantes qui résident à Paris et Saint-Etienne, elle n'établit pas l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec ces membres de sa famille alors qu'au demeurant elle réside à Lens. Ainsi, l'intéressée ne justifie pas de liens familiaux ou amicaux stables, durables et intenses en France. En outre, si Mme B...justifie avoir travaillé du 30 juin 2016 au 30 avril 2017 puis avoir effectué des missions d'intérim à la fin de l'année 2017, cette circonstance ne saurait suffire à établir qu'elle aurait noué des liens socio-professionnels d'une particulière intensité sur le territoire national. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment eu égard à la durée de séjour de MmeB..., la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît ainsi ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
10. Il résulte de ce qui précède Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait illégale.
Sur l'obligation de quitter le territoire national :
11. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire national.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devra être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire national serait illégale.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) ".
15. Pour soutenir que la décision du Préfet du Pas-de-Calais fixant son délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, Mme B...se prévaut de ses liens familiaux en France. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. La décision fixant le pays de destination vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 513-2, précise la nationalité de Mme B...et indique que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ces dispositions ni aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
17. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...épouse E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseE..., au ministre de l'intérieur et à MeC....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA01980