Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 février 2016, 12 août 2016, 6 octobre 2017, 20 juillet 2018 et 13 août 2018, la SARL Hirson Contrôle Auto et Me A...B..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL Hirson Contrôle Auto, représentés par la SCP Bejin-Camus-Belot, demandent à la cour :
1°) de faire entièrement droit à sa demande de première instance ;
2°) de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif d'Amiens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
1. Eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. Toutefois, il n'en va pas de même lorsque des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée sont communiqués à l'administration.
2. Les relevés de comptes bancaires obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de CIC Nord Ouest ne présentent pas le caractère de pièces de la comptabilité de l'entreprise. Par suite, la circonstance que l'examen de ces relevés n'ait pas été soumis par l'administration à un débat oral et contradictoire avec la société n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la société contribuable aurait été privée de la possibilité d'avoir avec le vérificateur, au cours de cette vérification, un débat oral et contradictoire, dès lors qu'il n'est pas établi que celui-ci se serait refusé à tout échange de vues au cours des neuf interventions sur place, réalisées au domicile de la gérante à la demande de l'intéressée, et de la réunion de synthèse. La société n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.
3. Contrairement à ce que soutient que la société appelante, la décision n°380459 du 12 février 2016 du Conseil d'Etat dont se prévaut l'administration fiscale devant la cour ne constitue pas un revirement de jurisprudence. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe de sécurité juridique ferait obstacle à ce qu'il lui soit fait application de cette jurisprudence de manière rétroactive ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
4. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que le service aurait été tenu d'informer la société de son intention de demander la communication de différents relevés bancaires dans le cadre de l'exercice de son droit de communication.
5. Rien ne faisait obstacle à ce que, dans sa proposition de rectification du 16 août 2011, le service fasse référence au rapport spécial de gérance de l'assemblée générale du 25 juin 2009 de la société. En tout état de cause, si ce document a servi pour l'établissement de rectifications résultant de la réintégration des frais de déplacement des associés, ce rehaussement a été abandonné dans le cadre du recours hiérarchique du 5 décembre 2011. Par ailleurs, si le service, en page 10 de la proposition de rectification, a fait état de deux factures en date notamment des 15 février et 26 décembre 2007, la requérante ne précise nullement en quoi une telle précision porterait atteinte à une garantie et, par suite, méconnaîtrait le principe de loyauté auquel est soumis l'administration. Au demeurant, ces factures, qui sont d'ailleurs antérieures à la période soumise à vérification, n'ont pas donné lieu à rectification. Par suite, la société ne peut utilement faire valoir que, étant antérieures à la période soumise à vérification, elles ne pouvaient être mentionnées dans sa proposition de rectification. Enfin, si la société fait état également d'une facture Generali du 17 décembre 2010, dont il est fait état en page 11 de la proposition de rectification, il est constant que cette facture n'a pas donné lieu à rectification, étant antérieure à la période soumise à vérification. Au demeurant, cette facture, relative au contrat d'assurance d'un véhicule automobile a été présentée durant les opérations de contrôle par la société elle-même pour tenter de justifier, sans succès, de la déductibilité de dépenses afférentes à un véhicule possédant une autre immatriculation. Par suite, le moyen tiré du manquement à l'obligation de loyauté qui incombe à l'administration fiscale ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) II.-Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. / (...) ".
7. Il est constant que l'activité de la société relève de la catégorie des prestations de services et que son chiffre d'affaires est inférieur aux limites prévues pour le régime simplifié d'impositions pour ce type d'activité. Au titre de la période vérifiée, la société relève donc, en principe, des dispositions du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales pour lesquelles la vérification de comptabilité ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois.
8. Par un courrier du 7 avril 2011, un avis de vérification a informé la société de l'engagement d'une vérification de comptabilité à son égard. Les opérations de contrôle ont commencé à la date de la première intervention, soit le 28 avril 2011, au siège social de l'entreprise. La dernière intervention, consistant en une réunion de synthèse venant clôturer les opérations de contrôle sur place, a eu lieu le 20 juillet 2011 en présence de la représentante légale de la société et de son avocat.
9. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 20 juillet 2011, le vérificateur a demandé à l'avocat de la société de produire, " le plus rapidement possible ", un certain nombre de pièces justificatives. Si cette demande relevait des opérations de vérification, elle a été présentée alors que la période de trois mois n'était pas expirée et que la société disposait d'un délai suffisant pour répondre à cette demande. En tout état de cause, la société n'a produit aucun nouveau document en réponse à cette demande. Par ailleurs, elle ne saurait davantage se prévaloir du courrier du 9 août 2011 dans lequel elle indiquait elle-même à l'administration fiscale que tous les documents la concernant devraient être adressés à son avocat pour soutenir que les opérations de vérification de sa comptabilité se seraient poursuivies. Ainsi la seule existence de ces deux courriers n'est pas de nature à établir que la vérification de comptabilité se serait, en réalité, prolongée jusqu'au 16 août 2011, date de la proposition de rectification, au-delà de la durée maximale de trois mois prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur les avis de mise en recouvrement :
10. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat. / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent ". Par ailleurs, selon l'article R. 256 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ".
11. Par lettre du 15 décembre 2011, l'administration a informé la société de la baisse des rectifications opérées au titre de l'impôt sur les sociétés.
12. En premier lieu, il n'est pas contesté que les amendes pour distribution occulte de l'article 1759 du code général des impôts, portant sur les périodes de janvier 2008 à décembre 2008 et de janvier 2009 à décembre 2009, n'ont été remises par application du I de l'article 1756 du code général des impôts que postérieurement à l'émission des avis de mise en recouvrement du 7 août 2012, du fait du placement de la société en redressement judiciaire. Par suite, la société ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir de l'absence de mention de la lettre du 15 décembre 2011 dans l'avis de recouvrement du 7 août 2012, absence qui ne saurait avoir eu pour effet de la priver effectivement d'une quelconque garantie.
13. En deuxième lieu, le courrier du 15 décembre 2011 de l'administration fiscale ne comporte aucune décision d'abandon de rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société ne peut utilement soutenir que l'avis de mise en recouvrement concernant ces rappels serait irrégulier en l'absence de mention de ce courrier dans l'avis de mise en recouvrement.
14. En dernier lieu, l'avis de mise en recouvrement du 7 août 2012 ne fait pas référence, comme il aurait dû le faire, à la lettre du 15 décembre 2011 informant la société de la baisse des rectifications opérées au titre de l'impôt sur les sociétés. Cependant, en l'espèce, cette seule circonstance n'a pas eu pour effet de priver effectivement la contribuable de la garantie tenant à pouvoir utilement contester les rehaussements dès lors, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs ni soutenu ni allégué, que le montant figurant sur l'avis de mise en recouvrement au titre de l'impôt sur les sociétés n'aurait pas pris en compte les abandons de rectification annoncés par lettre du 15 décembre 2011 et, d'autre part, qu'il n'est pas non plus contesté que la société a bien été destinataire de cette lettre.
Sur l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales :
15. Aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".
16. Il est constant que le service n'a pas commis, dans la procédure d'imposition, d'erreur ayant eu pour effet, notamment, de porter atteinte aux droits de la défense. La société n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions du second paragraphe de l'article L. 80 CA précité. Par ailleurs, les dispositions du premier paragraphe de l'article L. 80 CA précité confèrent au juge une simple faculté dont il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application.
Sur l'application de la doctrine administrative :
17. La doctrine BOI-REC-PREA-10-10-20 ayant été publiée le 7 juillet 2015, soit postérieurement aux avis de mise en recouvrement en cause, la société appelante ne saurait, de ce fait, utilement s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, au regard de ce qui a été dit au point 14, le moyen tiré, sur le fondement des mêmes dispositions du livre des procédures fiscales, de la méconnaissance des paragraphes 30 et 310 de la doctrine administrative de même référence mais dans sa version en vigueur du 12 septembre 2012 au 16 juillet 2015, ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, les doctrines en question se rapportant à la procédure d'imposition, elles ne sauraient être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à la décharge de l'imposition.
Sur la majoration de 40 % pour manquement délibéré :
18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
19. La pénalité pour mauvaise foi a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.
20. Le service a fondé les rectifications sur des manquements nombreux et variés, à savoir l'omission de pièces comptables justificatives, le rejet d'un nombre important de charges, le non-respect des règles relatives à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur prestations de services, le fait que le compte caisse a été créditeur sur une bonne partie de l'année 2008, le caractère peu explicite des écritures comptables, l'absence de référencement des factures présentées et a relevé le fait que la gérante ayant indiqué tenir elle-même la comptabilité et disposer des connaissances nécessaires pour le faire, ne pouvait donc ignorer les règles comptables et fiscales applicables. Même si, en cours d'instance, certaines rectifications et certains rappels ont été abandonnés du fait notamment de la production par la société de différentes pièces justificatives, toutefois, au regard de la gravité, du nombre et de la réitération des autres insuffisances relevées le vérificateur, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements en cause. C'est par suite à juste titre que l'administration fiscale a mis à la charge de la société appelante la majoration de 40 % prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts.
21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société appelante et Me B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL HIRSON CONTROLE AUTO et de Me A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL HIRSON CONTROLE AUTO, à Me A...B..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL HIRSON CONTROLE AUTO et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°16DA00245