Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 décembre 2016, 25 août 2017, 20 juillet 2018 et 13 août 2018, la SARL Centre de Contrôle Technique Automobile Hirsonnais (CCTAH), représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 et 31 décembre 2009, et des pénalités afférentes ;
3°) d'enjoindre à l'administration fiscale de lui restituer la somme de 47 349 euros qu'elle a dû verser, avec intérêt au taux de 4,80 % par an à compter du 10 septembre 2013, date de versement des fonds, conformément à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur les rectifications :
En ce qui concerne le non-respect du délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales :
1. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) II.-Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. / (...) ".
2. L'activité de la société appelante relève de la catégorie des prestations de services et son chiffre d'affaires est inférieur aux limites prévues pour le régime simplifié d'impositions pour ce type d'activité. Au titre de la période vérifiée, la société relève donc des dispositions du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales.
3. Par un avis de vérification du 26 mai 2011, le service a informé la SARL CCTAH de l'engagement de la vérification de la comptabilité de la société. Les opérations de contrôle ont commencé à la date de la première intervention, soit le 25 juin 2010, au siège social de l'entreprise. La dernière intervention, consistant en une réunion de synthèse venant clôturer les opérations de contrôle sur place, a eu lieu le 10 août 2010 en présence de la représentante légale de la société, Mme A...C..., soit alors que le délai de trois mois n'était pas expiré.
4. Si la société fait valoir qu'un certain nombre de documents ont été remis au service par la société et ont été examinés par l'administration fiscale postérieurement à la date du 10 août 2010, une telle circonstance résulte uniquement du fait que la société les a produits à l'appui des observations qu'elle a formulées en réponse à la proposition de rectification et que le service, après avoir examiné ces documents, les a pris en compte dans sa réponse aux observations du contribuable datée du 2 novembre 2010. Par suite, cette seule circonstance ne saurait à elle seule permettre d'inférer que la vérification de comptabilité aurait continué au-delà de la durée maximale de trois mois.
5. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité a été réalisée par M. D... et que Mme E...a pris sa suite pour établir la réponse aux observations du contribuable. Dans ces conditions la seule circonstance que, dans sa lettre du 7 décembre 2011, l'administration indique que la société a été vérifiée par un premier inspecteur des finances publiques puis par un second inspecteur des finances publiques ne saurait permettre de déduire que la vérification de comptabilité se serait poursuivie au-delà du délai maximal de trois mois, la réponse aux observations du contribuable constituant une phase distincte de la vérification de comptabilité.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 5 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ne saurait être accueilli.
En ce qui concerne l'absence de saisine de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires :
7. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. / (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; / 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; / 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code. / II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la commission peut se prononcer sur le caractère anormal d'un acte de gestion, sur le principe et le montant des amortissements et des provisions ainsi que sur le caractère de charges déductibles des travaux immobiliers ".
8. La Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDITCA) n'était compétente ni pour les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause ni pour l'amende pour distribution occulte de l'article 1759 du code général des impôts. Par suite, la société ne peut utilement soutenir que l'administration fiscale l'a privée de la possibilité d'obtenir l'avis de cette commission en refusant de lui transmettre son dossier.
9. Les autres rectifications opérées en matière d'impôt sur les sociétés reposent sur l'application du 1 de l'article 39 du code général des impôts, qu'il s'agisse de dépenses non engagées dans l'intérêt de l'entreprise ou de dépenses non justifiées. Elles relèvent ainsi de la compétence de la CDITCA.
10. Par lettre du 1er décembre 2010, la société, par son conseil, a demandé la saisine de cette commission. Lors de la réunion avec l'interlocuteur hiérarchique du 5 décembre 2011, le service a accepté d'abandonner certaines rectifications, ce dont la société a été informée par lettre du 7 décembre 2011. Par cette même lettre, l'administration fiscale a demandé à la société si elle entendait toujours soumettre le reste du différend à la CDITCA. Le conseil de la société, par une télécopie du 27 janvier 2012, n'a pas répondu explicitement à cette demande mais a indiqué que " quant aux autres redressements maintenus en matière de frais généraux, n'étant pas à ce jour en possession des pièces à réclamer aux clients, je vous fournirai les pièces manquantes dans le cadre de l'instruction du contentieux à une date ultérieure, suite à mise en recouvrement des impositions relatives aux SARL et aux revenus distribués ". Par une telle lettre, qui renvoie le débat vers le cadre contentieux après mise en recouvrement des impositions, la société appelante doit être regardée comme ayant renoncé à la demande de saisine de la CDITCA qu'elle avait formulée antérieurement, à titre conservatoire. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure résultant de l'absence de saisine de cette commission doit, par suite, être écarté.
Sur l'amende pour distribution occulte :
11. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ".
12. Il résulte de l'instruction que, dans sa proposition de rectification du 12 août 2010, l'administration fiscale a présenté la demande suivante à la société : " Conformément aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts, vous voudrez bien me faire connaître l'identité et l'adresse des bénéficiaires de ces sommes, en indiquant pour chacun d'eux le montant perçu. / Vous voudrez bien indiquer pour chacune des dépenses non justifiées leur bénéficiaire, ainsi que leur statut juridique vis-à-vis de la SARL CCTAH (associé ou tiers). A défaut de réponse, ou en cas de réponse dilatoire ou évasive, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la présente, la pénalité de 100 % des sommes versées ou distribuées prévue à l'article 1759 du code général des impôts sera appliquée ". A l'expiration du délai de trente jours qui lui était ainsi imparti, la société n'a pas répondu à cette demande et s'est bornée à indiquer, ultérieurement, dans ses observations formulées par lettre du 12 octobre 2010 et confirmées par lettre du 1er décembre 2010, que " Compte tenu des charges qui seront exclues des dépenses déductibles, il conviendra alors de les retraiter au niveau des distributions en fonction des bénéficiaires à déterminer ".
13. Ainsi qu'il vient d'être dit, la société n'a apporté au service aucune réponse dans le délai qui lui était imparti. Elle n'a pas présenté de demande de délai supplémentaire pour répondre et les courriers qu'elle a adressés après l'expiration de ce délai sont assimilables à une absence de réponse. Si la société soutient que les demandes qui figuraient dans la proposition de rectification excédaient ce que permettent les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, il est cependant constant, d'une part, que ces demandes avaient pour seul objet de permettre à l'administration fiscale d'imposer les bénéficiaires des distributions en cause et, d'autre part, que la société n'a pas répondu à la demande présentée. C'est par suite à juste titre que le service a fait application de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts.
Sur l'avis de mise en recouvrement :
14. Aux termes de l'article L. 256 du même livre : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat. / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent ". Enfin, selon l'article R. 256 de ce livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ".
15. Le courrier du 7 décembre 2011 de l'administration fiscale ne comporte aucune décision d'abandon de rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société ne peut utilement soutenir que l'avis de mise en recouvrement concernant ces rappels serait irrégulier en l'absence de mention de ce courrier dans l'avis de mise en recouvrement.
16. Concernant les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et l'amende pour distributions occultes, il est constant que l'avis de mise en recouvrement ne fait pas référence, comme il aurait dû le faire, à la lettre du 7 décembre 2011 informant la contribuable de la baisse des rectifications opérées à ce titre. Néanmoins, cette seule circonstance n'a pas privé la société contribuable de la garantie tenant à pouvoir utilement contester les redressements dès lors, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs ni soutenu ni allégué, que le montant figurant sur l'avis de mise en recouvrement au titre de l'impôt sur les sociétés et de l'amende pour distribution occulte n'aurait pas pris en compte les abandons de rectification annoncés par lettre du 7 décembre 2011 et, d'autre part, qu'il n'est pas plus contesté que la société a bien été destinataire de cette lettre.
Sur l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales :
17. Aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".
18. Il est constant que le service n'a pas commis, dans la procédure d'imposition, d'erreur ayant eu pour effet, notamment, de porter atteinte aux droits de la défense. La société n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions du second paragraphe de l'article L. 80 CA précité. Par ailleurs, les dispositions du premier paragraphe de l'article L. 80 CA précité confèrent au juge une simple faculté dont il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application.
Sur l'invocation de la doctrine administrative :
19. La doctrine BOI-REC-PREA-10-10-20 ayant été publiée le 7 juillet 2015, soit postérieurement aux avis de mise en recouvrement en cause, la société appelante ne saurait, de ce fait, utilement s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, au regard de ce qui a été dit au point 16, le moyen tiré, sur le fondement des mêmes dispositions du livre des procédures fiscales, de la méconnaissance des paragraphes 30 et 310 de la doctrine administrative de même référence mais dans sa version en vigueur du 12 septembre 2012 au 16 juillet 2015, ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, les doctrines en question se rapportant à la procédure d'imposition, elles ne sauraient être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à la décharge de l'imposition.
20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande à fin de décharge. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction, tendant à ce que l'administration fiscale lui restitue la somme de 47 349 euros qu'elle a dû verser, avec intérêt au taux de 4,80 % par an à compter du 10 septembre 2013 doivent être également rejetées. Enfin, le présent arrêt rejetant la requête comme non fondée, il n'est pas nécessaire de statuer expressément sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Centre de Contrôle Technique Automobile Hirsonnais (CCTAH) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Centre de Contrôle Technique Automobile Hirsonnais et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
2
N°16DA02551