2°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2018 du préfet de l'Oise ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... A..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 29 mars 1996, a mis au monde le 1er février 2016 à Gonesse (Val-d'Oise) une petite fille, qui a été reconnue par un ressortissant français le 14 juin de la même année. Elle a présenté, le 26 décembre 2016, une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de mère d'un enfant français, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 avril 2018, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné la République démocratique du Congo comme pays de renvoi. Mme E... fait appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Oise, en recherchant si l'auteur de la reconnaissance de paternité de l'enfant contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de la fillette, a seulement entendu déterminer, au regard d'un faisceau d'indices, le but réel de cette reconnaissance de paternité, sans subordonner la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme E... à la condition, non prévue par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la participation de l'autre parent à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.
4. D'autre part, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la capture d'écran de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) produite par le préfet de l'Oise, que Mme E... a, dans un premier temps, déclaré devant les services de la préfecture être arrivée sur le territoire français le 18 octobre 2015, soit trois mois et demi avant la naissance de son enfant, ce que ne conteste pas sérieusement l'intéressée en se bornant à affirmer devant le juge de l'excès de pouvoir, sans assortir ses allégations d'aucune précision ni justification, que son arrivée en France remonterait en réalité au mois de février 2015. Par ailleurs, ni Mme E..., interrogée par une fonctionnaire de la préfecture, ni le ressortissant français qui a reconnu l'enfant, entendu par les services de gendarmerie, n'ont fourni d'éléments précis et circonstanciés sur les conditions de leur rencontre et de leur relation. Enfin, les déclarations de ce dernier selon lesquelles il s'occupe de la fillette chaque fin de semaine, fait des achats pour elle et verse à sa mère cent euros par mois pour l'entretien de l'enfant, assorties seulement de deux clichés photographiques, ne suffisent pas à établir qu'il s'en occuperait réellement, même de façon ponctuelle. Dans ces conditions, et compte tenu de la succession, à quelques mois d'intervalle, de l'arrivée en France de Mme E..., de la naissance de son enfant et de sa demande de titre de séjour, le caractère frauduleux de cette reconnaissance de paternité, qui doit être regardée comme ayant été souscrite dans le but exclusif de permettre à l'intéressée de régulariser sa situation sur le territoire français, doit être tenu pour établi.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le préfet de l'Oise, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme E... et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni davantage les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du même code.
7. En deuxième lieu, il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté, Mme E... n'entretenait aucune relation avec la personne qui a reconnu sa fille. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'existence d'un lien de filiation ou simplement affectif entre cette personne et l'enfant ne peut être tenue pour établie par les pièces du dossier. Par ailleurs, en dehors de la fillette, Mme E... n'établit pas avoir en France des liens familiaux, ni même amicaux, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches en République démocratique du Congo. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de Mme E... en France, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cet arrêté et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En troisième lieu, Mme E... ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'elle emmène sa fille avec elle. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'existence d'un lien de filiation ou simplement affectif entre l'enfant et la personne qui l'a reconnue ne peut être tenue pour établie par les pièces du dossier. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance de l'intérêt supérieur de la fillette ni, par suite, des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Oise aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme E... et de sa fille, ni davantage, en s'abstenant de faire usage en faveur de la requérante de son pouvoir général de régularisation, une erreur de droit.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejeté.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
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N°18DA02103