Par une ordonnance du 31 août 2018, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de cette requête à la cour administrative d'appel de Douai.
Procédure devant la cour :
Par une requête, initialement enregistrée le 28 mai 2018 sous le n°18DA01068, et un mémoire, enregistré 3 mars 2020, la SA Natiocrédibail, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe spéciale d'équipement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 ;
2°) de prononcer la décharge partielle des cotisations de taxe spéciale d'équipement qui lui ont été assignées à concurrence des sommes de 130 euros, de 185 euros, de 77 euros et de 76 euros au titre, respectivement, des années 2013 à 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) Natiocrédibail a conclu le 6 juin 2008 un contrat de crédit-bail avec la société Pâtisserie Pasquier Saint-Valéry mettant à disposition de celle-ci, pour les besoins de son exploitation, un établissement industriel situé à Saint-Valéry-en-Caux, dans le département de la Seine-Maritime. L'administration fiscale a estimé que société Natiocrédibail devait être regardée comme propriétaire des constructions additionnelles édifiées sur le site par son crédit-preneur et qu'il convenait par conséquent d'inclure ces constructions dans les bases des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe spéciale d'équipement établies à son nom. L'administration a, par la suite, tenu compte de cette constatation pour l'établissement des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe spéciale d'équipement auxquelles la société Natiocrédibail a été assujettie au titre des années 2013 à 2016. Après avoir contesté ces impositions supplémentaires, sans obtenir entière satisfaction de l'administration, la société Natiocrédibail, par deux instances concernant, d'une part, les années 2013 et 2014, d'autre part, les années 2015 et 2016, a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen. Par un jugement du 27 mars 2018, le tribunal, qui a joint les deux instances, a constaté que les conclusions la société Natiocrédibail aux fins de décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013 avaient perdu leur objet à hauteur du dégrèvement de 23 273 euros prononcé en cours d'instance par l'administration et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. La société Natiocrédibail relève appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe spéciale d'équipement qui lui ont été assignées à concurrence des sommes de 130 euros, de 185 euros, de 77 euros et de 76 euros au titre, respectivement, des années 2013 à 2016.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :
2. La requête de la SA Natiocrédibail, dont le jugement a été attribué à la cour par une ordonnance du 31 août 2018 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a été enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 2018, soit dans le délai d'appel de deux mois ayant couru à compter de la date de notification, à cette société, du jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Rouen. Par suite, la fin de non-recevoir tirée par le ministre de l'action et des comptes publics du caractère selon lui tardif de cette requête doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Dans le dernier état de ses écritures devant les premiers juges, enregistrées le 8 mars 2018, la société Natiocrédibail soutenait que des constructions réalisées par la société Pâtisserie Pasquier Saint-Valéry avaient à tort été incluses dans l'assiette de son imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu de l'article 1400 du code général des impôts alors que l'attribution de propriété de ces aménagements ne résultait ni des dispositions de l'article 555 du code civil ni des stipulations du contrat de crédit-bail. En ne répondant pas à ce moyen qui n'était pas inopérant, dès lors que, en vertu de l'article 1607 bis du code général des impôts, la base de la taxe spéciale d'équipement est déterminée dans les mêmes conditions que celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité, en ce qu'il a rejeté les conclusions des demandes de la société Natiocrédibail tendant à la décharge des cotisations de taxe spéciale d'équipement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016. Ce jugement doit donc dans cette mesure être annulé.
4. Par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la SA Natiocrédibail tendant à la décharge des cotisations de taxe spéciale d'équipement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016, dans la limite des montants en litige mentionnés au point 1.
Sur le bien-fondé des cotisations de taxe spéciale d'équipement en litige :
5. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 1607 bis du code général des impôts que la base de la taxe spéciale d'équipement est déterminée dans les mêmes conditions que pour la part communale, ou à défaut, de la part intercommunale, de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle s'ajoute.
6. D'autre part, aux termes du I de l'article 1400 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel. ". Aux termes de l'article 555 du code civil : " Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'accession à la propriété des biens construits par un tiers sur le terrain que lui loue son propriétaire ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du bail conclu avec ce tiers, sauf stipulations contraires.
7. La SA Natiocrédibail fait valoir, sans être contredite par l'administration, que les stipulations du contrat de crédit-bail qu'elle a conclu avec la société Pâtisserie Pasquier Saint-Valéry se bornent à prévoir que le preneur laissera en bon état, sans indemnité lors de la sortie, pour quelque cause que ce soit, toutes installations, augmentations et embellissements. Ainsi, ces stipulations ne confèrent pas à la SA Natiocrédibail la propriété des nouvelles constructions et des nouveaux aménagements réalisés par le crédit-preneur pendant toute la durée du crédit-bail. Dès lors, la société requérante n'est pas redevable des cotisations de taxe spéciale d'équipement auxquelles elle a été assujettie à raison de ces immobilisations, à concurrence des sommes, dont l'administration ne conteste pas qu'elle se rapporte à ces immobilisations, de 130 euros, de 185 euros, de 77 euros et de 76 euros dont elle demande à être déchargée au titre, respectivement, des années 2013 à 2016.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tendant à la décharge des impositions contestées, que la SA Natiocrédibail est fondée à demander la décharge des cotisations de taxe spéciale d'équipement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016, à concurrence, respectivement, des sommes de 130 euros, de 185 euros, de 77 euros et de 76 euros. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la SA Natiocrédibail demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 et l'article 3 du jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Rouen sont annulés en tant que, par ces articles, le tribunal a rejeté les conclusions de la demande de la SA Natiocrédibail tendant à la décharge des cotisations de taxe spéciale d'équipement auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016.
Article 2 : La SA Natiocrédibail, est déchargée des cotisations de taxe spéciale d'équipement mises à sa charge au titre des années 2013 à 2016, à concurrence, respectivement, des sommes de 130 euros, de 185 euros, de 77 euros et de 76 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Natiocrédibail est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Natiocrédibail et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA01887