Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 mai 2018 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... B..., ressortissant marocain né le 17 juillet 1981, est entré régulièrement sur le territoire français le 1er mars 2014, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa de long séjour qui lui avait été délivré en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française. Le 29 mai 2014, une fille est née en France de son union avec cette ressortissante française. M. A... B... a bénéficié, le 22 février 2015, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", régulièrement renouvelée jusqu'au 21 février 2017. Il a sollicité du préfet du Nord, le 27 mars 2017, le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 18 octobre 2017, cette autorité a refusé de faire droit à sa demande, au motif notamment que la communauté de vie avait cessé entre les époux, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel M. A... B... pourrait être reconduit d'office. La demande de M. A... B... tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée pour irrecevabilité par une ordonnance du 21 février 2018 du vice-président du tribunal administratif de Lille, confirmée le 26 mars 2018 par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Douai. Par un courrier adressé le 10 mai 2018 au préfet du Nord, M. A... B... a demandé à cette autorité d'abroger son arrêté du 18 octobre 2017, en invoquant l'intervention d'un changement dans sa situation. Par une décision du 18 mai 2018, le préfet du Nord a refusé de procéder à cette abrogation. M. A... B... relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de ce refus d'abrogation et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Nord de l'admettre au séjour.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / (...) ".
3. M. A... B... fait état des liens qu'il a commencé à tisser avec sa fille, née le 29 mai 2014, depuis sa séparation avec la mère de cette enfant et invoque le droit de visite que lui a reconnu le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, par un jugement du 11 septembre 2019. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 2 février 2018, statuant dans le cadre d'un appel dirigé contre l'ordonnance de non-conciliation du 16 mars 2017 du juge aux affaires familiales, la cour d'appel de Reims avait déjà reconnu à M. A... B... un droit de visite régulier, en milieu neutre et en présence d'un intervenant social, à l'égard de sa fille, et que, à l'issue de la procédure de divorce engagée à l'initiative de son épouse, ce droit a été maintenu à M. A... B... par le jugement du 11 septembre 2019 dont il se prévaut. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé n'a effectivement exercé ce droit qu'à compter du 12 mai 2018, soit quelques jours avant l'intervention de la décision de refus d'abrogation qu'il conteste et dont la légalité doit s'apprécier à la date à laquelle celle-ci a été prise. A cette date, M. A... B... ne pouvait être regardé comme entretenant une relation établie et ancienne avec sa fille, avec laquelle il avait précédemment rompu tout lien depuis son départ, le 25 mars 2016, du domicile conjugal, la fiche de suivi rédigée par un travailleur social le 27 novembre 2019, versée au dossier, confirmant d'ailleurs que l'établissement de ce lien a nécessité plusieurs rencontres. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en refusant d'abroger le refus de renouvellement du titre de séjour de M. A... B... dans une situation dans laquelle ce dernier ne pouvait être regardé comme établissant contribuer effectivement à l'éducation de sa fille depuis sa naissance ou, à tout le moins, depuis deux ans, n'a, en tout état de cause, pas méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. M. A... B... se prévaut également de ce qu'il résidait habituellement, à la date à laquelle la décision en litige a été prise, depuis près de quatre années sur le territoire français et des conditions en majeure partie régulières de ce séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé était, à cette date, séparé de son épouse française, en instance de divorce, et que, comme il a été dit au point précédent, il ne pouvait être regardé comme entretenant une relation suffisamment établie avec sa fille. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., qui ne fait état d'aucun autre lien sur le territoire français, excepté une soeur qui l'héberge, et qui ne se prévaut pas davantage de démarches d'insertion professionnelle, hormis une perspective d'emploi saisonnier, ni d'une intégration significative dans la société française, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa mère. Dès lors et eu égard à la durée du séjour en France de l'intéressé, en dépit des conditions majoritairement régulières de ce séjour, la décision par laquelle le préfet du Nord a refusé de procéder à l'abrogation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision par laquelle le préfet du Nord a refusé de procéder à l'abrogation de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... B... serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Aux termes des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. Eu égard à ce qui a été dit au point 3 en ce qui concerne l'absence, à la date de la décision de refus d'abrogation contestée, d'une relation établie entre M. A... B... et sa fille, à l'égard de laquelle le droit de visite reconnu par le juge judiciaire venait de se mettre en place quelques jours auparavant, dans une situation dans laquelle l'intéressé avait précédemment rompu tout lien avec cet enfant, il ne peut être tenu pour établi que, pour refuser d'abroger la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français précédemment prise à l'égard de M. A... B..., le préfet du Nord aurait accordé une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de la fille de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. Enfin, les stipulations du 2. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, aux termes desquelles les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte-tenu notamment des droits et des devoirs de ses parents, et à prendre à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées, ne créent de droits qu'entre les Etats signataires de la convention. M. A... B... ne peut, dès lors, utilement se prévaloir de ces stipulations.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
1
4
N°20DA00051