Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2018 et le 17 décembre 2018, l'Union Terres de France, représentée par la société d'avocats CMS Francis Lefebvre, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prescrire le reversement, à titre principal, de la somme de 2 775 638,29 euros, à titre subsidiaire, de la somme de 1 402 621 euros, correspondant au rappel de taxe sur la valeur ajoutée, en droits, qui lui a été notifié le 28 mai 2014 et qui a fait l'objet d'un dégrèvement intégral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'Union Terres de France, qui est une union de sociétés coopératives agricoles dont le siège est situé à Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), exerce une activité consistant à acheter des produits phytosanitaires et à les revendre à prix coûtant à ses quatorze adhérentes, qui sont implantées dans le Nord-Ouest de la France. Dans le cadre de ses relations commerciales avec son principal fournisseur, l'Union Terres de France a négocié des ristournes de fin de campagne, qui lui ont été consenties nettes de taxe sur la valeur ajoutée. Elle a répercuté ces ristournes sur ses adhérentes, sous la forme de notes d'avoir, mais indique n'avoir pas souscrit, à la suite d'erreurs comptables, de déclaration rectificative dans le but de réduire en conséquence la taxe sur la valeur ajoutée collectée qu'elle avait déclarée sur les ventes de produits. Elle estime, dans ces conditions, avoir déclaré et reversé un montant excessif de taxe sur la valeur ajoutée. L'Union Terres de France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, conduite par la direction des vérifications nationales et internationales en ce qui concerne la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 1 402 621 euros en droits et de 108 333 euros en pénalités lui ont été notifiés le 28 mai 2014 et ont été mis en recouvrement le 11 février 2015. Par une réclamation introduite le 10 février 2015, l'Union Terres de France a sollicité, au titre de la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011, la restitution d'un trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 775 638,29 euros correspondant, selon elle, au total des montants de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a mentionnés sur les notes d'avoir adressées à ses adhérentes au cours de cette période. Cette réclamation a été rejetée. L'Union Terres de France relève appel du jugement du 11 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la restitution, à titre principal, de la somme de 2 775 638,29 euros, à titre subsidiaire, de la somme de 1 264 684,29 euros résultant de la compensation entre, d'une part, le trop versé de taxe réclamé et, d'autre part, le rappel de taxe qui lui a été notifié le 28 mai 2014 à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet en ce qui concerne la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013. Dans le dernier état de ses écritures, l'Union Terres de France porte à 1 402 621 euros, correspondant au montant, en droits, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été notifié le 28 mai 2014 et qui a fait l'objet d'un dégrèvement intégral, la somme dont elle demande, à titre subsidiaire, à la cour de prescrire la restitution.
2. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " (...) / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction ou à la restitution d'impositions indues, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux. / (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 196-3 de ce livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ".
3. Pour refuser de faire droit à la réclamation que lui avait présentée l'Union Terres de France, l'administration a estimé que les montants de taxe sur la valeur ajoutée que cette société indiquait avoir omis, à la suite d'erreurs comptables, de déduire, pour tenir compte des avoirs consentis toutes taxes comprises à ses adhérentes, de la taxe collectée sur ses ventes de produits qu'elle avait précédemment déclarée, n'avaient pas été portés sur des déclarations rectificatives souscrites dans le délai, de deux années courant à compter de l'omission, ce délai étant prévu par les dispositions du I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts. Toutefois, ces dispositions, qui, de leur lettre même, concernent les omissions de déclaration de taxe déductible, ne pouvaient légalement être opposées à la demande de l'Union Terres de France, qui tendait à la restitution d'un trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée. Une telle demande ne pouvait davantage être regardée comme tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que le délai prévu à l'article 242-0 C de l'annexe II au code général des impôts n'aurait pu lui être opposé. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen qu'elle invoque sur le terrain de la doctrine administrative, l'Union Terre de France est fondée à soutenir que sa demande de restitution a été valablement introduite dans le délai de droit commun prévu par les dispositions précitées des articles L. 190 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales, qui lui avait été ouvert à la suite de la notification de rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la même période et dont elle avait contesté le bien-fondé. Dès lors, l'appelante est également fondée à soutenir que le tribunal administratif d'Amiens, pour rejeter les conclusions de sa demande tendant, à titre principal, à la restitution du trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée dont elle faisait état, à titre subsidiaire, au bénéfice d'une compensation avec les rappels mis à sa charge, a retenu à tort que le montant correspondant n'avait pas été porté par elle sur une déclaration souscrite dans le délai prévu au I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'Union Terres de France tant devant le tribunal administratif d'Amiens que devant elle.
5. Pour justifier, dans son principe et dans son montant, du trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée dont elle demande la restitution ou, à défaut, pour demander qu'il fasse l'objet d'une compensation avec les rappels de taxe mis à sa charge, en droits, et qui ont été intégralement dégrevés à la suite de sa réclamation, l'Union Terres de France a versé à l'instruction quelques exemples des notes d'avoir qu'elle a adressées à ses adhérentes, des tableaux recensant ces notes d'avoir ainsi que les montants concernés, de même que des attestations émises par les dirigeants des coopératives adhérentes et leurs commissaires aux comptes confirmant qu'elles ont, quant à elles, porté les montants de taxe sur la valeur ajoutée mentionnés sur ces notes d'avoir sur leurs déclarations périodiques de chiffre d'affaires. Elle produit, en outre, des extraits d'un rapport d'audit, qu'elle a fait établir et qui met en évidence les manquements comptables qu'elle présente comme étant à l'origine du trop-versé dont elle se prévaut, ainsi que la copie des plaintes pénales qu'elle indique avoir déposées contre X à raison de faits d'abus de confiance, de recel et de faux en écritures commis dans le cadre de la tenue de sa comptabilité.
6. Toutefois, alors, d'une part, que l'Union Terres de France supporte la charge de la preuve de l'existence et de l'étendue du trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée dont elle fait état, d'autre part, que le ministre conteste tant le principe que l'étendue de la créance de 2 775 638,29 euros qu'elle revendique à ce titre, les pièces qu'elle a produites ne sont pas de nature à lui permettre de justifier de la réalité des paiements qu'elle indique avoir effectués au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à reverser. Si l'Union Terres de France a produit, en outre, à l'appui de son mémoire en réplique, la copie de l'ensemble des déclarations de chiffre d'affaires qu'elle a souscrites au cours de la période en cause, allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011, ces déclarations, qui comportent toutes, à l'exception de la première, un total à payer d'un montant nul, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée déductible qui y est mentionnée compense intégralement la taxe sur la valeur ajoutée collectée, ne permettent pas de corroborer les allégations de l'Union Terres de France selon lesquelles elle n'a effectivement pas tenu compte, dans les montants qu'elle y a portés, de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les notes d'avoir adressées à ses adhérentes. Dès lors, en l'état des pièces produites, l'Union Terres de France ne peut être regardée comme justifiant, dans son principe comme dans son montant, du trop-versé de taxe dont elle demande la restitution, ni davantage de l'existence d'un enrichissement sans cause à son détriment. Il suit de là que ses conclusions tendant, à titre principal, au reversement de la somme correspondante, qu'elle évalue à 2 775 638,29 euros, à titre subsidiaire, de la somme 1 402 621 euros correspondant au dégrèvement qui lui a été accordé, doivent être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'Union Terres de France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Union Terres de France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union Terres de France et au ministre délégué chargé des comptes publics.
1
4
N°18DA01369