Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juillet 2020 ainsi que l'arrêté du 7 février 2020 du préfet de la Haute-Savoie ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 31 de la loi du 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le préfet s'est fondé sur l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour estimer qu'il n'avait plus de droit au séjour dès lors qu'il est inscrit à pôle emploi depuis le 10 janvier 2020, qu'il s'occupe régulièrement de sa fille âgée de douze ans, Diana Maria, qui réside avec sa mère, cette dernière, salariée en France, subvenant à leurs besoins courants ;
- c'est à tort que le préfet a mentionné dans son arrêté qu'il représente une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale, dès lors que la décision d'éloignement n'est pas fondée sur l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- pour les mêmes motifs, il justifie d'un droit au séjour au sens et pour l'application de l'article L. 511-3 1 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire enregistré le 26 janvier 2021, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant roumain né le 2 octobre 1972, relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble rejetant ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 février 2020 :
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ;(...) / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ". Aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1 (...) ".
3. En premier lieu, il ressort tant des visas que des termes de l'arrêté en litige, que le préfet de la Haute-Savoie a entendu fonder sa décision d'éloignement sur la circonstance que M. A..., qui a déclaré lors de son interpellation vivre de la mendicité, chercher du travail et " dormir dans sa voiture la plupart du temps ", ne disposait plus d'un droit au séjour au titre de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile nonobstant la mention, pour maladroite qu'elle soit, de ce que " la situation de l'intéressé constitue une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale ".
4. En deuxième lieu, pour contester l'appréciation du préfet quant à son droit au séjour, ainsi que celle des premiers juges, M. A... se prévaut de son inscription à pôle emploi le 10 janvier 2020 et de la circonstance qu'il serait hébergé par intermittence par la mère de sa fille, avec laquelle il exerce conjointement l'autorité parentale. Toutefois, selon ses propres indications, M. A... ne justifie aucunement des liens qu'il aurait tissés avec sa fille âgée de douze ans et ne réside pas au domicile de son ex-conjointe, laquelle ne perçoit d'ailleurs pas, au vu des pièces du dossier, des revenus suffisants pour prendre en charge l'intéressé. Par ailleurs, le requérant se borne à produire un courrier daté de janvier 2020 confirmant son inscription en tant que demandeur d'emploi sans justifier d'aucune autre démarche antérieure établissant qu'il a déjà travaillé ou bénéficié d'allocations chômage en France, ni ultérieure quant à ses recherches d'emploi. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie pouvait sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation obliger l'intéressé à quitter le territoire dans le délai de trente jours en se fondant sur les dispositions précitées au point 2.
5. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point précédent et compte tenu des fréquents aller-retours en Roumanie de M. A..., l'arrêté attaqué ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 février 2020. Ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme D... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
2
N° 20LY01959