I- Par une requête enregistrée le 28 juillet 2020 sous le n° 20LY02032, et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2020, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 29 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 du préfet du Rhône la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
II- Par une requête enregistrée le 28 juillet 2020 sous le n° 20LY02034, et un mémoire, enregistré le 27 octobre 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 29 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 du préfet du Rhône le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il invoque les mêmes moyens que Mme E... au soutien de la requête n° 20LY02032.
L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E..., ressortissants algériens nés, respectivement, le 11 février 1985 et le 15 mai 1989, sont entrés en France, respectivement le 9 mars 2016 et le 13 février 2016, sous couvert de leurs passeports revêtus de visas de court séjour et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugiés. Leurs demandes ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 octobre 2016, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 13 mars 2017. M. et Mme E... ont sollicité, le 7 novembre 2018, leur admission au séjour en qualité d'accompagnants d'enfant malade compte tenu de l'état de santé de leur fils A..., né en France le 21 juin 2016. Par des arrêtés du 17 décembre 2019, le préfet du Rhône a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office à l'expiration de ce délai. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes enregistrées sous les nos 20LY02032 et 20LY02034 sont relatives à la situation de deux époux au regard de leur droit au séjour en France et sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
4. M. et Mme E... font valoir qu'ils résident en France depuis quatre ans, que leur fils A... souffre d'un trouble du spectre de l'autisme associé à un retard de langage, pathologie qui ne peut bénéficier de la même prise en charge en Algérie qu'en France et qu'ils ont établi des liens personnels sur le territoire national. Toutefois, le préfet du Rhône a estimé, au vu du dossier et, notamment, de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 avril 2019, que si l'état de santé du jeune A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'une prise en charge adaptée en Algérie et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque. Au soutien de leur requête, M. et Mme E... produisent des certificats médicaux établis le 16 mai 2019 et le 18 juillet 2019 par un médecin du service de neurologie pédiatrique des Hospices civils de Lyon, une synthèse de l'évaluation de l'enfant par le centre d'évaluation et de diagnostic de l'autisme, des compte-rendu établis par une psychologue le 4 octobre 2018, le 17 mai 2019 et 20 novembre 2019, un rapport établi par l'enseignant référent de l'enfant, des compte-rendu de bilan orthophonique établis par un orthophoniste en mars 2018 et septembre 2018 et un bilan établi par un orthoptiste le 7 décembre 2018. Toutefois, aucun de ces documents, qui se bornent à décrire la pathologie dont souffre l'enfant et la prise en charge dont il bénéficie, ne permet de contredire l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel l'enfant peut bénéficier de soins adaptés en Algérie. Si les requérants produisent également la traduction d'un certificat médical établi par un médecin généraliste algérien le 22 février 2019 et un certificat médical non daté établi par un médecin algérien spécialiste en endocrinologie-diabétologie indiquant tous deux qu'il n'existe aucune structure étatique similaire aux unités d'enseignement en maternelle françaises ni d'aide de vie scolaire pour les enfants autistes en Algérie, ainsi que la traduction d'une attestation établie par un directeur d'école algérien indiquant que son établissement ne possède pas de classe spéciale pour enfants malades, de tels documents, qui sont rédigés dans des termes très généraux, pas plus que la copie d'une question écrite adressée par Mme D..., député, au ministre de la solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme, laquelle fait au demeurant état d'une prise en charge des enfants autistes en Algérie, ne suffisent pas à établir que le jeune A... ne pourrait bénéficier de soins adaptés à son état de santé dans son pays d'origine.
5. En outre, M. et Mme E... ne sont pas dépourvus d'attaches privées et familiales en Algérie, pays dans lequel ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de trente-et-un et de vingt-sept ans. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans ce pays dont tous les membres ont la nationalité, alors qu'aucune pièce versée au dossier ne démontre que des structures adaptées ne seraient pas accessibles à leur fils. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de M. et Mme E... en France, les arrêtés du préfet du Rhône auraient porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces arrêtés ont été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône ne pouvait légalement prendre à leur encontre les arrêtés attaqués sans méconnaître les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.
6. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. M. et Mme E... font valoir que l'intérêt supérieur de leur fils A... exige qu'il poursuive le suivi pluridisciplinaire et la scolarité engagés en France. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, la nécessité pour leur enfant d'être pris en charge en France n'est pas établie. En outre, les décisions litigieuses n'impliquent pas que le fils de M. et Mme E... soit séparé de ses parents. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jeune A... ne pourrait bénéficier de soins et d'une scolarité adaptés en Algérie. Par suite, les requérants n'établissent pas que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant en prenant les décisions contestées. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la pathologie dont souffre le jeune A... peut être prise en charge en Algérie. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'un éloignement dans ce pays les exposerait à des risques de traitements inhumains et dégradants prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et à Mme C... H... épouse E.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu par mise à disposition du greffe, le 8 avril 2021.
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N° 20LY03032 - 20LY03034