Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 février 2020 ainsi que les décisions du préfet du Rhône du 24 mai 2019 ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; cette décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation ; contrairement à ce que relève le préfet, il est autonome financièrement et est parfaitement inséré socialement et professionnellement en France ; il n'a plus de liens avec la Côte-d'Ivoire ; cette erreur matérielle était déterminante pour l'appréciation portée par le préfet sur la demande de titre de séjour examinée sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision désignant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire qui la fonde.
Le préfet du Rhône, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la Côte-d'Ivoire est, selon ses déclarations, né le 20 décembre 2000, et entré en France en août 2016. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé. Toutefois, après une enquête diligentée par le parquet du tribunal de grande instance (TGI) de Villefranche-sur-Saône, une ordonnance du 15 novembre 2018 du juge des tutelles des mineurs près de ce tribunal a mis fin à cette prise en charge. M. A... a, le 3 décembre 2018, demandé un titre de séjour " mention vie privée et familiale " avec autorisation de travail. Par arrêté du 24 mai 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, la décision refusant à M. A... un titre de séjour mentionne les circonstances de fait et de droit qui la fondent en rappelant notamment et de manière complète le parcours de vie de l'intéressé, de manière à mettre le destinataire en mesure d'en comprendre et contester utilement les motifs et le juge de l'excès de pouvoir d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause. Dans ces conditions, et bien que le requérant fasse valoir que l'appréciation portée par le préfet du Rhône sur son autonomie financière relève d'une rédaction stéréotypée, le préfet a suffisamment motivé sa décision et a procédé à un examen circonstancié et particulier de la situation de M. A....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Il ressort des pièces du dossier que, le 15 novembre 2018, il a été mis fin à la prise en charge de M. A... en qualité de mineur isolé sur le territoire français après que l'enquête diligentée par le parquet du TGI de Villefranche-sur-Saône ait conclu à sa majorité alors qu'un test osseux lui a attribué l'âge moyen de vingt-neuf ans et minimal de vingt-et-un ans et que les empreintes de l'intéressé ont été relevées en Espagne en 2016 où il avait déclaré, à cette date, être majeur. Il a fait l'objet d'un rappel à la loi le 25 septembre 2018 pour avoir obtenu par fraude ou fausse déclaration des prestations ou allocations en nature liquidées ou versées par des organismes de protection sociale au préjudice du département du Rhône. Par ailleurs, en dépit des efforts d'intégration réalisés par M. A... depuis son entrée sur le territoire en août 2016, à la date du refus de titre de séjour, l'intéressé ne justifie que de deux années et demies de présence en France. Malgré le décès de son père et sa mère, il conserve en la personne de son frère des attaches familiales en Côte-d'Ivoire, où il a passé l'essentiel de son existence. Dans ces conditions, et alors même que, contrairement à ce qu'a relevé le préfet du Rhône, l'intéressé a justifié jusqu'alors de ses moyens d'existence et de son autonomie financière du fait de sa formation et de son activité professionnelle en qualité d'apprenti carreleur en alternance, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'erreur d'appréciation pour l'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux relevés au point précédent, le refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
6. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
7. En cinquième lieu, eu égard à ce qui a été exposé au point 4, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En sixième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme E... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
N° 20LY01005
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