Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 13 mars 2020, Mme D... représentée par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal, ainsi que les dispositions susmentionnées de l'arrêté du 27 novembre 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer sans délai une carte de résident ou une carte de séjour " vie privée et familiale " subsidiairement et dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de réexaminer sa demande de titre de séjour après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français sans délai est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a produit aucune observation.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., de nationalité russe née en 1984, est entrée en France en 2007 pour y demander l'asile. La Cour nationale du droit d'asile lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire en 2010. Un titre de séjour lui a alors été délivré et régulièrement renouvelé jusqu'en janvier 2020. Par décision du 3 juillet 2018, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides lui a retiré le bénéfice de la protection subsidiaire au motif qu'elle avait à nouveau séjourné dans son pays d'origine. Le 29 septembre 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 27 novembre 2018, le préfet de l'Isère lui a retiré le titre de séjour dont elle était titulaire, a refusé de lui délivrer le titre qu'elle demandait, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, satisfait, dès lors, à l'obligation de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
4. Mme D... n'établit ni l'intensité des liens personnels qu'elle aurait développés sur le territoire français, ni y avoir séjourné de manière continue depuis 2010, alors qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de son passeport qu'elle a séjourné en Russie en 2012, 2013, 2014 et 2015, qu'elle y a donné naissance à son troisième enfant en 2014 des attaches familiales puisque sa fille majeure y vit. Par suite, le préfet n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, Mme C... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, à l'exception de son propre récit, son moyen selon lequel le préfet de l'Isère a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de l'écarter par adoption du motif retenu à bon droit par les premiers juges.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. L'exception d'illégalité du refus de séjour ainsi que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, directement invoqués contre l'obligation de quitter le territoire français, doivent être écartée par les motifs exposés aux points 4 et 5.
Sur la fixation du pays de destination :
7. En premier lieu, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée par les motifs exposés au point 6.
8. En second lieu, Mme D... n'apporte dans le cadre de la présente instance aucun élément vérifiable de nature à établir qu'elle continuerait d'encourir des risques actuels et personnels en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le renvoi de l'intéressée en Russie procède, en l'espèce, d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation, d'injonction et d'astreinte. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
N° 20LY01045 2