Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2021, M. A..., représenté par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions contre la décision de refus de titre de séjour ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 9 septembre 2019 lui refusant un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le Système d'Information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement doit être annulé à la suite de la demande de titre de séjour effectuée le 11 juin 2020 sur le fondement de l'article L. 314-11, 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision de refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le refus de délivrance de titre de séjour méconnait l'article L. 311-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 1er janvier 1989 et de nationalité guinéenne, déclare être entré en France en 2013. Le préfet de l'Isère a pris un arrêté le 9 septembre 2019 par lequel il lui a refusé le séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble, qui a prononcé un non-lieu sur les conclusions en annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français de l'arrêté du 9 septembre 2019 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande, en tant que le tribunal a rejeté sa demande tendant au refus du titre de séjour.
2. M. A... fait valoir qu'il est présent en France depuis sept ans et qu'il vit avec sa compagne et leurs filles, nées en 2019 et en 2020. Après le rejet de sa demande d'asile en 2014, il a été provisoirement autorisé à séjourner sur le territoire français au cours d'une période de six mois en qualité d'étranger malade en 2017. Sa fille ainée était demandeur d'asile à la date de la décision attaquée. Elle a d'ailleurs obtenu postérieurement à cette date, le 26 novembre 2019, la qualité de réfugiée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Eu égard au caractère recognitif de cette décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, M. A... est fondé à soutenir, compte tenu de la nécessité de la présence des parents d'un enfant mineur bénéficiant de la qualité de réfugiée à ses côtés, que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
3. Le présent arrêt qui annule la décision de refus de séjour prise le 9 septembre 2019 par le préfet de l'Isère implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et en l'absence de changement de circonstances, que l'autorité compétente délivre un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous réserve que le préfet ne lui ait pas attribué un titre sur le fondement du 4° de l'article L.424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile actuellement en vigueur, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Huard, avocat de M. A..., d'une somme de 1 000 euros. Conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 décembre 2020 et la décision du préfet de l'Isère du 9 septembre 2019 portant refus de titre de séjour sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. A..., sous réserve que le préfet ne lui ait pas attribué un titre sur le fondement du 4° de l'article L.424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile actuellement en vigueur, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Huard, avocat de M. A..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à Me Huard et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.
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N° 21LY00745