Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 février 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er décembre 2015 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet du Rhône du 17 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ou, à titre subsidiaire, de l'assigner à résidence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de l'irrégularité de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été transmis au préfet sous couvert du directeur de l'agence régionale de santé ;
- le directeur général de l'agence régionale de santé n'a pas été saisi alors que la demande faisait état de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il lui refuse le bénéfice des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas motivé sur ce point qui n'a pas donné lieu à un examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2016 le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
Par décision du 20 janvier 2016 le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéficie de l'aide juridictionnelle totale à M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;
1. Considérant que par un jugement du 1er décembre 2015 le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. C..., ressortissant géorgien né le 19 janvier 1973, tendant à l'annulation des décisions du 17 mars 2015 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que M. C... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal a répondu, au point 6 de son jugement, au moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des motifs de ses décisions que le préfet du Rhône a notamment examiné le droit au séjour en France de M. C... au titre de la vie privée et familiale, au regard notamment des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dans sa demande devant le tribunal administratif, le requérant a invoqué la méconnaissance par le préfet de ces dispositions et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si le tribunal ne s'est expressément prononcé que sur la méconnaissance des stipulations de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette circonstance n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité dès lors qu'il a ainsi examiné le droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale, auquel tant ces stipulations que le 7° de l'article L. 313-11 interdisent de porter une atteinte disproportionnée ;
Sur la légalité des décisions contestées :
4. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de ce que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été transmis au préfet sous couvert du directeur de l'agence régionale de santé et de ce que le directeur général de l'agence régionale de santé n'a pas été saisi alors que la demande faisait état de circonstances humanitaires exceptionnelles doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'intéressé et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a, le 13 août 2014, émis un avis selon lequel l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sans qu'il puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que pour s'écarter de cet avis et estimer que l'intéressé pourrait bénéficier d'un traitement adapté en Géorgie, le préfet du Rhône s'est appuyé sur différents documents fournis par l'ambassade de France retraçant l'état des ressources thérapeutiques en Géorgie ainsi que sur des éléments du site Internet du ministère de la santé géorgien, dont il ressort que le traitement suivi par M. C..., qui est une association de buprénorphine et de naloxone, est disponible en Géorgie sous une autre appellation ; que ni les certificats médicaux produits par le requérant, rédigés en des termes très généraux, ni l'attestation des laboratoires fabriquant le médicament prescrit au requérant, ne suffisent à établir que des médicaments comportant la même substance active que ceux qui lui sont prescrits, ou équivalents à ceux-ci, ne seraient pas disponibles en Géorgie ; que, dès lors, et alors même que la Géorgie réprimerait sévèrement la toxicomanie, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour opposé à M. C... méconnaîtrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le 10° de l'article L. 511-4 de ce code, doivent être écartés ;
8. Considérant, en troisième lieu, que M. C... fait valoir qu'il est malade et doit être soigné en France, que ses enfants sont scolarisés et que lui-même ainsi que son épouse travaillent ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne résidait sur le territoire national, où il déclare être entré le 6 février 2011, que depuis trois ans à la date des décisions contestées, que son épouse fait également l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et que rien ne s'oppose à ce que leur vie privée et familiale se poursuive en Géorgie ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors même que M. C... aurait fourni des efforts d'intégration, les décisions contestées par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, elles ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne un tel droit, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient la délivrance d'une carte de séjour aux étrangers dont les liens personnels et familiaux en France sont tels qu'un refus d'admission au séjour serait constitutif d'une telle atteinte ; que, pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;
10. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des motifs de la décision contestée, qui est suffisamment motivée au regard de ces dispositions, que le préfet a procédé sur ce point à un examen particulier de sa situation ; que, d'autre part, si M. C... se prévaut du bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée, de la scolarisation de ses enfants et de son état de santé, ces éléments ne suffisent pas à caractériser une erreur manifeste du préfet dans l'appréciation de sa situation au regard des critères fixés par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'une carte de séjour sur leur fondement ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que les décisions contestées méconnaîtraient les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
12. Considérant, en sixième lieu, qu'au regard de ce qui est dit aux points 4 à 11 ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, ni de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ;
13. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, M. C... peut bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Géorgie ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le fait de le priver de la possibilité d'être traité en France constituerait un traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations précitées ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'il soit fait application, au bénéfice de son avocat, des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.
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N° 16LY00711
md