Par un jugement n° 1607431 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 juin 2017, Mme B... E..., représentée par Me A..., demande à la cour:
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 mars 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 25 avril 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le retrait de l'attestation de demandeur d'asile :
- c'est à tort que les premiers juges ont, par un moyen relevé d'office, jugé irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de la décision lui retirant son attestation de demande d'asile, qui n'était qu'une faculté pour l'autorité administrative, alors que seule la perte du droit au maintien sur le territoire français fonde l'obligation de quitter le territoire français en litige ;
- cette décision de retrait n'est pas motivée et révèle un défaut d'examen effectif de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation, faute de démonstration par le préfet que sa demande de réexamen de sa demande d'asile n'aurait été déposée que dans le but de faire échec à une mesure d'éloignement ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette obligation est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen effectif de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions combinées des articles L. 742-3 4° et L. 511-1 6°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le champ desquelles elle n'entre pas et qui ne lui sont pas applicables en vertu des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle n'est pas motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 19 mars 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par une décision du 11 mai 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme E....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier-conseiller ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., substituant Me A..., pour Mme E... ;
1. Considérant que Mme E...épouseD..., ressortissante du Kosovo, est entrée en France en juin 2013, accompagnée de son époux et de ses deux enfants mineurs ; qu'après rejet d'une première demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 avril 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 février 2015, et d'une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" au regard de son état de santé, l'intéressée a sollicité le réexamen de sa demande d'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a opposé l'irrecevabilité de cette demande le 29 janvier 2016 ; que, le 25 avril 2016, le préfet du Rhône a retiré l'attestation de demandeur d'asile précédemment délivrée à Mme E...au titre de sa demande de réexamen, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que Mme E...relève appel du jugement du 14 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, par l'article 1er de l'arrêté attaqué, le préfet du Rhône a prononcé le retrait de l'attestation de demande d'asile qu'il avait antérieurement délivrée le 22 janvier 2016 à Mme E...pour les besoins de l'instruction de sa demande de réexamen de sa demande d'asile ; que cette décision, qui fonde l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de la requérante, a le caractère d'un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, Mme E... est fondée à soutenir que le jugement est irrégulier en ce qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision de retrait et à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme E...devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Rhône lui a retiré son attestation de demande d'asile et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions de MmeE... ;
Sur le retrait de l'attestation de demande d'asile :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; (...) " ;
5. Considérant que, pour soutenir que le préfet aurait dû l'autoriser à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile, Mme E...fait valoir qu'elle avait formé une demande de réexamen motivée, en particulier par les agressions dont ont été victimes les membres de la famille de son conjoint en janvier 2016 ; que, toutefois, les faits invoqués à l'appui de cette demande n'augmentaient pas de manière significative la probabilité qu'elle puisse prétendre à une protection ainsi que l'a estimé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour conclure à l'irrecevabilité de la demande de réexamen sur le fondement des articles L. 723-11 et L. 723-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que la demande de réexamen de Mme E... a été enregistrée le 29 janvier 2016, alors qu'un refus de titre de séjour pour raisons de santé lui avait été opposé le 7 décembre 2015, assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que la requérante, qui d'ailleurs n'a pas contesté ces décisions qui lui ont été notifiées le 11 décembre 2015, ne saurait utilement se prévaloir de son état de santé pour soutenir que sa demande de réexamen présentée au titre de l'asile n'aurait pas été présentée en vue de faire échec à la mesure d'éloignement ainsi prise à son encontre ; que, dans ces circonstances, après avoir relevé que MmeE..., ressortissante d'un pays d'origine sûr, avait déjà sollicité l'asile en Hongrie et bénéficié en France de toutes les garanties accordées au demandeur d'asile et opposé le caractère dilatoire de sa demande de réexamen, le préfet du Rhône, qui a suffisamment motivé sa décision et procédé à un examen particulier de la situation de la requérante, n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 4 en estimant ne pas devoir lui accorder le bénéfice d'une prolongation de son droit de se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui est dit aux point 5 que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que sa situation ne relèverait pas du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni à se prévaloir, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision lui retirant son attestation de demande d'asile ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ;
8. Considérant que Mme E..., qui ne démontre pas qu'un éloignement l'exposerait en raison de son état de santé à un traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne bénéficiait plus, à la date de la mesure d'éloignement en litige, du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code ; que, par suite, elle entrait dans le champ du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point précédent permettant au préfet de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le préfet du Rhône, après avoir constaté le rejet pour irrecevabilité de la demande réexamen de Mme E... et estimé que sa situation entrait dans le champ du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 4, a vérifié, en particulier au regard de son état de santé, qu'aucune circonstance ne faisait obstacle à une mesure d'éloignement ; que contrairement à ce que soutient la requérante, l'obligation de quitter le territoire français en litige a été prise à l'issue d'un examen particulier de sa situation personnelle et répond aux exigences de motivation énoncées aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ; que Mme E..., qui n'a pas contesté le refus de titre de séjour pour raisons de santé qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne démontre pas, par les certificats médicaux qu'elle produit, y compris celui du docteur Venet produit en appel, que les problèmes veineux et le trouble post-traumatique dont elle souffre, notamment à raison de son origine, ne pourraient recevoir un traitement approprié au Kosovo ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée récemment en France et qu'elle n'a été autorisée à y résider qu'en raison des démarches qu'elle a accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié et au titre de son état de santé ; que rien ne fait obstacle à ce qu'elle poursuive sa vie privée et familiale hors de France avec son époux, qui a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et ses enfants, qui peuvent y poursuivre leur scolarité ; que, dans ces conditions, la décision obligeant Mme E... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise à cet égard par le préfet du Rhône dans l'appréciation des conséquence d'un éloignement sur sa situation personnelle doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Considérant que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de renvoi, du défaut d'examen particulier de la situation de Mme E... et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... épouse D...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Rhône lui a retiré son attestation de demande d'asile ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette ou confirme le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre de telles mesures doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, verse au conseil de Mme E... une quelconque somme au titre des frais exposés ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 mars 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande de Mme E... tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2016 par laquelle le préfet du Rhône lui a retiré son attestation de demande d'asile.
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme E... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision de retrait de son attestation de demande d'asile et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... épouse D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17LY02298
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