Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2017, Mme A... B... veuveC..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 juin 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 23 mars 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- compte tenu de l'apparition d'une nouvelle pathologie à la date des décisions attaquées, il incombait au préfet de saisir à nouveau pour avis le médecin de l'agence régionale de santé ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause, elle justifie d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens de ce texte ;
- ce refus a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le préfet de la Savoie a présenté un mémoire enregistré le 26 mars 2017, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Par une décision du 5 septembre 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B... veuveC....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme B..., née en 1951, de nationalité camerounaise, est entrée en France le 2 novembre 2011, sous couvert d'un visa de court séjour d'une durée de quatre-vingt-dix jours ; qu'elle a obtenu une autorisation provisoire de séjour pour soins, plusieurs fois renouvelée, entre 2012 et 2016 ; que, le 23 mars 2017, le préfet de la Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence(...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a consulté le médecin de l'agence régionale de santé qui a estimé, le 21 février 2017, que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine ; que Mme B... est suivie depuis 2014 pour une cirrhose en lien avec une hépatite C, traitée efficacement et qui ne nécessite plus qu'une surveillance périodique, dont la requérante n'établit pas qu'elle ne serait pas réalisable au Cameroun ; qu'il résulte des éléments produits par le préfet en première instance que le risque de carcinome hépatocellulaire dont elle se prévaut est minime, voir nul chez les patients qui, comme elle, ne sont plus porteurs du virus ; que la circonstance qu'elle a présenté, sans lien avec la pathologie ayant justifié la saisine du médecin de l'agence régionale de santé et postérieurement à l'avis de ce dernier, des lésions du col de l'utérus, est sans incidence sur la légalité du refus titre de séjour en litige ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait porté à la connaissance du préfet des éléments relatifs à l'évolution de son état de santé postérieurement à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'évolution de son état de santé rendait nécessaire une nouvelle consultation du médecin de l'agence régionale de santé et qu'à défaut, le préfet de la Savoie aurait entaché sa décision d'un vice de procédure ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en se prévalant de la présence en France de sa fille qui survient à ses besoins, Mme B... ne justifie pas d'une circonstance humanitaire exceptionnelle, au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour ne doit être consultée par l'autorité administrative que lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 du même code qui remplit effectivement les conditions de délivrance d'un tel titre ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de la Savoie n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
8. Considérant que Mme B... fait valoir qu'elle réside sur le territoire national depuis six années à la date de la décision attaquée, sous couvert d'autorisations provisoires de séjour régulièrement renouvelées et qu'elle bénéficie de la présence en France de deux de ses enfants, dont sa fille qui la prend en charge ; qu'elle soutient en outre que ses deux fils ont quitté le Cameroun en juin 2015 ; que, toutefois, la requérante n'établit pas qu'elle serait dépourvue de tout lien dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans ; que, dans ces conditions, la décision du préfet de la Savoie ne peut être regardée comme portant au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît pas, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent le fondement ni de la demande de titre de séjour présentée par Mme B... ni de la décision du préfet ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
11. Considérant que si la pathologie gynécologique présentée par Mme B... postérieurement à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé a justifié une intervention chirurgicale pratiquée le 24 mars 2017, soit le lendemain de l'obligation de quitter le territoire français en litige, la requérante ne démontre qu'à la date de cette décision une telle intervention n'aurait pu être réalisée dans son pays d'origine ni qu'un défaut de soins aurait pu entraîner des conséquences sur son état de santé ; que, par suite, la décision obligeant l'intéressée à quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions citées au point précédent ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... veuve C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
2
N° 17LY02848
md