Par un jugement n° 1506283 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 octobre 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 février 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 septembre 2017 en tant qu'il a, en son article 1er, prononcé un non-lieu à statuer ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 26 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros en application combinée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal ne pouvait prononcer un non-lieu à statuer, dès lors que le préfet lui a délivré un titre de séjour différent de celui qu'il sollicitait et que ce titre n'emporte pas des effets équivalents ;
- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un réel examen de sa situation au regard des critères posés à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a de ce fait entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- le préfet du Rhône a commis une erreur de droit en imposant qu'il produise à l'appui de sa demande un contrat de travail ;
- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 6 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- et les observations de Me B..., pour M. C... ;
1. Considérant que M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né en 1996, est entré en France en octobre 2013 à l'âge de dix-sept ans ; qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Rhône ; que, le 28 octobre 2014, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant, à titre principal, les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 26 mars 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de cette décision ; qu'il relève appel du jugement du 21 septembre 2017 en tant qu'il a, en son article 1er, prononcé un non-lieu à statuer sur ces conclusions ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation d'une décision ayant rejeté une demande de titre de séjour lorsque, postérieurement à la saisine de la juridiction, l'autorité administrative a délivré le titre sollicité ou un titre de séjour emportant des effets équivalents à ceux du titre demandé ;
3. Considérant qu'un titre de séjour étudiant, dont le requérant n'avait demandé la délivrance qu'à titre subsidiaire, n'emporte pas des effets équivalents à ceux d'un titre mention "vie privée et familiale", au regard notamment des possibilités de travailler ; que, dès lors, la délivrance à M. C... d'un titre de séjour étudiant valable à compter du 1er septembre 2015, depuis renouvelé, n'avait pas privé d'objet sa demande ; que, par suite, l'intéressé est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer, et, par suite, à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sur la légalité de la décision du préfet du Rhône du 26 mars 2015 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;
6. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ;
7. Considérant que l'arrêté en litige, après avoir décrit la situation du requérant en France depuis son admission à l'aide sociale à l'enfance, est fondé sur le motif selon lequel l'intéressé n'est pas dépourvu de famille dans son pays d'origine et qu'il ne justifie d'aucun contrat de travail ; qu'en se fondant sur ces seuls motifs, sans avoir procédé à un examen global de la situation de M. C... au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, le préfet a commis une erreur de droit ; que l'intéressé est par suite fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, à demander l'annulation de la décision du 26 mars 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
8. Considérant qu'eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas que le préfet du Rhône délivre à M. C... une carte de séjour temporaire mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais liés au litige :
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit fait application au bénéfice de son avocat des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 septembre 2017 et la décision du 26 mars 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la demande de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17LY03732
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