Par un jugement n° 1705656 du 16 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2017, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ardèche du 9 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 800 euros en application combinée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté en litige ne comportait pas de décision de refus de séjour ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été prises par une autorité incompétente ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, prises sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont illégales dès lors qu'elles sont intervenues avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant définitivement sa demande d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 7 février 2018, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
1. Considérant que M. A..., de nationalité bangladaise, né le 26 mai 1997, est entré en France en décembre 2014 ; qu'il a déposé le 28 mai 2015 une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ; que, par décisions du 9 décembre 2016, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que M. A... relève appel du jugement du 16 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort des termes de sa décision que le préfet de l'Ardèche, alors même qu'il n'était pas tenu de le faire, a, à l'article 1er de son arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... ; qu'il avait préalablement relevé qu'il n'avait obtenu ni le statut de réfugié, ni la protection subsidiaire et qu'il ne pouvait, en conséquence, prétendre à la délivrance ni de la carte de résident prévue au 8 de l'article L 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L 313-13 de ce code, et, par ailleurs, que la délivrance d'une carte de séjour au titre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 dudit code n'était pas justifiée ; qu'ainsi, c'est à tort que le premier juge a considéré que les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de ce refus de titre de séjour étaient dépourvues d'objet ; que le requérant est par suite fondé à demander l'annulation du jugement, en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre ce refus de titre de séjour ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2016 par laquelle le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions du requérant ;
Sur le refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de séjour a été signée par M. Claudon, secrétaire général de la préfecture de l'Ardèche, qui a été nommé en cette qualité par décret du 8 juillet 2015, et était titulaire d'une délégation de signature à cet effet par arrêté du 9 septembre 2017 du préfet de l'Ardèche, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ardèche du même jour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par décision du 8 juin 2016, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté la demande d'asile de M. A... ; que le préfet de l'Ardèche a produit un accusé de réception d'un courrier envoyé à l'intéressé par la Cour nationale du droit d'asile, régulièrement notifié à l'adresse indiquée par ce dernier et comportant une signature du destinataire ; que M. A... n'apporte aucun élément qui établirait qu'il n'aurait pas signé ce pli ou que la personne qui aurait signé l'accusé de réception du pli n'avait pas qualité pour le faire ; que s'il soutient que le pli ne contenait pas la décision de la Cour nationale du droit d'asile, il n'a jamais entrepris aucune diligence pour obtenir les documents dont l'absence est alléguée ; que, par suite, le refus de titre de séjour est intervenu après le rejet définitif de la demande d'asile de M. A..., qui ne disposait plus, ce de fait, d'un droit au séjour en France ;
6. Considérant, en troisième lieu, que M. A... ne remplissant pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Ardèche n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que M. A... n'ayant pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que le refus de séjour a été pris en méconnaissance de ces dispositions est inopérant ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré irrégulièrement en France, n'y séjournait que depuis deux années à la date de la décision en litige ; qu'il est célibataire, sans charge de famille, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Bangladesh où il a vécu l'essentiel de son existence ; que s'il suivait avec sérieux une formation de CAP de menuisier, le refus de titre de séjour n'a pas, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ;
11. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision de la Cour nationale d'asile rejetant définitivement la demande d'asile de M. A... lui a été régulièrement notifiée le 17 juin 2016 ; que, par suite, il entrait dans le champ des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation de quitter le territoire français était fondée sur le refus définitif de la reconnaissance de la qualité de réfugié de M. A... et non sur le refus de titre de séjour pris le même jour, l'intéressé ne peut, en tout état de cause, exciper de l'illégalité de ce refus de séjour ;
13. Considérant que, pour les motifs exposés au point 9, les moyens tirés de ce que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
14. Considérant que si M. A... soutient encourir des risques en cas de retour au Bangladesh, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations, au demeurant non circonstanciées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait à cet égard entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 9 décembre 2016 par laquelle le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
16. Considérant que le présent arrêt qui rejette ou confirme le rejet des conclusions de M. A... tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ardèche, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre de telles mesures doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, verse une somme quelconque à l'avocat de M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2016 par laquelle le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2016 par laquelle le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17LY03824
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