Par un jugement n° 1705924 du 11 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 novembre 2017, 12 mars 2018 et un mémoire enregistré le 24 mars 2018 qui n'a pas été communiqué, Mme C... B..., représentée par Me Royon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Loire du 19 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale " dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros en application combinée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision a été prise sans qu'elle ait pu présenter des observations, en méconnaissance de son droit à être entendu reconnu par un principe général du droit de l'Union européenne ;
- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français étant mineure ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 19 mars 2018, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme B..., de nationalité ivoirienne, qui soutient être née en 2000, est entrée en France en juin 2016 ; qu'elle a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Loire le 29 juillet 2016 ; qu'estimant que l'intéressée était majeure, le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, par décision du 19 juillet 2017 ; que Mme B... relève appel du jugement du 11 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que la directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;
3. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;
4. Considérant que Mme B..., qui n'a jamais sollicité de titre de séjour, a été entendue le 23 mai 2017 par les services de police, dans le cadre d'une enquête pour faux et usage de faux et tentative d'escroquerie ; qu'il ressort des pièces du dossier que cet entretien, lors duquel l'intéressée a accepté de subir un examen osseux, a porté exclusivement sur sa situation médicale et les éléments qui pourraient influer sur ce test ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ait été informée des résultats de cet examen osseux, établis le 6 juillet 2017, ni qu'elle ait été entendue par les services de police suite à cet examen ; qu'ainsi, l'intéressée n'a jamais été mise à même de présenter des observations sur la décision d'éloignement envisagée à son encontre le 19 juillet 2017 ; que cette décision doit par suite être annulée ainsi que la décision fixant le pays de destination ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
6. Considérant qu'eu égard aux motifs qui la fondent, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas que le préfet de la Loire délivre à Mme B... un titre de séjour mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Royon, avocat de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive à l'aide juridictionnelle incombant à l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2017 et l'arrêté du 19 juillet 2017 par lequel le préfet de la Loire a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme B... dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Royon une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me A... Royon.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17LY03877
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