Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 novembre 2017 et des mémoires enregistrés les 29 mars et 4 avril 2018 qui n'ont pas été communiqués, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Loire du 19 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" sous huit jours ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté critiqué est insuffisamment motivé et a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'authenticité des actes d'état civil produits n'était pas établie et que les examens médicaux établissaient sa minorité ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 novembre 2017 ;
Par un mémoire enregistré le 4 avril 2018, le préfet de la Loire s'en remet à ses écritures produites en première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
1. Considérant que M. D..., ressortissant malien déclarant être né le 31 décembre 1999, est entré au mois de décembre 2015 en France, où il a été pris en charge par les services du département de la Loire en qualité de mineur isolé ; que, par arrêté du 19 juillet 2017, le préfet de la Loire, se fondant en particulier sur la circonstance que l'intéressé était en réalité majeur, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que M. D...relève appel du jugement du 11 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Loire du 19 juillet 2017 :
2. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des procès-verbaux des auditions des 24 mars 2016 et 9 mai 2017 dressés par les services de police qui l'ont convoqué dans le cadre d'une procédure judiciaire pour escroquerie ouverte à son encontre, que M. D..., bien qu'ayant été interrogé sur son âge, ait été mis à même, avant que n'intervienne l'arrêté en litige, de présenter de manière utile et effective son point de vue sur la perspective de son éloignement, ou même sur l'irrégularité de son séjour ; que M. D... est ainsi fondé à soutenir qu'il a été privé de son droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2017 ainsi que celle de l'arrêté du préfet de la Loire du 19 juillet 2017 prescrivant son éloignement ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Considérant qu'eu égard au motif qui fonde l'annulation prononcée par le présent arrêt, celui-ci implique seulement que le préfet de la Loire procède au réexamen de la situation de M. D... ; qu'il y a lieu dès lors d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois et, dans l'attente, de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais liés au litige :
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce et alors que M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 novembre 2017, il y a lieu de faire application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et de mettre à ce titre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2017 et l'arrêté du préfet de la Loire du 19 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de procéder dans le délai de deux mois au réexamen de la situation de M. D... et, dans l'attente, de munir M. D... d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... B... la somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17LY03837
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