Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 4 février 2019 qui n'a pas été communiqué, M. C..., représenté par Me D...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 31 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, faute de mentionner si le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- l'obligation de quitter le territoire français est injustifiée ; il ne représente pas une menace actuelle et grave pour un intérêt fondamental de la société française ; les faits qui lui sont reprochés n'ont pas tous donné lieu à condamnation pénale ; il a stabilisé sa situation depuis 2016 en obtenant un travail et en devenant père ;
- cette obligation a été prise en méconnaissance du droit à être entendu, principe général du droit, protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, puisqu'il n'a pas été informé qu'il allait faire l'objet d'une décision d'éloignement et qu'il n'a pas eu accès à un interprète durant son entretien avec les services de police ; c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a appliqué la jurisprudence Danthony pour écarter ce moyen ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire à titre exceptionnel est illégal en l'absence d'urgence ;
- l'interdiction de circuler sur le territoire français ne pouvait être prononcée puisqu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'est pas l'auteur des délits évoqués.
Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant roumain né le 8 octobre 1995, a fait l'objet d'un arrêté du 31 mai 2018, qui lui a été notifié le 1er juin suivant, par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Par un arrêté du 6 juin suivant, le préfet a assigné l'intéressé à résidence dans la commune de Dijon pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... relève appel du jugement du 15 juin 2018, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation des décisions contenues dans l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 31 mai 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des dispositions de l'article R. 776-1 du code de justice administrative et du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'audience au cours de laquelle le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne statue sur le recours d'un étranger contre une obligation de quitter le territoire français sans délai se déroule sans conclusions du rapporteur public, sans qu'il y ait lieu de dispenser celui-ci de prononcer des conclusions en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, ni, par suite, de mentionner une telle dispense en application de l'article R. 741-2 du même code. Par suite, le moyen selon lequel le jugement serait irrégulier faute de mentionner que le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 31 mai 2018 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été condamné en mars 2015 par le tribunal correctionnel de Dijon à une peine d'emprisonnement pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, puis à deux reprises en janvier 2015 puis en mars 2016 pour conduite de véhicule sans permis de conduire valable. Il est en outre défavorablement connu des services de police pour des faits de vol en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours en janvier 2018, novembre et décembre 2015 et février 2014, pour des faits de violence en septembre 2015, de transport d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D en avril 2014 et enfin pour divers délits routiers commis en juin et janvier 2014. Eu égard à la gravité et au caractère répété des agissements de l'intéressé, et alors même qu'il vivrait maritalement avec une ressortissante roumaine et leur enfant commun, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 3 en l'obligeant à quitter le territoire français.
6. En deuxième lieu, le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, implique que l'autorité administrative mette un citoyen de l'Union européenne à l'encontre duquel est envisagée une mesure d'éloignement du territoire à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective de son éloignement.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'avant que le préfet ne prenne l'obligation de quitter le territoire en litige, M. C..., qui déclare ne savoir ni lire, ni écrire le français, a été entendu par les services de police le 30 mai 2018 en présence d'un interprète de langue roumaine. La circonstance que cet interprète ne soit pas assermenté et qu'il s'agisse de son épouse n'a pas eu pour conséquence d'entacher d'irrégularité l'entretien dès lors qu'il ressort des termes du procès-verbal d'audition que le requérant, qui a fait état de sa situation privée et familiale en France et des motifs pour lesquels il souhaitait pouvoir s'y maintenir, a été informé qu'une décision d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre. Ainsi, M. C... a pu faire valoir toutes observations utiles avant l'intervention de la décision d'éloignement.
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
8. Ainsi qu'il a été dit au point 5 et alors que M. C... conteste les faits reprochés en se bornant à soutenir qu'il n'a pas fait l'objet de condamnations pénales pour certains des faits qui lui sont reprochés, c'est sans erreur d'appréciation et sans méconnaître les dispositions citées au point 3 ci-dessus que le préfet a estimé que l'intéressé pouvait, à la date des décisions en litige, être éloigné sans délai sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'interdiction de circulation sur le territoire français :
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (...) ".
10. En se bornant à soutenir que l'autorité préfectorale n'établit pas qu'il est l'auteur des délits qui lui sont reprochés, M. C... ne démontre pas que le préfet de la Côte-d'Or, qui, ainsi qu'il a été dit au point 5 a tenu compte de l'ensemble de sa situation privée et familiale ainsi que les différentes infractions pénales consignées dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires pour lesquelles il a été condamné ou interpellé, aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en fixant la durée de l'interdiction de circulation sur le territoire prononcée à son encontre à trois ans.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 31 mai 2018. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
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N° 18LY02821
dm