Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 septembre 2014 et 15 septembre 2015, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 août 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal.
Il soutient que M.B..., de nationalité tunisienne, est arrivé en France en 2009 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire ; qu'il était démuni de passeport ; qu'il n'a pu justifier d'un domicile ; que sa domiciliation avait déjà été discutée lors de l'audience ; qu'il avait manifesté son intention de se soustraire aux mesures dont il fait l'objet ; qu'il n'a pas justifié d'une vie de couple avec une compatriote.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2015, M. B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 600 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que la mesure de rétention n'était pas justifiée ; que le préfet ne pouvait se fonder sur l'absence de justification de ressources, la soustraction à une précédente mesure d'éloignement et le défaut de passeport pour conclure à un risque de fuite ou d'entrave ; que la domiciliation n'était pas en débat ; qu'il n'est pas contesté qu'il dispose d'un passeport en cours de validité, même s'il n'a pu le présenter.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Picard.
1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien né en 1984, est entré en France le 17 octobre 2009, muni d'un visa de long séjour valant titre de séjour, valable du 7 octobre 2009 au 7 septembre 2010, dont il n'a pas demandé le renouvellement ; qu'il a sollicité le 13 mai 2013 la délivrance d'un titre de séjour ; que le 6 février 2014, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par jugement du 18 juin 2014, confirmé par un arrêt de la cour du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces décisions ; que le 27 août 2014, le préfet du Rhône a ordonné son placement en rétention administrative ; que par un jugement du 29 août 2014, dont le préfet du Rhône relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal a annulé cette dernière décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 de ce code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...) ;
4. Considérant que l'article L. 561-2 de ce code dispose que : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; que le 3 du II de l'article L. 511-1 dudit code précise que le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français " est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas justifié de l'existence d'une résidence effective ou permanente, ni être marié ou, comme il l'allègue, entretenir une relation avec une compatriote séjournant régulièrement en France ; qu'il n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 6 février 2014 et il a déclaré, lors de son audition, le 27 août 2014, qu'il ne voulait pas retourner en Tunisie ; que même si, dans ses décisions du 6 février 2014 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, le préfet avait relevé que M. B... était entré en France sous couvert d'un passeport, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier, qui n'a présenté qu'une photocopie d'un passeport tunisien valable jusqu'au 5 février 2018, aurait disposé, à la date de la mesure contestée, d'un passeport en cours de validité ; qu'ainsi, l'intéressé ne dispose pas de moyens d'existence suffisants, ni ne justifie de garanties de représentation, et il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision plaçant M. B... en rétention, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur les motifs tirés de ce que le préfet avait commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur d'appréciation ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... ;
7. Considérant, contrairement à ce que soutient le requérant, qu'il n'appartient pas au préfet du Rhône de justifier de la compétence du signataire de la décision en litige ; qu'au demeurant, le préfet du Rhône, par un arrêté du 27 juin 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 60 de la préfecture, a donné délégation à MmeA..., attachée, en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration ainsi que du chef du service de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment la totalité des actes établis par la direction dont elle dépend, à quelques exceptions qui ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de refus de titre de séjour en litige doit, dès lors, être écarté ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé ;
9. Considérant que l'erreur commise par le préfet sur le domicile de la compatriote avec laquelle M. B... prétend vivre est demeurée sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 27 août 2014 ; que les conclusions que le conseil de M. B...a présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 29 août 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 16 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 mars 2016 .
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N° 14LY02779
mg