Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er décembre 2014, 6 janvier 2015, 30 mars 2015 et 11 décembre 2015, M. et Mme C...demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 septembre 2014 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions mentionnés ci-dessus du maire de Brioude ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Brioude et de Mme A..., chacune, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, car il est insuffisamment motivé et n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.7 du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) de la commune de Brioude ;
- les permis contestés méconnaissent les dispositions des articles 3.2 et 5 du règlement de la ZPPAUP et de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 26 janvier 2015, la commune de Brioude conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable en raison, d'une part, de sa tardiveté et, d'autre part, de l'absence de notification du premier recours gracieux, en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- subsidiairement, les moyens des appelants sont infondés.
Mme A...a présenté des mémoires, enregistrés les 2 mars et 6 mai 2015.
Par ordonnance du 17 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 11 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lévy Ben Cheton,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant le cabinet Lazare avocats, avocat de M. et MmeC....
1. Considérant que par un arrêté du 13 décembre 2012, le maire de Brioude a délivré à Mme A...un permis de construire une maison individuelle sur un terrain cadastré section AB n° 1065, sis 1ère impasse des Barrys à Brioude et situé en zone 2 de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ; que par deux recours gracieux, formés les 7 janvier et 4 mars 2013, M. et Mme C...ont sollicité du maire le retrait de ce permis de construire ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis de construire, ainsi que de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ; qu'ils doivent être regardés comme contestant également le permis modificatif délivré en cours de première instance à Mme A..., après que celle-ci a été invitée à faire procéder à cette régularisation par le Tribunal, en vertu de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Brioude à la demande de première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (... ) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article A. 424-16 de ce code, dans sa version alors applicable : " Le panneau (...) indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la superficie du plancher hors oeuvre nette autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (...) " ; que l'article A. 424-17 dudit code ajoute que : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : " Droit de recours : Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme) " " ;
6. Considérant qu'il est constant que l'arrêté du 13 décembre 2012 par lequel le maire de Brioude a délivré un permis de construire à Mme A...n'a pas fait l'objet de l'affichage, sur le terrain d'assiette du projet, prévu par les dispositions précitées de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme ; que si un premier recours gracieux exercé contre cette décision le 7 janvier 2013 par M. et MmeC..., établit que ces derniers ont eu connaissance dudit permis, cette seule circonstance n'a pas eu pour effet de faire courir à leur égard le délai de recours contentieux ; que leur second recours gracieux, reçu en mairie le 5 mars 2013, et notifié à Mme A...conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, a fait naître, au terme du silence gardé durant deux mois par le maire de Brioude, soit le 5 mai 2013, une décision implicite de rejet ; que, dès lors, leur demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 7 mai 2013, n'était, contrairement à ce que prétend la commune en défense, pas tardive ;
7. Considérant qu'il ressort en outre des pièces du dossier que ce recours contentieux a été notifié à l'auteur de la décision ainsi qu'au bénéficiaire du permis dans le délai prescrit à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
8. Considérant que, par suite, les fins de non-recevoir que la commune de Brioude oppose à la demande introduite devant le tribunal par M. et Mme C...ne peuvent être accueillies ;
Sur la légalité du permis de construire contesté :
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 642-6 du code du patrimoine dès lors que cette décision a fait l'objet de l'accord, selon les cas prévus par cet article, de l'architecte des Bâtiments de France, du préfet de région ou du ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés. " ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 642-6 du code du patrimoine : " Tous travaux, à l'exception des travaux sur un monument historique classé, ayant pour objet ou pour effet de transformer ou de modifier l'aspect d'un immeuble, bâti ou non, compris dans le périmètre d'une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine instituée en application de l'article L. 642-1, sont soumis à une autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-8 du code de l'urbanisme. Cette autorisation peut être assortie de prescriptions particulières destinées à rendre le projet conforme aux prescriptions du règlement de l'aire. / L'autorité compétente transmet le dossier à l'architecte des Bâtiments de France. A compter de sa saisine, l'architecte des Bâtiments de France statue dans un délai d'un mois. En cas de silence à l'expiration de ce délai, l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir approuvé le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable, qui vaut alors autorisation préalable au titre du présent article. Dans le cas contraire, l'architecte des Bâtiments de France transmet son avis défavorable motivé ou sa proposition de prescriptions motivées à l'autorité compétente. (...) Le présent article est applicable aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager prévues par l'article L. 642-8 pour les demandes de permis ou de déclaration préalable de travaux déposées à compter du premier jour du troisième mois suivant l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement " ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 642-8 du même code : " Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager mises en place avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement continuent à produire leurs effets de droit jusqu'à ce que s'y substituent des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine et, au plus tard, dans un délai de six ans à compter de l'entrée en vigueur de cette même loi. "
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé en zone 2 de la ZPPAUP de la commune de Brioude, dont la révision, en octobre 2005, a été approuvée, avec celle du PLU, par arrêté du 7 novembre 2005 ; qu'au terme de ce règlement, les prescriptions applicables à la zone 2, qui recouvre " les franges du bourg et les cônes de vue " sont distinctes de celles applicables au " centre bourg ", qui en constitue la zone 1 ;
13. Considérant que l'article 3-2 du règlement de la ZPPAUP, applicable à la zone 2, prévoit notamment que " les maisons standardisées de constructeur sont à proscrire " ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire contesté autorise l'édification d'une maison d'habitation individuelle issue, dans son économie générale, du catalogue de la société Transbois, entreprise de conception et de construction de maisons en ossature bois, implantée à Brioude ; que, contrairement à ce que soutient la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de Mme A...serait issu de plans uniques et personnalisés, alors qu'il ressort au contraire de la notice, et de la simulation graphique témoignant de l'insertion paysagère (PCMI 6) jointes au dossier de demande, que le bâtiment envisagé est, par son aspect général, semblable à l'une des maisons présentées par ce constructeur dans sa plaquette publicitaire ; que compte tenu de ces éléments, et quand bien même l'architecte des bâtiments de France avait émis un avis favorable au projet, les arrêtés du 13 décembre 2012 et du 6 juin 2014, par lesquels a été délivré, puis régularisé, le permis de construire contesté, méconnaissent les dispositions précitées de l'article 3-2 du règlement de la ZPPAUP ;
15. Considérant, que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen que celui examiné au point précédent n'est susceptible de fonder l'annulation du permis contesté ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Brioude le paiement à M. et Mme C...de la somme de 1 000 euros qu'ils demandent au titre des frais exposés à l'occasion du litige ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme C...tendant à ce que Mme A...leur verse une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. et MmeC..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent une somme à la commune de Brioude au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 décembre 2012 par lequel le maire de Brioude a délivré un permis de construire à MmeA..., la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 4 mars 2013 contre cette décision et l'arrêté du 6 juin 2014 portant permis modificatif sont annulés.
Article 3 : La commune de Brioude versera à M. et Mme C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...C..., à la commune de Brioude et à Mme B...A.... Il en sera adressé copie au procureur de la République près le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay.
Délibéré après l'audience du 16 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 mars 2016.
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N° 14LY03633
mg