Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin et 5 décembre 2014, la société Thonon Agrégats demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2014 ;
2°) de rejeter la demande du préfet de la Haute-Savoie devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'indépendance des législations ;
- contrairement à ce qu'impose l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement n'analyse pas ses mémoires en défense ;
- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que le tribunal n'a pas précisé pour quelle raison un permis d'aménager serait illégal du fait qu'une autorisation pour une installation de stockage de déchets inertes a été délivrée précédemment ;
- en raison du principe d'indépendance des législations, la délivrance d'une telle autorisation, relevant de la compétence du préfet, ne fait pas obstacle à ce que le maire délivre un permis d'aménager, lequel n'est illégal que s'il méconnaît les dispositions d'urbanisme applicables ;
- le projet constituant une opération de réhabilitation agricole, aucune autorisation d'exploitation d'une installation de stockage de déchets inertes n'était donc requise, en application des dispositions du 3° du II de l'article L. 541-30-1 du code de l'environnement ;
- pour cette même raison, tirée de ce que le projet s'analyse comme une opération de réhabilitation agricole, les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Reignier-Esery applicables à la zone agricole sont respectées.
Par des mémoires enregistrés les 12 août et 22 décembre 2014, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 juin 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2015.
Par une ordonnance du 30 septembre 2015, l'instruction a été rouverte.
Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2015, le préfet de la Haute-Savoie a produit les pièces justifiant de l'accomplissement des formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme en ce qui concerne son recours adressé au maire et sa demande devant le tribunal administratif.
Par des mémoires enregistrés les 21 octobre 2015 et 17 novembre 2015, la société Thonon Agrégats conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que la demande de première instance du préfet de la Haute-Savoie est irrecevable, dès lors qu'il n'est pas justifié de la notification de son recours contentieux à la commune de Reignier-Esery, auteur de l'acte déféré.
Par une ordonnance du 5 novembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lévy Ben Cheton,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la Selarl Huglo Lepage et associés, avocat de la société Thonon Agrégats.
1. Considérant que par un jugement du 10 avril 2014, à la demande du préfet de la Haute-Savoie, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 27 octobre 2011 par lequel le maire de la commune de Reignier-Esery a délivré un permis d'aménager à la société Thonon Agrégats ; que cette dernière relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le préfet de la Haute-Savoie, en réponse à une mesure d'instruction diligentée en ce sens, a produit le 8 octobre 2015 les justificatifs de la notification de son recours gracieux et de l'introduction de son recours devant le tribunal administratif de Grenoble à la société Thonon Agrégats ; qu'il n'a toutefois pas justifié avoir, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, notifié son recours contentieux à la commune de Reignier-Esery, auteur de la décision déférée ; qu'en conséquence, sa demande de première instance était irrecevable ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Thonon Agrégats est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le permis d'aménager du 27 octobre 2011 ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la société Thonon Agrégats d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201803 du 10 avril 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande du préfet de la Haute-Savoie devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à la société Thonon Agrégats la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thonon Agrégats et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Savoie, au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative et à la commune de Reignier-Esery.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 14LY01763
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