Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2016, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- la demande était tardive et par suite irrecevable ;
- M. A...ne l'avait pas informé qu'il avait entrepris des démarches en vue d'acquérir la nationalité française, de sorte que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il n'avait pas procédé à un réel examen de sa situation en n'en faisant pas mention dans sa décision de refus de séjour.
Par un mémoire enregistré le 17 mai 2017, M. B... A..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la tardiveté de la demande de première instance n'est pas établie compte tenu du caractère difficilement lisible des mentions figurant sur l'enveloppe du courrier recommandé et de ce qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision qui lui a été notifiée comprenait effectivement la mention des voies et délais de recours ;
- il avait informé le préfet de ses démarches en vue d'obtenir la nationalité française ;
- la question de sa nationalité posant une difficulté sérieuse, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se prononce sur ce point.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
1. Considérant que M. A... est entré en France le 5 juillet 2010 et a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département du Rhône ; qu'après avoir contesté devant le juge judiciaire le refus d'enregistrement de sa demande de nationalité française, il a sollicité, le 24 mars 2015, la délivrance d'un titre de séjour ; que, par décisions du 1er septembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par jugement du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions ; que le préfet du Rhône relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;
3. Considérant que dans le cas où le pli contenant la notification d'une décision, envoyée en recommandé à l'adresse indiquée par son destinataire, a été retourné à l'administration avec la mention "pli avisé et non réclamé", la preuve de cette notification régulière peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la copie de l'enveloppe, dont les mentions sont suffisamment lisibles, que le pli contenant les décisions du 1er septembre 2015 en litige a été présenté le 9 septembre 2015 à l'adresse de domiciliation communiquée par M. A..., et que ce dernier, absent, a été avisé de ce que le pli était à sa disposition ; que, faute d'avoir été réclamé, celui-ci a été retourné à la préfecture du Rhône ; que, par ailleurs, il ressort de la décision en litige, communiquée pour la première fois intégralement en appel, qu'elle mentionnait les voies et délais de recours, sans que M. A... n'établisse que le pli ne contenait pas la page sur laquelle était portée cette mention ; que, dans ces conditions, les délais de recours contentieux ont régulièrement couru à compter du 9 septembre 2015, date de présentation de ce pli ; que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, le 1er décembre 2015, soit postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux de trente jours fixé par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2, n'a pas eu pour effet de proroger ce délai ; qu'il suit de là que la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 1er septembre 2015, qui n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon que le 13 mars 2016, était tardive et, par suite, irrecevable ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée à titre principal par le préfet du Rhône doit être accueillie ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 1er septembre 2015 par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, verse à l'avocat de M. A... une somme quelconque en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2016 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 1er septembre 2015 portant refus de lui délivrer une carte séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi ainsi que ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
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N° 16LY03482
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