Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 avril 2016, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 22 mars 2016 et de rejeter la demande de MmeA....
Il soutient que le refus de titre de séjour opposé à la requérante ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2016, Mme B...C..., épouseA..., représentée par la SCP Clemang-Gourinat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle fait valoir que son état de santé justifie l'annulation prononcée par le tribunal.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gille, président-assesseur.
1. Considérant que Mme B...C..., épouseA..., ressortissante de République du Kosovo, née en 1963, est entrée au mois d'octobre 2012 en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 22 mars 2013, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 novembre 2014 ; que, par arrêté du 4 septembre 2015, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par Mme A...au titre de son état de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office ; que le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement du 22 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté du 4 septembre 2015 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...). " ;
3. Considérant que, pour refuser de délivrer à Mme A...le titre de séjour qu'elle sollicitait pour raisons de santé, le préfet de la Côte-d'Or, se référant à l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé de Bourgogne du 12 janvier 2015 faisant état de l'existence au Kosovo d'un " traitement substitutif approprié ", s'est fondé sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur la circonstance que, si l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait en revanche bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, pour annuler la décision du préfet de la Côte-d'Or, le tribunal administratif de Dijon a retenu que, la transplantation rénale n'étant pas pratiquée au Kosovo, cet arrêté procédait d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée ;
4. Considérant qu'il est constant qu'à la date de la décision contestée, Mme A...présentait une insuffisance rénale chronique terminale compliquée par une hépatite C lui imposant de suivre une hémodialyse à raison de trois séances par semaine et justifiant l'indication médicale d'une greffe de rein, d'ailleurs confirmée le 24 novembre 2015 par l'inscription de Mme A...sur la liste nationale des malades en attente de greffe gérée par l'Agence de la biomédecine ; que s'il doit être considéré, compte tenu notamment des informations figurant dans le document et le tableau qui y est annexé produits par le préfet de la Côte-d'Or et émanant du ministère de la santé de la République du Kosovo, que la prise en charge par épuration extra-rénale des personnes souffrant d'insuffisance rénale terminale est assurée par les autorités sanitaires du Kosovo, il ne ressort en revanche pas des pièces du dossier, en particulier des énonciations du courrier électronique du 8 février 2016 produit par le préfet de la Côte-d'Or qui, s'agissant de la situation plus particulière de la requérante, sont contredites par le courrier du directeur de la clinique de néphrologie de Pristina du 19 octobre 2015, que la transplantation rénale requise par l'état de santé de la requérante dans les délais les plus brefs serait susceptible d'être pratiquée au Kosovo ; que, dans ces circonstances et eu égard aux conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressée, le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a, par le jugement attaqué, annulé son arrêté du 4 septembre 2015 ;
5. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de Mme A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Clemang-Gourinat de la somme de 800 euros au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Clemang-Gourinat une somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B...C..., épouseA..., et à la SCP Clemang-Gourinat.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Gille, président-assesseur ;
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2016.
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N° 16LY01414
mg