Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2016, M. A..., représenté par Me Régent, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2016 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 8 octobre 2015 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Régent au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il a été pris en violation de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet se fondant uniquement sur le fait qu'il ne peut être établi que ses deux parents sont décédés ; ce refus de titre est aussi entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît aussi l'article L. 313-14 du même code et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur ce fondement ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen sur les risques qu'il encourt au Cameroun.
Par une décision du 11 mai 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que M. A..., ressortissant camerounais né en septembre 1997, déclare être entré en France en novembre 2013 ; qu'il a été confié à la Direction de la protection de l'enfance de la Haute-Savoie dès la fin de l'année 2013, puis placé sous tutelle de ce département en mai 2014 ; qu'il a sollicité un titre de séjour le 24 avril 2015 que le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer par un arrêté du 8 octobre 2015 ; que le préfet a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination ; que M. A... relève appel du jugement du 14 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code précité : " À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ;
3. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée ;
4. Considérant que, pour refuser de délivrer sur le fondement des dispositions précitées un titre de séjour à M. A..., après avoir relevé que ce dernier avait suivi une formation pour préparer un certificat d'aptitude professionnelle " boulangerie " destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que les relevés de notes faisaient état d'un travail sérieux au cours de cette année, le préfet de la Haute-Savoie a retenu que M. A... n'avait fourni aucun document permettant de tenir pour établi que ses parents sont décédés, que sa belle-mère l'aurait chassé de son domicile et qu'il se serait retrouvé à la rue ; que le préfet en a conclu que M. A... ne justifiait par aucun document être démuni d'attaches familiales au Cameroun et que, par conséquent, sa situation n'entrait ainsi pas dans les prévisions des dispositions de l'article L. 313-15 précité ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a toujours soutenu que ses parents étaient décédés au Cameroun, sa mère en 2000 et son père en 2010, et qu'après le décès de son père qui s'était remarié, sa belle-mère a refusé de payer ses études et l'a chassé du domicile familial ; qu'à aucun moment M. A... n'a fait état de l'existence de frères ou soeurs au Cameroun ; qu'il ressort en particulier des attestations qu'il a produites émanant d'éducateurs spécialisés qui ont suivi sa formation qu'il n'a pas gardé de contact particulier dans son pays ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Savoie, qui devait apprécier de façon globale la situation de l'intéressé ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, retenir la seule circonstance que M. A... ne justifiait, par aucun document, être démuni d'attaches familiales au Cameroun pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code précité ;
6. Considérant que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... étant illégale, les décisions l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné sont elles-mêmes illégales par voie de conséquence et doivent être annulées ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les autres conclusions :
8. Considérant, en premier lieu, que le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, implique qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à M. A... une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de prescrire au préfet de la Haute-Savoie de délivrer cette carte dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
9. Considérant, en second lieu, que M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à son profit, au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507849 du 14 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du 8 octobre 2015 du préfet de la Haute-Savoie sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à M. B... A...une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Régent, avocat de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Régent renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur, à Me Regent ainsi qu'au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2016.
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N° 16LY01738