Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 5 mars 2015 et 8 juin 2016, la commune de Tournon-sur-Rhône et la société L'immobilière de la vallée du Rhône, représentées par la Selarl Cabinet Champauzac, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2014 ;
2°) de rejeter les demandes d'annulation du permis de construire du 30 avril 2013 ou, à titre subsidiaire, de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge des intimés la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le permis de construire critiqué n'a pas été délivré au bénéfice d'une manoeuvre visant à contourner les dispositions de l'article UB 13 du plan d'occupation des sols de la commune ;
- les dispositions de l'article UB 13 du plan d'occupation des sols ont été respectées par la plantation de trois arbres compte tenu des espaces libres restant et l'absence de plantation sur l'aire de stationnement serait, si le moyen devait être retenu, régularisable par la délivrance d'un permis de construire modificatif ;
- l'article UB 3 n'a pas été méconnu alors que la rue Ronsard dispose d'un trottoir et que l'accès prévu rue Mistral ne présente aucun danger, les premiers juges pouvant au demeurant faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- les dispositions de l'article UB 13 sont illégales dès lors que leur mise en oeuvre selon une interprétation littérale rendrait inconstructible un terrain planté d'arbres pourtant classé en zone UB constructible ;
- les autres moyens soulevés par les intimés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 mai 2015, M. et Mme F...E..., M. et Mme I...B...et M. et Mme H...D..., représentés par la Selarl A...-Le Gleut, concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de chacune des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés alors que le projet critiqué méconnaît les exigences des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ainsi que celles des articles UB 3, UB 11, UB 12 et UB 13 du plan d'occupation des sols de la commune.
Un nouveau mémoire de M. E...et autres, enregistré le 11 juillet 2016, n'a pas donné lieu à communication.
Par ordonnance du 18 juillet 2016, la clôture de l'instruction initialement fixée au 18 juillet 2016 a été reportée au 2 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me G...pour la commune de Tournon-sur-Rhône et la société L'immobilière de la vallée du Rhône, ainsi que celles de Me A... pour M. et Mme E..., M. et Mme B... et M. et Mme D... ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la commune de Tournon-sur-Rhône et la société L'immobilière de la vallée du Rhône, enregistrée le 7 décembre 2016.
1. Considérant que, par un arrêté du 30 avril 2013, le maire de la commune de Tournon-sur-Rhône a délivré un permis de construire à la société L'Immobilière de la vallée du Rhône (IVR) en vue de la réalisation d'un immeuble de douze logements d'une surface de plancher de 1 318 m² sur un terrain situé à l'angle des rues P. de Ronsard et F. Mistral, en zone UBr du plan d'occupation des sols de la commune ; que la commune de Tournon-sur-Rhône et la société IVR relèvent appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ce permis de construire ;
Sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par le jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Tournon-sur-Rhône : " 3.1 Accès : (...) L'accès doit être adapté à l'opération et avoir des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la lutte contre l'incendie et de la protection civile. " ; qu'aux termes de l'article UB 13 du même document, relatif aux espaces libres et plantations : " Les arbres existants et en bon état doivent être maintenus. / Les surfaces non construites et les aires de stationnement au sol doivent être plantées à raison d'un arbre de haute tige par 100 m² de terrain disposé. " ;
3. Considérant que, pour annuler l'arrêté contesté du 30 avril 2013, le tribunal administratif de Lyon a jugé que le permis de construire, demandé, instruit et délivré après abattage de la totalité des arbres plantés sur le terrain d'assiette du projet, résultait d'une manoeuvre du pétitionnaire visant à conférer à son projet l'apparence du respect des prescriptions de l'article UB 13 précité du plan d'occupation des sols de la commune et devait être regardé comme méconnaissant en réalité ces prescriptions ; que le tribunal administratif a également retenu comme fondé le moyen tiré de ce que la seule plantation de trois arbres de haute tige ne permettait pas de satisfaire aux exigences de ce même article UB 13 ; que le tribunal administratif a enfin retenu l'existence d'un risque d'accident résultant de la configuration de l'accès principal de la construction réservé aux piétons et aménagé sur la rue F. Mistral, caractérisant une méconnaissance des dispositions de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune ;
4. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de la configuration des lieux, qui ne se prêtent pas à une circulation intense s'agissant d'un secteur résidentiel, de la destination de l'immeuble projeté et de la possibilité de réglementer le stationnement des véhicules, la seule circonstance que l'entrée et la sortie des piétons soit prévue sur une partie de la rue F. Mistral dépourvue de trottoir ne suffit pas à caractériser une méconnaissance des dispositions précitées de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune ; que les requérantes sont, par suite, fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la violation de ces dispositions ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article UB 3 du règlement du PLU de Tournon-sur-Rhône citées au point 2, imposent la plantation d'un arbre de haute tige pour 100 m², sur les surfaces non construites, d'une part, et sur les aires de stationnement, d'autre part ; qu'il est constant qu'aucune plantation d'arbre n'est prévue sur l'aire de stationnement envisagée à l'arrière du bâtiment projeté ; que, par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols de Tournon-sur-Rhône prévoit le maintien des arbres existants et en bon état ; qu'il est constant que le terrain d'assiette du projet critiqué était, jusqu'au mois de novembre 2012, planté de plusieurs arbres de haute tige dont la présence a justifié son classement comme espace vert protégé dans le projet du futur plan local d'urbanisme, approuvé depuis lors ; qu'il ressort des pièces du dossier que, le 25 avril 2012, la société IVR a obtenu un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble d'habitation sur ce même terrain présenté alors comme acquis par elle de M. C..., au vu d'un dossier de demande prévoyant la suppression des arbres existants sur l'emprise du projet ; qu'après le retrait de ce permis de construire, prononcé le 22 août 2012 par le maire de Tournon-sur-Rhône alors qu'il était saisi du recours gracieux de voisins faisant notamment valoir la méconnaissance des exigences de l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols, cette même autorité a, le 17 octobre 2012, été saisie par M. C... d'une déclaration préalable en vue de l'abattage de ces arbres qui a fait l'objet d'une décision de non-opposition par arrêté du 13 novembre 2012 ; qu'il a été procédé à l'abattage des arbres en cause le 14 novembre 2012 ; que, la vente du terrain ayant été formellement conclue dès le 19 novembre 2012, le permis de construire critiqué du 30 avril 2013 a été délivré par le maire de Tournon-sur-Rhône au vu d'un dossier de demande, déposé le 13 décembre précédent, faisant état d'un terrain d'assiette désormais dépourvu d'arbres de haute tige comme d'arbustes ; qu'eu égard à la chronologie de ces faits et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les arbres abattus n'étaient pas en bon état, cet abattage, même s'il est le fait de M. C... qui atteste y avoir procédé de sa seule initiative, doit être regardé comme n'ayant été entrepris en l'espèce qu'en vue de faire échapper l'acquéreur du terrain aux conséquences de l'application des dispositions du premier alinéa de l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols de Tournon-sur-Rhône ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le permis de construire a été obtenu au moyen de manoeuvres frauduleuses ;
7. Considérant, il est vrai, que, pour soutenir que ces dispositions ne sauraient légalement leur être opposées, les requérantes excipent de leur illégalité ; qu'elles font valoir à cet égard que la mise en oeuvre de ces dispositions peut, selon la configuration des lieux, se traduire par l'impossibilité de construire sur un terrain planté d'arbres pourtant classé en zone UB constructible ; que, toutefois, le permis de construire en litige a été délivré au vu d'un dossier concernant un terrain dépourvu d'arbres et ne saurait ainsi être regardé comme relevant des dispositions dont l'illégalité est ainsi alléguée ; qu'il eût incombé à la seule autorité administrative compétente, régulièrement saisie d'une demande de permis de construire portant sur un terrain non préalablement modifié pour les besoins du projet, de déterminer, sous le contrôle du juge, si et dans quelle mesure il y avait lieu, en délivrant le cas échéant une autorisation spécifiquement motivée sur ce point, de ne pas appliquer un règlement d'urbanisme illégal ; que le moyen soulevé par les requérantes ne peut, par suite, qu'être écarté comme inopérant ;
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. " ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit au point 6 ci-dessus que le permis de construire en litige a été obtenu au moyen d'une fraude à la loi ; qu'un permis obtenu dans ces conditions ne saurait être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif en cours d'instance ; que les conclusions des requérantes tendant à ce que la cour fasse application des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tournon-sur-Rhône et la société IVR ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé le permis de construire du 30 avril 2013 ;
Sur les frais d'instance :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérantes dirigées contre M. et Mme E..., M. et Mme D... ainsi que M. et Mme B..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérantes le versement aux intimés d'une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Tournon-sur-Rhône et de la société L'Immobilière de la vallée du Rhône est rejetée.
Article 2 : La commune de Tournon-sur-Rhône et la société L'Immobilière de la Vallée du Rhône verseront solidairement à M.et Mme E..., M. et Mme D... et M. et Mme B..., une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tournon-sur-Rhône et la société L'Immobilière de la Vallée du Rhône, ainsi qu'à M. et Mme F...E..., M. et Mme H... D...et M. et Mme I...B....
Copie en sera adressée pour information au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Gille, président-assesseur ;
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 décembre 2016.
2
N° 15LY00787
mg