M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2014 par lequel le maire de Nernier a refusé de leur délivrer un permis de construire sur le terrain cadastré section A n° 209, 210 et 526 au lieu-dit les petits devants sud.
Par un jugement n° 1304832-1406317-1407618 du 19 août 2015, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces demandes et les a rejetées.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 21 octobre 2015 et 13 juillet 2016, MM. B...et D...F...et M. et Mme C...A..., représentés par la Selarl Juge Fialaire avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 août 2015 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Nernier du 15 juillet 2013 ;
3°) d'annuler les arrêtés du maire de Nernier des 11 août et 14 novembre 2014 portant refus de permis de construire ;
4°) d'enjoindre au maire de Nernier de procéder à nouveau et sous astreinte au réexamen de leur demande de permis de construire sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date des refus critiqués ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Nernier le versement d'une somme de 12 000 euros à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délibération du 15 juillet 2013 a été prise au terme d'une procédure irrégulière méconnaissant les exigences de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme exigeant une enquête publique ;
- le classement en zone urbaine de leurs parcelles résultant de la délibération du 22 avril 2013 est compatible avec le schéma de cohérence territoriale et correspond à leur localisation en secteur urbanisé, à laquelle ne répond pas le classement en zone naturelle ;
- le maintien de la parcelle n° 207 en zone UC est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ;
- les refus de permis de construire des 11 août et 14 novembre 2014 ne pouvaient légalement se fonder sur le classement des terrains d'assiette résultant de la délibération illégale du 15 juillet 2013, qu'ils sont recevables à critiquer par la voie de l'exception ;
- les refus de permis de construire des 11 août et 14 novembre 2014 ne sauraient trouver leur base légale dans les dispositions du plan local d'urbanisme antérieur à celui qui a été approuvé le 22 avril 2013 et dont la commune oppose l'illégalité ;
- les demandes de substitution de motifs formées par la commune ne sont pas fondées.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2016, la commune de Nernier, représentée par la SCP Mermet et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la délibération du 15 avril 2013, les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- en ce qui concerne les refus de permis de construire :
- l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme n'est pas recevable au-delà du délai prévu par l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les parcelles étant situées dans un espace proche du rivage, dans une coupure d'urbanisation et dans un espace non urbanisé, la loi littoral et le schéma de cohérence territoriale du Chablais permettaient d'opposer un refus de permis de construire alors, en outre, que les dossiers de demande de permis n'étaient pas complets et que le projet de M. et Mme A... ne satisfait pas aux exigences de l'article UC 12 du plan local d'urbanisme ;
Par ordonnance du 30 juin 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me E... pour les requérants ;
1. Considérant que, par délibération du 15 juillet 2013, le conseil municipal de la commune de Nernier a décidé d'abroger les dispositions de sa délibération du 22 avril précédent portant approbation du plan local d'urbanisme révisé de la commune en supprimant l'opération d'aménagement n° 3 qu'elle prévoyait et en modifiant le classement de diverses parcelles pour les faire relever désormais des zones naturelles N et Ng ; que, par arrêtés des 11 août 2014 et 14 novembre 2014, le maire de Nernier a, sur le fondement de ce nouveau classement, rejeté les demandes de permis de construire respectivement formées par MM. D...et B...F...et par M. C... A... ; que MM. F...et M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 19 août 2015 par lequel le tribunal administratif, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du 15 juillet 2013 et des refus de permis de construire qui leur ont été opposés ;
Sur la légalité de la délibération du 15 juillet 2013 :
2. Considérant que, par délibération du 22 avril 2013, le conseil municipal de Nernier a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ; que cette délibération a retenu, pour les parcelles cadastrées section A n° 203, 207, 208, 209, 210, 351, 352, 378, 379 et 526, relevant pour certaines d'entre elles d'une orientation d'aménagement n° 3, un classement en zone urbaine constructible U et UCh ; que le préfet de la Haute-Savoie a, au titre du contrôle de légalité, saisi l'autorité municipale d'une demande tendant au réexamen de ce classement ; que, par la délibération critiquée du 15 juillet 2013, le conseil municipal de la commune de Nernier a décidé d'abroger les dispositions de la délibération du 22 avril 2013 relatives à l'opération d'aménagement n° 3 et au classement de ces parcelles par l'adoption d'un zonage faisant désormais relever ces parcelles, hormis la parcelle cadastrée A n° 207, des zones naturelles dites N et Ng ;
3. Considérant que les requérants ont respectivement produit devant le tribunal administratif une attestation notariale du 21 janvier 2015 et une copie d'acte de vente du 28 octobre 1987 établissant leur qualité de propriétaire des parcelles relevant du zonage en litige et sur lesquelles ils entendent construire ; qu'ils justifient ce faisant de leur intérêt à agir à l'encontre de la délibération du 15 juillet 2013 ;
4. Considérant que, pour soutenir que la délibération qu'ils contestent a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, les requérants font valoir que les modifications en litige ne pouvaient légalement intervenir sans qu'une nouvelle enquête publique ne soit organisée ; que la commune de Nernier fait pour sa part valoir que l'organisation d'une nouvelle enquête publique n'était pas requise dès lors que la délibération en litige a été prise dans le délai de validité de cette enquête et en vue de remédier à l'illégalité du classement initialement retenu au regard des prévisions du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Chablais et des dispositions législatives concernant le littoral et que les modifications auxquelles il a été procédé le 15 juillet 2013 tiennent compte des résultats de l'enquête publique, notamment des avis des services de l'Etat et du commissaire enquêteur et ne remettent pas en cause l'économie du projet soumis à enquête ;
5. Considérant qu'en principe et en vertu de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, l'acte par lequel l'autorité communale approuve un plan local d'urbanisme est exécutoire de plein droit dès qu'il a été procédé à sa publication ainsi qu'à sa transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ; qu'il n'en va différemment, en vertu des dispositions spécifiques de l'article L. 123-12 du code de l'urbanisme alors en vigueur régissant l'entrée en vigueur des plans locaux d'urbanisme en vue de l'exercice d'un contrôle a priori de leur légalité, que pour les communes qui ne sont pas couvertes par un SCOT approuvé ; que le territoire de la commune de Nernier est couvert par le SCOT du Chablais, approuvé le 23 février 2012 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération du 22 avril 2013 portant approbation du plan local d'urbanisme de Nernier, publiée dans le journal d'annonces légales Le Messager et dans le Dauphiné libéré les 25 avril et 3 mai 2013, a été reçue par les services du préfet de la Haute-Savoie le 2 mai 2013 ; que la délibération du 22 avril 2013 était ainsi exécutoire lorsque le conseil municipal de Nernier a, par la délibération critiquée, décidé d'en rapporter certaines dispositions en vue de substituer un nouveau zonage à celui qui avait été initialement retenu ;
6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur, la révision d'un plan local d'urbanisme est soumise à enquête publique et qu'il en va de même, en vertu de l'article L. 123-13-2 de ce code alors en vigueur, pour le projet de modification de ce plan lorsqu'il a pour effet de diminuer les possibilités de construire dans une zone ou de réduire la surface d'une zone urbaine ou à urbaniser ; qu'enfin, en vertu de l'article R. 123-22-1 du même code alors en vigueur, l'abrogation d'un plan local d'urbanisme est également soumise à enquête publique ; qu'il résulte de ces dispositions qu'alors même qu'elle a été prise dans les conditions et pour les motifs dont fait état la commune de Nernier et rappelés au point 4, les requérants sont fondés à soutenir que la délibération en litige, qui a pour effet de modifier la consistance de zones urbaines définies par la délibération précédemment en vigueur, ne pouvait légalement intervenir sans que ne soit suivie une nouvelle procédure comportant l'organisation d'une enquête publique ;
7. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme et en l'état de l'instruction, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de la délibération contestée ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander, d'une part, l'annulation du jugement qu'ils attaquent en tant qu'il a rejeté les conclusions de leurs demandes dirigées contre la délibération du conseil municipal de Nernier du 15 juillet 2013 et, d'autre part, l'annulation de cette délibération ;
Sur la légalité des refus de permis de construire opposés aux consorts F...et à M. et MmeA... :
9. Considérant que, l'annulation d'un document d'urbanisme entraîne l'annulation du refus de permis de construire pris sur son fondement, sauf à procéder, le cas échéant, à une substitution de base légale ou de motifs dans les conditions de droit commun ;
En ce qui concerne le refus du 11 août 2014 opposé aux consortsF... :
10. Considérant que, par l'arrêté contesté du 11 août 2014, le maire de Nernier a rejeté la demande de permis de construire formée par MM. D...et B...F...en vue de la construction de deux villas jumelées sur la parcelle cadastrée A n° 351 ; que, pour prendre sa décision, le maire de Nernier s'est fondé sur la localisation du terrain d'assiette du projet en zone naturelle et sur les dispositions de l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme y interdisant toute nouvelle construction ; qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le classement de la parcelle n° A 351 en zone naturelle résulte de la seule délibération du conseil municipal de Nernier du 15 juillet 2013 dont le présent arrêt prononce l'annulation ; que, par suite, MM. D... et B...F...sont fondés à soutenir que ce refus, qui ne peut trouver sa base légale dans les dispositions du plan local d'urbanisme approuvé le 22 avril 2013, est également entaché d'illégalité ;
11. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation du refus de permis en litige ;
12. Considérant, il est vrai, que, pour établir que la décision attaquée était légale, la commune de Nernier invoque d'autres motifs tirés du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire qui lui a été soumis et de l'illégalité qui, selon elle, entache le classement en zone urbaine du terrain d'assiette ; que, cependant et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Nernier aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ces motifs ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. D...et B...F...sont fondés à demander, d'une part, l'annulation du jugement du 19 août 2015 en tant qu'il a rejeté leur demande dirigée contre la décision de refus de permis de construire du 11 août 2014 et, d'autre part, l'annulation de ce refus ;
En ce qui concerne le refus du 14 novembre 2014 opposé à M. et MmeA... :
14. Considérant que, par l'arrêté contesté du 14 novembre 2014, le maire de Nernier a rejeté la demande de permis de construire formée par M. A...en vue de la construction de deux bâtiments à usage d'habitation sur un terrain constitué des parcelles cadastrées section A n°s 209, 210 et 256 ; que, pour prendre sa décision, le maire de Nernier s'est fondé sur la localisation du terrain d'assiette du projet des requérants en zone naturelle et sur les dispositions des articles N1 et N2 du règlement de cette zone faisant obstacle à ce que ces parcelles soient bâties ; qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le classement en zone naturelle des parcelles en cause résulte de la seule délibération du conseil municipal de Nernier du 15 juillet 2013 dont le présent arrêt prononce l'annulation ; que, par suite, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que ce refus, qui ne peut trouver sa base légale dans les dispositions du plan local d'urbanisme approuvé le 22 avril 2013, est également entaché d'illégalité ;
15. Considérant, il est vrai, que, pour établir que la décision attaquée était légale, la commune de Nernier invoque d'autres motifs tirés du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire qui lui a été soumis, de la méconnaissance par le projet des exigences de l'article UC12 du plan local d'urbanisme ainsi que de l'illégalité qui, selon elle, entache le classement en zone urbaine du terrain d'assiette ; que, cependant et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Nernier aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ces motifs ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à demander, d'une part, l'annulation du jugement du 19 août 2015 en tant qu'il a rejeté leur demande dirigée contre la décision de refus de permis de construire du 14 novembre 2014 et, d'autre part, l'annulation de ce refus ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Considérant que l'annulation des décisions du maire de Nernier des 11 août et 14 novembre 2014 refusant de délivrer un permis de construire aux requérants implique que le maire de Nernier procède à une nouvelle instruction de leur demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au maire de Nernier de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans que, dans les circonstances de l'espèce, il y ait lieu de prononcer une astreinte ;
Sur les frais d'instance :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Nernier demande sur leur fondement au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas des parties perdantes dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la commune de Nernier le versement aux consortsF..., d'une part, et à M. et MmeA..., d'autre part, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 août 2015, la délibération du conseil municipal de la commune de Nernier du 15 juillet 2013 et les arrêtés du maire de Nernier des 11 août et 14 novembre 2014 portant refus de permis de construire aux consorts F...et à M. et Mme A...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Nernier de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire des consorts F...dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Nernier de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de M. A...dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune de Nernier versera une somme de 1 500 euros aux consortsF..., d'une part, et à M. et MmeA..., d'autre part, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Nernier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F..., à M. B...F..., à M. et Mme C...A...et à la commune de Nernier.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
M. Juan Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
2
N° 15LY03418
mg