- rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 décembre 2015 et 19 octobre 2016, la société Les Tissages de Charlieu, représentée par Mes Vannini et Moraïtou, avocats (cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2015, en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 540 904 euros ou, à tout le moins, celle de 116 423 euros en réparation du préjudice subi par elle à raison de la faute commise par l'Etat du fait de l'exécution tardive de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif, ayant fait droit à ses conclusions présentées à titre principal, a également statué sur ses conclusions subsidiaires, alors qu'il avait épuisé sa compétence ; il a ainsi, dans cette mesure, entaché son jugement d'irrégularité ;
- l'exécution tardive de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 constitue une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; il en est résulté pour elle des intérêts de retard élevés et l'impossibilité, compte tenu du délai écoulé, de vérifier l'exactitude du calcul de la somme réclamée ; son préjudice est équivalent à celui de la somme à restituer ou des intérêts de retard.
Par un mémoire enregistré le 11 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le reversement des sommes indument perçues est une obligation ;
- les préjudices invoqués ne sont pas établis.
Par une ordonnance du 7 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2016, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par lettres du 10 février 2017, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office les moyens d'ordre public suivants :
- irrégularité du jugement attaqué à défaut pour le tribunal administratif d'avoir constaté que les conclusions subsidiaires de la société Les Tissages de Charlieu étaient devenues sans objet dès lors qu'il était fait droit à ses conclusions principales ;
- irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la société Les Tissages de Charlieu, présentées pour la première fois en appel à titre principal.
Par un mémoire enregistré le 17 février 2017, la société Les Tissages de Charlieu maintient ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public.
1. Considérant que la société Les Tissages de Charlieu a bénéficié, au titre des exercices clos en 1995 et 1996, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 44 septies du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 41 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, à raison de la reprise de l'activité textile de la société en difficulté Les Nouveaux Tissages de Charlieu ;
2. Considérant que, par une décision 2004/343/CE du 16 décembre 2003, la Commission européenne a considéré que le régime d'exonérations fiscales en faveur des entreprises reprenant les actifs d'entreprises en difficulté prévu à l'article 44 septies du code général des impôts, était illégal, du fait de sa mise à exécution par la France en violation de l'article 88, paragraphe 3, du Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et incompatible avec le marché commun ; qu'elle a demandé que la France supprime ce dispositif et prenne toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides ainsi octroyées, sous réserve des aides d'un montant inférieur au seuil fixé par le règlement CE n° 70/2001 et des aides compatibles au titre des régimes applicables aux aides à finalité régionale et aux aides en faveur des petites et moyennes entreprises ; qu'elle a précisé que la récupération devait avoir lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, et qu'elle incluait des intérêts, à partir de la date à laquelle elles avaient été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu'à la date de leur récupération ;
3. Considérant qu'en conséquence, par un titre de perception émis le 27 novembre 2009, la société Les Tissages de Charlieu a été constituée débitrice de la somme de 1 020 579 euros correspondant au montant des aides dont elle a bénéficié au titre des exercices clos en 1995 et 1996 en application de l'article 44 septies du code général des impôts augmenté des intérêts ; que cette somme a été réduite de 479 675 euros pour être ramenée à 540 904 euros, soit 277 752 euros en principal et 263 152 euros d'intérêts ;
4. Considérant que la société Les Tissages de Charlieu a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler le titre de perception du 27 novembre 2009 tel qu'il a été modifié par le titre d'annulation notifié le 2 mars 2011, portant le montant de la somme à reverser à 540 904 euros, de lui accorder la décharge de cette somme et d'enjoindre à l'Etat de la lui restituer et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 540 904 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi à raison de l'exécution tardive de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 ; que par jugement du 6 octobre 2015, le tribunal administratif a fait droit à ses conclusions présentées à titre principal et rejeté celles présentées à titre subsidiaire ; qu'elle relève appel de ce jugement sur ce dernier point ;
5. Considérant que, dès lors que le tribunal administratif a fait droit aux conclusions principales de la société Les Tissages de Charlieu, les conclusions subsidiaires de celle-ci sont devenues sans objet ; qu'ainsi, en statuant sur ces conclusions, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'article 5 du jugement attaqué, statuant sur ces conclusions ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la société Les Tissages de Charlieu présentées à titre subsidiaire devant le tribunal administratif ; que, comme il vient d'être dit, ces conclusions sont sans objet ;
7. Considérant que la société Les Tissages de Charlieu demande devant la cour la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 540 904 euros ou, à tout le moins, celle de 116 423 euros en réparation de ses préjudices ; que ces conclusions, présentées à titre principal pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la société Les Tissages de Charlieu au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 5 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires de la société Les Tissages de Charlieu tendant à la condamnation de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Les Tissages de Charlieu est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Tissages de Charlieu et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
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N° 15LY03832