Par une requête enregistrée le 9 mai 2016, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 22 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que l'intéressé ne justifiait pas d'une résidence stable en France depuis son arrivée sur le territoire.
La requête a été communiquée à M. A...qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
1. Considérant que M. A..., ressortissant albanais né le 15 février 1964, est entré en France en avril 2014, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 octobre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 avril 2015 ; que, par décisions du 29 septembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que par décision du 17 mars 2016, le préfet de la Haute-Savoie a placé M. A... en rétention administrative ; que ledit préfet relève appel du jugement du 22 mars 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision du 17 mars 2016 ;
2. Considérant que l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que, " à moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que la première phrase de l'article L. 561-2 du même code précise que " dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1, alors en vigueur, de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1 lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, intervenues pour transposer la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables, dans les États membres, au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 16 juin 2011, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prise à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'intéressé, notamment au regard du risque que celui-ci tente de se soustraire à la mesure d'éloignement et aux garanties de représentation effectives dont il dispose, s'il peut le laisser en liberté, l'assigner à résidence, ou le placer en rétention administrative ; que, s'agissant des étrangers parents d'enfants mineurs ne présentant pas de garanties suffisantes de représentation, visés à l'article L. 562-1 du même code, le recours au placement en rétention ne doit constituer qu'une mesure d'exception réservée au cas où l'étranger ne disposerait pas, à la date à laquelle l'autorité préfectorale prend les mesures nécessaires à la préparation de l'éloignement, d'un lieu de résidence stable ;
4. Considérant que par la décision contestée, le préfet de la Haute-Savoie a placé en rétention administrative M. A..., démuni de passeport, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français du 29 septembre 2015 ; que si, à la date de la décision en litige, il n'est pas contesté que l'intéressé bénéficiait d'une prise en charge dans le cadre de l'hébergement d'urgence, il ne peut être ainsi regardé comme disposant d'un lieu de résidence suffisamment stable pour permettre qu'il y soit assigné à résidence sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du 17 mars 2016 ordonnant le placement de M. A... en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet de la Haute-Savoie avait inexactement apprécié les faits de l'espèce en retenant l'absence de domicile adéquat excluant toute mesure d'assignation à résidence ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel ;
6. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. D... C..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques de la préfecture de la Haute-Savoie, auquel le préfet de la Haute-Savoie a donné, par un arrêté du 3 mars 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, une délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, requêtes, recours ou tout autre acte de procédure pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les arrêtés d'assignation à résidence des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée de placement en rétention administrative énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement ; qu'elle satisfait ainsi à l'obligation de motivation résultant du premier alinéa de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas des termes de la décision en litige, que le préfet ne se soit pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... ;
9. Considérant, en dernier lieu, que pour les motifs précédemment exposés, le préfet de la Haute-Savoie a pu légalement décider le placement en rétention administrative de M. A... ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 17 mars 2016 ordonnant le placement en rétention administrative de M. A... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1602085 du 22 mars 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
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N° 16LY01602