Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- l'état de santé de M. B... ne nécessite qu'une surveillance et aucun traitement médicamenteux ;
- M. B... peut bénéficier de soins appropriés en République de Guinée.
Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2016, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que le versement d'une somme de 1 000 euros à son avocat soit mis à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés ;
- le refus de titre de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est menacé en cas de retour dans son pays d'origine et ne pourra bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, et est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par une décision du 26 octobre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;
1. Considérant que, par un jugement du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 11 décembre 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. B..., ressortissant de la République de Guinée né le 22 mars 1990, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a, le 4 août 2015, émis un avis selon lequel l'état de santé de M. B... nécessite des soins dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans qu'il puisse bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; que pour s'écarter de cet avis, le préfet de l'Isère s'est notamment fondé sur un guide relatif à la prise en charge de l'infection par le VIH en Guinée, qui indique que le principe actif du Viread, le tenofovir disoproxil, également préconisé pour le traitement de l'hépatite B, est disponible dans ce pays, sur les informations du site internet de la clinique Ambroise Paré de Conakry qui dispose de services médicaux et chirurgicaux variés en gastro-entérologie ainsi que d'un courriel de l'ambassade de France à Conakry indiquant que la Guinée bénéficie de plusieurs hôpitaux dont certains disposent de tous les services ; que les certificats médicaux des 25 juin 2015 et 18 décembre 2015 produits par M. B... indiquent que s'il est atteint de l'hépatite B et bénéficie d'un contrôle biologique trimestriel et d'une consultation d'hépatologie annuelle, il ne lui est administré, à ce stade de la maladie, aucun traitement médicamenteux ; que, si l'ambassade de Guinée en France, par des éléments fournis le 11 juillet 2014, indique qu'il n'existe en Guinée ni service de virologie, ni microscope pour isoler le virus, et que le médicament Viread n'est pas disponible, le requérant n'établit pas en quoi de tels équipements seraient indispensables au suivi de l'évolution de sa maladie, alors qu'il ressort des éléments fournis par le préfet qu'il existe, en Guinée, des structures hospitalières capables d'assurer la surveillance médicale de son état de santé ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance de dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler les décisions en litige ;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de ces décisions ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... ne résidait en France, où il déclare être entré le 29 juillet 2013, que depuis un peu moins de deux ans et demi à la date de la décision contestée portant refus de titre de séjour ; qu'il ne fait état d'aucune insertion particulière dans la société française, ni d'attaches familiales sur le territoire français, alors que son épouse et ses deux enfants mineurs résident en Guinée, où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour contestée n'a pas porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au regard notamment de ce qui est dit au point 3, elle n'apparaît pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
8. Considérant que M. B... pouvant, ainsi qu'il a été dit au point 3, bénéficier en Guinée d'un traitement approprié à son état de santé, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
9. Considérant que les moyens selon lesquels l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle, doivent être écartés pour les motifs déjà exposés au point 6 ;
10. Considérant que compte tenu de ce qui précède, M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, ni celle de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigée contre la décision fixant la pays de renvoi ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que cet article 3 énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;
12. Considérant que, d'une part, si M. B... soutient être menacé dans son pays d'origine, il ne produit pas d'élément à l'appui de son récit sur les circonstances de la découverte, par son épouse et sa famille, de sa supposée homosexualité, interdite en Guinée ; qu'au surplus sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile par des décisions des 30 avril et 22 octobre 2014 ; que, d'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... peut bénéficier de soins adaptés à son état de santé en Guinée ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de tels soins dans ce pays, le fait de l'éloigner vers la Guinée constituerait un traitement contraire à ces stipulations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 11 décembre 2015 et à demander le rejet de la demande de M. B...devant ce tribunal ;
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juin 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
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N° 16LY02399
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