Par un jugement n° 1510863 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du préfet du Rhône du 23 juillet 2015, a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à MmeE..., dans les deux mois suivant la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 600 euros au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de MmeE....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2016 et un mémoire enregistré le 11 janvier 2017, Mme D...E..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2016 en tant qu'il n'a pas fait injonction au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour ;
2°) statuant à nouveau, d'annuler la décision portant refus de titre de séjour du 23 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le mois suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, subsidiairement, en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle, le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient :
- que le tribunal aurait dû constater qu'elle remplissait les conditions de délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 en raison de l'état de santé de son fils ;
- que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de l'état de santé de son conjoint et de son filsB... ;
- que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- que l'état de santé de son fils et celui de son époux relèvent de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard duquel une erreur manifeste d'appréciation a été commise ;
- que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été méconnu ;
- que son appel n'est pas abusif.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par voie d'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2016 en tant qu'il lui enjoint de délivrer à Mme E... une autorisation provisoire de séjour alors qu'elle ne remplissait pas les conditions requises au regard de l'état de santé de son enfant.
Il soutient que :
- la requête de Mme E...concernant l'injonction prononcée par le tribunal est abusive ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que Mme E...remplissait les conditions prévus par les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les soins nécessaires à l'état de santé de l'enfant B...sont disponibles dans son pays et qu'il n'est pas démontré en quoi une absence de traitement pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 juin 2016, confirmée par ordonnance du 2 septembre 2016 du président de la cour administrative d'appel de Lyon, la demande d'aide juridictionnelle de Mme E...a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. A...Segado, premier conseiller.
1. Considérant que MmeE..., ressortissante du Kosovo née le 11 janvier 1974, est entrée en France le 6 janvier 2013, selon ses déclarations, avec son époux et leurs deux enfants mineurs ; que, le 16 mai 2014, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade en raison de l'état de santé de son fils B...né le 6 avril 2006 ; que par les décisions attaquées du 23 juillet 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office ; que, par un jugement du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de délivrer à Mme E...une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme E... relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour ; que, par voie d'appel incident, le préfet du Rhône demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à la requérante ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative (...) Elle est renouvelable et n'autorise pas son titulaire à travailler. Toutefois, cette autorisation peut être assortie d'une autorisation provisoire de travail, sur présentation d'un contrat de travail. " ;
3. Considérant que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif de Lyon a estimé que, compte tenu de l'état de santé du jeune B...et de ce qu'il n'est ni allégué, ni établi que Mme E...ne résiderait pas habituellement en France avec son enfant, ni qu'elle ne subviendrait pas à son entretien ou à son éducation, le préfet du Rhône ne pouvait pas, sans méconnaître les dispositions citées au point 2, refuser à Mme E...l'autorisation de séjourner à ce titre sur le territoire ; que le tribunal a ensuite enjoint au préfet de délivrer à l'intéressée l'autorisation provisoire de séjour prévue par ces dispositions ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans son avis du 8 juillet 2014, d'une part, que l'état de santé de l'enfant B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans qu'il existe de traitement approprié dans son pays d'origine et, d'autre part, que la présence de sa mère à ses côtés est indispensable ; que, pour s'écarter de cet avis, le préfet a estimé que cet enfant peut bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo et qu'il pourra y poursuivre les soins dont il a besoin en se fondant sur divers documents relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux dans ce pays et notamment la liste des médicaments disponibles, sur des rapports établis en 2009, 2010 et 2011 et sur un télégramme diplomatique du 18 mars 2013 transmis par l'ambassade de France au Kosovo ; que le préfet se prévaut également devant la cour, comme devant le tribunal, de la disponibilité au Kosovo de traitements médicamenteux anti-glaucomateux et de la présence dans ce pays de cliniques ophtalmologiques ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits par la requérante que son fils, B...Azemi, souffre d'un glaucome congénital bilatéral ; que son oeil droit, dont il a perdu l'usage, a bénéficié en France de la pose d'une prothèse oculaire dans un but esthétique ; que cette prothèse doit faire l'objet d'un contrôle deux fois par an ; que son oeil gauche présente un glaucome sévère ; que cet enfant bénéficie, pour éviter qu'il perde aussi cet oeil, d'un traitement médicamenteux anti-glaucomateux de type trithérapie et d'une surveillance ophtalmologique particulièrement rapprochée ; que son état de santé pourra nécessiter une prise en charge chirurgicale dans les prochains mois ou années en centre d'ophtalmologie pédiatrique spécialisée en fonction de l'évolution de la pathologie ; que l'enfant présente également des troubles anxieux sévères pour lesquels il est suivi en centre médico-psychologique ; qu'il ressort également des documents médicaux produits, qu'avant son arrivée en France, le jeuneB..., comme le conseillait la clinique universitaire du Kosovo, a été pris en charge sans succès à plusieurs reprises en Turquie et en Macédoine pour ce glaucome congénital et que la prise en charge dont il bénéficie en France, dont la trithérapie locale, a permis de stabiliser de manière satisfaisante son état de santé ; que les éléments produits au dossier par le préfet, notamment les traitements médicamenteux anti-glaucomateux dont il fait état, ne permettent pas d'établir que le jeune B...pourrait bénéficier dans son pays, en dépit de ce qu'a indiqué le médecin de l'agence régionale de santé, d'une prise en charge médicale appropriée à son état de santé et particulièrement du traitement médicaux anti-glaucomateux de type trithérapie qui lui est administré en France ou d'un traitement médicamenteux qui pourrait être regardé comme équivalent ; qu'enfin, et contrairement à ce que soutient le préfet en appel, le défaut de prise en charge médicale, qui peut entraîner selon les pièces médicales produites la perte du seul oeil valide du jeune B...et sa cécité, peut comporter pour cet enfant des conséquences d'une exceptionnelle gravité, comme l'a d'ailleurs mentionné l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que le préfet ne conteste pas que la présence de Mme E... est indispensable aux côtés de son enfant et n'allègue pas, ni n'établit, qu'elle ne résiderait pas habituellement en France et qu'elle ne subviendrait pas à l'entretien ou aux besoins de son enfant ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient le préfet dans son appel incident, Mme E...remplit ainsi les conditions pour être admise au séjour en France sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment du motif d'annulation retenu par le jugement attaqué, que celui-ci impliquerait qu'une carte de séjour temporaire soit délivrée à Mme E...dont la demande d'admission au séjour a été présentée au regard de l'état de santé de son enfant ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont seulement enjoint la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a seulement enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, d'autre part, le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir, par voie d'appel incident, que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de délivrer une telle autorisation provisoire de séjour ; que la requête de MmeE..., y compris les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et les conclusions d'appel incident du préfet du Rhône, doivent, dès lors, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...et les conclusions incidentes du préfet du Rhône sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. A... Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
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N° 16LY02493
mg