Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 mai 2018, la SARL Chezenas Distribution, devenue la SARL Valenzo, représentée par la SELARL Aklea, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement tribunal administratif de Lyon du 27 mars 2018, la délibération du conseil municipal de Saint-Didier-sur-Chalaronne du 12 juin 2015 ainsi que la décision du 21 septembre 2015 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le PLU méconnaît les principes énoncés à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme en permettant l'ouverture à l'urbanisation de vastes parcelles prélevées sur des espaces agricoles situés entre la RD 933 et la rue Joseph Berlioz, dans le secteur des Huguets ;
- le PLU est incompatible avec le SCOT Val de Saône-Dombes, d'une part en ce qu'il classe en zone constructible plusieurs hectares de terres agricoles au nord de la commune en zone à urbaniser, alors que le document d'orientations générales (DOG) du SCOT préconise d'éviter l'étalement urbain et de privilégier une urbanisation sur des petites parcelles et, d'autre part en ce qu'il crée, en empiétant sur des surfaces agricoles, une voie de circulation faisant l'objet de l'emplacement réservé n°6 pour relier la zone d'activité Actival et le pont de Saint-Romain ; l'ouverture à l'urbanisation d'un vaste secteur pris sur des terres agricoles éloignées du centre-bourg est disproportionnée au regard des prévisions de croissance démographique et aux réels besoins du territoire, dont l'analyse, dans le rapport de présentation, repose sur des données obsolètes par rapport à celles contenues dans le DOG du SCOT ;
- l'ouverture à l'urbanisation des zones 2AUc et 1AUa, qui concernent des parcelles agricoles exploitées, n'est pas cohérente avec les orientations du PADD visant d'une part, à la préservation des ressources foncières agricoles de la commune et, d'autre part, à la densification de l'urbanisation au sein de l'espace bâti pour limiter l'étalement urbain ;
- le classement de terres agricoles en zones 2AUC et 1AUa est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la création de l'emplacement réservé n°6 en vue de construire une voie de circulation pour relier la zone d'activité Actival et le pont de Saint-Romain, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- en autorisant l'ouverture à l'urbanisation des parcelles classées en zone agricole pour créer une nouvelle surface de vente commerciale de 1 500 m² en dehors de toute centralité urbaine, la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne met en péril l'équilibre des commerces existants, notamment la surface commerciale qu'elle gère, ce qui est incompatible avec les orientations du SCOT Val de Saône-Dombes et incohérent au regard des orientations générales du PADD qui visent à protéger les activités commerciales du centre-ville et éviter la multiplication anarchique des enseignes commerciales.
Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2018, la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne, représentée par la SELARL Philippe Petit et associés, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la SARL Valenzo est irrecevable faute de justification de sa qualité pour agir ; en effet, la SARL Chezenas Distribution a fait l'objet en cours d'instance devant le tribunal administratif de Lyon d'une dissolution sans que cette situation ne soit régularisée ; la SARL Valenzo n'a pas qualité pour former appel du jugement car elle n'était pas partie en première instance ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2019 par une ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la SARL Valenzo, ainsi que celles de Me B... pour la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 12 juin 2015, le conseil municipal de la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. La SARL Valenzo relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SARL Chezenas Distribution, aux droits de laquelle elle se présente, tendant à l'annulation de cette délibération ainsi que de la décision du maire de la commune du 21 septembre 2015 portant rejet du recours gracieux formé contre cette délibération.
Sur la légalité de la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne du 12 juin 2015 :
En ce qui concerne le respect par le PLU des principes de gestion économe de l'espace et de maîtrise de l'urbanisation :
2. Aux termes de l'article L. 121-1 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : / 1° L'équilibre entre : a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; (...). ". La requérante reprend en appel le moyen selon lequel le PLU méconnaîtrait les principes de gestion économe de l'espace et de maîtrise de l'urbanisation résultant des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la commune occupe un territoire de 2 490 hectares dont 93 % demeure affecté à des espaces agricoles ou naturels. Les auteurs du PLU, qui souhaitent préserver ces espaces agro-naturels en stoppant le développement de l'urbanisation dans les hameaux et les zones d'habitat disparates, ou écarts, ont entendu ouvrir à l'urbanisation les espaces interstitiels disponibles au sein de l'enveloppe bâtie existante, ainsi qu'un peu plus de 13 hectares au nord du bourg en vue de favoriser un habitat répondant aux objectifs de densité et de mixité urbaine et des équipements publics et commerciaux dans le prolongement de ceux existant à proximité du centre-bourg. Si le tableau des surfaces fait apparaître une baisse de 32 hectares de la superficie des zones agricoles dans le nouveau PLU, cette baisse se fait essentiellement au profit des zones naturelles, dès lors que l'ouverture à l'urbanisation de parcelles agricoles au nord du centre bourg ne représente qu'un prélèvement de l'ordre d'1% de la superficie totale des terres agricoles. Dans ces conditions, ces choix de développement de l'urbanisation dans une enveloppe urbaine prédéterminée, justifiés par la nécessité d'adapter l'offre d'habitat et les équipements publics aux perspectives de croissance de la commune et de limiter l'étalement urbain, ne sont pas incompatibles avec les principes énoncés à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme dont la mise en oeuvre doit s'apprécier à l'échelle du territoire couvert par le PLU.
En ce qui concerne la compatibilité du classement de plusieurs hectares en zone constructible dans le secteur des Huguets avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) :
3. Aux termes de l'article L. 111-1-1 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " IV - (...) Les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale (...) ".
4. A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les PLU sont soumis à une simple obligation de comptabilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des PLU, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un PLU avec un schéma de cohérence territoriale, il y a lieu de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans examiner l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.
5. Il ressort des pièces du dossier que les auteurs du document d'orientations générales (DOG) du SCOT Val de Saône-Dombes ont adopté les principes d'une maîtrise de l'extension de l'urbanisation au profit du réinvestissement du tissu existant, d'une préservation des espaces agricoles et d'une amélioration de la sécurité des traversées des villes et des villages en améliorant la fluidité des déplacements routiers.
6. D'une part, le choix par les auteurs du PLU d'ouvrir à l'urbanisation des parcelles 2AUc et 2AUp situées dans le secteur des Huguets prélevées sur des terres agricoles n'est pas incompatible avec les objectifs mentionnés au point précédent, dès lors qu'à l'échelle de la commune, ce prélèvement ne représente qu'1 % de l'ensemble des terres classées en zones agricoles et que la commune a fait le choix de renforcer le centre-bourg en développant une urbanisation densifiée ainsi qu'une zone commerciale dans le secteur en litige situé à proximité directe de ce centre-bourg, en cohérence avec les orientations II.5 et 6 du DOG du SCOT qui prévoient de renforcer l'offre commerciale sur les pôles urbains, au nombre desquels figure la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne. La circonstance que les auteurs du PLU ont créé une zone d'urbanisation future 2AUc dédiée aux équipements commerciaux à proximité d'une surface commerciale déjà existante n'est pas de nature, par elle-même, à caractériser une incompatibilité de ce classement avec les orientations fixées par le SCOT, dès lors que ce classement participe à l'enrichissement de l'offre commerciale en continuité d'espaces urbanisés existants.
7. D'autre part, la création de la voie routière prévue par l'emplacement n°6 qui vise à relier la zone d'activité du Parc Actival avec la route départementale 933 et le Pont de Saint-Romain n'est pas incompatible avec l'objectif III.9 du SCOT Val-de-Saône-Dombes visant à fluidifier la circulation routière vers les grands axes routiers situés sur l'autre berge de la Saône et à améliorer la sécurité des traversées des villes de Saint-Didier-sur-Chalaronne et Thoissey.
8. Enfin, le caractère obsolète des données de croissance de population sur lesquelles se sont fondés les auteurs du PLU pour justifier de l'ouverture à l'urbanisation des différents secteurs à vocation d'habitat et commerciale avec celles du SCOT n'est pas établi, dès lors qu'il ressort du rapport de présentation que les prévisions de croissance démographiques des zones urbaines auxquelles Saint-Didier-sur-Chalaronne appartient, émanent du DOG du SCOT pour la période 2009-2016.
En ce qui concerne la cohérence entre le PADD et le zonage :
9. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du PLU entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), il y a lieu de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
10. Le PADD du PLU de Saint-Didier-sur-Chalaronne comporte notamment une orientation générale visant à "assurer un développement équilibré et cohérent" qui se décline en plusieurs objectifs. L'objectif 1.6 prévoit de renforcer les espaces bâtis du centre-bourg, qui accueille les principaux équipements publics, les activités économiques et la majorité des logements du territoire communal, aux dépens des hameaux ou des écarts, qui participent au mitage du territoire. L'objectif 1.8 vise à accompagner les besoins de l'activité agricole en protégeant les ressources foncières agricoles et en accompagnant le développement des sièges d'exploitation existants. Par ailleurs, le PADD comporte une orientation générale visant à conforter l'attractivité et le rayonnement de la commune dans le but, selon l'objectif 1.1, d'asseoir une attractivité économique et commerciale en renforçant notamment l'offre commerciale de proximité. Les choix des auteurs du PLU se sont traduits dans le document graphique par la création de zones à urbaniser situées dans le secteur des Huguets, qui s'inscrit en continuité du centre-bourg, ayant vocation à accueillir de l'habitat densifié (1AUa), des surfaces commerciales (2AUc) et des équipements publics (2AUp et 2AUa). La seule circonstance que les terrains classés en zone 2AUc et 2AUp soient prélevés sur des terres agricoles exploitées n'est pas de nature à rendre le zonage incohérent avec les objectifs du PADD visant à protéger les ressources foncières agricoles dès lors que les parcelles concernées par ce zonage ne mettent en péril aucune exploitation agricole et répondent à d'autres objectif du PADD tel que le développement d'une urbanisation densifiée et des équipements publics à proximité du centre-bourg.
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation entachant la création des zones 2AUc et 1AUa :
11. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
12. Le création des zones 2AUc et 1AUa répond à la volonté des auteurs du PLU d'ouvrir à l'urbanisation, en cohérence avec les prévisions de croissance de la population, un secteur proche du centre-bourg dont l'aménagement répond à une logique globale de diversification et de densification de l'habitat, de renforcement de la polarité commerciale de la commune, de création d'équipements publics et de création d'une desserte adaptée. Dans ces conditions, la création de ces deux zones ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation entachant la création de l'emplacement réservé n° 6 :
13. Aux termes de l'article L. 123-1-5 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. / (...) V.-Le règlement peut également fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général, aux espaces verts ainsi qu'aux espaces nécessaires aux continuités écologiques. ".
14. L'emplacement réservé n° 6 est destiné à la construction d'une route débouchant sur un rond-point au carrefour de la route départementale 933, fortement passante et reliant la zone d'activité existante aux axes de communications du val de Saône en contournant le centre-bourg de la commune. La société requérante soutient que cet équipement présente un caractère démesuré au regard de la taille de la commune, du nombre d'entreprises implantées dans la zone d'activités, de la circulation automobile effective et du coût financier induit. Toutefois, alors que cette voie de liaison doit permettre aux véhicules de contourner le centre du bourg par le nord en desservant une zone d'activités et en fluidifiant la circulation vers la Saône, les circonstances dont la requérante fait état ne font pas ressortir que les auteurs du PLU auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant sa création.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête par la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne, que la SARL Valenzo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SARL Chezenas Distribution.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SARL Valenzo demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la Saint-Didier-sur-Chalaronne, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SARL Valenzo le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Valenzo est rejetée.
Article 2 : La SARL Valenzo versera à la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Valenzo et à la commune de Saint-Didier-sur-Chalaronne.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
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N° 18LY01903
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