Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 5 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. D... soutient que :
- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation avant de lui opposer un refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation médicale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 22 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme C..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant nigérian né en 1984, est entré en France le 31 mai 2013 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 septembre suivant. Le préfet du Rhône lui a ensuite accordé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 21 avril 2016 au 20 avril 2017. Par un arrêté du 5 août 2019, le préfet du Rhône a refusé à M. D... le renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 24 février 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, M. D... fait valoir que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de lui opposer un refus de titre de séjour dans la mesure où la décision en litige ne fait pas mention de la circonstance qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée, qu'il dispose de son propre logement et qu'il maîtrise la langue française. Toutefois, il ne ressort ni des termes de cette décision, qui mentionne les conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé et précise que ce dernier ne justifie pas d'attaches anciennes, stables et intenses sur le territoire français et qu'il ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine, ni des pièces du dossier, que le préfet du Rhône, qui n'était pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments tenant à la situation personnelle de l'intéressé, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
4. Par un avis du 23 octobre 2017, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux produits par l'appelant, contemporains à l'arrêté contesté, que M. D... est pris en charge au centre de soins ambulatoires de Vénissieux depuis mai 2015 pour une symptomatologie initiale de stress post-traumatique puis pour une symptomatologie anxio-dépressive avec reviviscences traumatiques réguliers, et qu'il bénéficie d'un traitement médicamenteux. Si les certificats médicaux des 12 mars et 24 juin 2019 font état de ce que la précarité de sa situation sociale en France ne permet pas de mettre totalement à distance les troubles anxieux et dépressif résiduels dont il souffre et le risque d'une rechute sur un mode autolytique, ces pièces ne sont pas suffisantes pour remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Rhône, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII quant aux conséquences, à la date des décisions de refus de renouvellement de son titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, d'un défaut de prise en charge médicale de son état de santé. En l'absence de démonstration de conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. D... ne peut utilement soutenir qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier de soins adaptés à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, invoqués respectivement à l'encontre des décisions de refus de renouvellement du titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. M. D... fait valoir qu'il a résidé régulièrement en France depuis plus de six ans à la date de l'arrêté contesté, qu'il s'est inséré professionnellement, dispose d'un logement et maîtrise la langue française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, qu'exceptée pour la période comprise entre le 21 avril 2016 et 20 avril 2017 au cours de laquelle il a été muni d'un titre de séjour, l'intéressé n'a vécu régulièrement en France qu'au bénéfice de ses démarches administratives tendant à la régularisation de sa situation d'abord au titre de l'asile puis au titre de l'examen de sa demande de renouvellement du titre de séjour délivré en raison de son état de santé. Compte tenu de ces conditions de séjour en France où il ne justifie d'aucune attache personnelle, et de la circonstance qu'il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans dans son pays d'origine où il n'est pas dépourvu d'attaches familiales et où, selon les mentions non contestées de l'arrêté en litige, il s'est marié le 21 août 2017, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Le préfet du Rhône n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour ni que le préfet du Rhône a entendu examiner sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions et celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation doivent être écartés comme inopérants.
8. En cinquième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".
9. M. D... fait valoir qu'il occupe un emploi, dispose d'un logement et qu'il bénéficie de soins en France. Ces circonstances ne suffisent cependant pas à établir que le préfet du Rhône aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
11. M. D..., dont la demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la CNDA le 30 septembre 2015, n'établit pas l'existence de risques personnels et actuels encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Il n'établit pas non plus que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni au demeurant, qu'il ne pourrait pas bénéficier au Nigéria d'une prise en charge médicale adaptée.
12. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire à trente jours et fixant le pays de destination.
13. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée et ce, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
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N° 20LY01137