Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- sa bonne foi n'a jamais été mise en doute et elle a fourni, le 30 août 2015, des explications précises, détaillées et facilement vérifiables sur l'origine des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires, en réponse à la demande d'éclaircissements qui lui a été adressée ;
- ces sommes, en nature de loyers, de recettes professionnelles encaissées pour le compte de son compagnon et de virements directs en provenance de ce dernier, ne pouvaient être imposées comme des revenus d'origine indéterminée ; l'administration a ainsi commis un détournement de procédure en utilisant la procédure de demande de justifications suivie d'une taxation d'office ;
- par ailleurs, les revenus en cause ne sont pas d'origine indéterminée mais constituent soit des revenus fonciers, soit des subsides perçus d'un tiers, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Par un mémoire, enregistré le 22 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- le montant des crédits bancaires non justifiés correspondant à des remises de chèques effectués en 2012 a été ramené de 35 071,32 à 21 216,32 euros en cours de première instance ; les bases contestées s'élèvent donc respectivement à 94 402 et 26 262 euros au titre des années 2012 et 2013 ;
- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2021 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Mme A... a produit un nouveau mémoire le 23 février 2021, lequel, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2012 et 2013, à l'issue duquel le service a taxé d'office, par application des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, des crédits bancaires dont l'origine est demeurée indéterminée. Mme A... a en conséquence été assujettie à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013 auxquels ont été appliquées des pénalités. Par un jugement du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus de sa demande. Compte tenu des dégrèvements prononcés en première instance, au titre des années 2012 et 2013, Mme A... doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à sa charge au titre de ces années.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 16 A de ce livre : " Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. ". Selon l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ".
3. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie des revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue.
4. Il résulte de l'instruction que, dans sa réponse du 30 août 2015 à la demande de justifications sur l'origine et la nature de certaines sommes créditées sur ses comptes bancaires, Mme A... a indiqué, d'une part, que les crédits figurant sur les comptes ouverts auprès du Crédit Agricole correspondaient à des loyers provenant de deux locataires de sa maison de Bellegarde-Poussieu. Elle a, d'autre part, produit une attestation de M. D..., qu'elle présente comme son compagnon, déclarant que les remises de chèques et virements litigieux figurant sur les comptes ouverts auprès de la Caisse d'Epargne des Alpes et de la Banque Postale ont été réalisés dans le cadre de son activité non déclarée de photographe et que ces sommes ont servi à effectuer des achats nécessaires à cette activité. Contrairement aux affirmations de l'appelante, ces informations, non corroborées par les éléments mis à la disposition du service, n'étaient ni suffisamment précises ni vérifiables. Le service l'a alors mise en demeure, le 7 septembre 2015, de compléter sa réponse par la production, d'une part, d'une copie des baux de location et des quittances remises aux locataires ainsi que tous les justificatifs de charges afférentes aux biens loués, et, d'autre part, de justificatifs permettant d'identifier avec certitude la nature, l'objet et l'origine des sommes déposées et virées par M. D... ainsi que de la copie des factures acquittées pour son compte. Cette mise en demeure est restée sans réponse. Il résulte ainsi de l'instruction, qu'au vu des renseignements dont disposait l'administration avant l'envoi des demandes de justifications sur le fondement de l'article L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, et des réponses apportées par la contribuable, la nature des sommes en cause est demeurée inconnue. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la procédure de taxation d'office mise en oeuvre sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales était irrégulière au motif que l'administration disposait d'informations suffisantes pour imposer les sommes en litige dans la catégorie des revenus fonciers ou des bénéfices non commerciaux et non dans celles des revenus d'origine indéterminée. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. En application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à Mme A..., qui a fait l'objet d'une taxation d'office en vertu des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du même livre, d'apporter la preuve du caractère exagéré de son imposition. A ce titre, il lui est notamment loisible de démontrer, devant le juge de l'impôt, que les sommes en cause soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière hypothèse, elle peut, le cas échéant, obtenir une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause.
6. En premier lieu, la production en première instance par Mme A..., d'une attestation d'un locataire mentionnant un loyer de 300 euros par mois dont 256 euros versés directement par la caisse d'allocations familiales à l'intéressée, ne saurait, alors qu'aucun virement de la caisse n'a été constaté au crédit des comptes bancaires de l'appelante, établir l'origine des crédits bancaires dont elle allègue qu'ils correspondent à l'encaissement de loyers.
7. En deuxième lieu, si l'administration ne conteste pas que plusieurs sommes encaissées en 2012 sur le compte ouvert à la Banque Postale par Mme A... correspondent à des factures émises par M. D... dans le cadre de son activité non déclarée de photographe, l'intéressée ne démontre pas que ces sommes ont ensuite été remises à M. D... ou qu'elles auraient été utilisés pour effectuer des achats nécessaires à l'activité de ce dernier.
8. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ".
9. Mme A... soutient que les sommes créditées sur ses comptes bancaires en provenance de M. D..., constituent des subsides n'ayant pas le caractère de pure libéralité, et sont, à ce titre, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Elle n'apporte toutefois à la cour, pas plus qu'au tribunal, aucun commencement de preuve à l'appui de cette allégation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme A... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021
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N° 20LY00005