Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 août 2020, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 25 mars 2021, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) avant-dire droit, d'enjoindre au préfet du Rhône de produire les extraits de l'application Themis relatifs à l'instruction de sa demande de titre de séjour ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 du préfet du Rhône ;
4°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans le délai de quinze jours ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Mme C... soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'administration ne démontre pas que l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été rendu à l'issue d'une délibération collégiale ; il est sollicité de la cour qu'avant-dire droit, il soit enjoint au préfet de verser les extraits pertinents de l'application Themis de nature à établir que l'avis a été rendu à l'issue d'une délibération ; par ailleurs, cet avis, revêtu de fac-similés numérisés des signatures des trois médecins membres du collège de l'OFII, n'a pas été signé conformément aux dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le préfet s'est, à tort, cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en l'absence d'examen particulier de sa situation familiale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français devra être annulée par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- le préfet ne pouvait légalement fonder cette décision sur le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée des mêmes erreurs de fait et de droit que le refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination sera annulée par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
La demande de Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 19 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme B..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Selon ses déclarations, Mme C..., ressortissante camerounaise née en 1958, a quitté son pays d'origine en 2011 et rejoint la France le 20 janvier 2016 après avoir séjourné en Afrique du Sud. Après le rejet de sa demande d'asile, en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 mars 2017, le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français, par une décision du 4 mai 2017, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 septembre 2017, devenu définitif. Par un arrêté du 7 juin 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a prononcé une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. D'une part, aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions figurant sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant examiné la situation de Mme C..., que cet avis, signé par les trois médecins qui composent ce collège, indique expressément qu'il a été émis le 6 mars 2018 " après en avoir délibéré ". La seule circonstance que ces médecins exercent leur activité dans des villes différentes ne suffit pas à établir qu'ils n'auraient pas délibéré de façon collégiale, au besoin au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle comme le prévoient les dispositions précitées des articles R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par ailleurs, si les signatures figurant sur l'avis sont des fac-similés, aucun élément du dossier ne permet de douter que les signataires, dont l'identité est précisée, n'auraient pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII. Par suite, et sans qu'il soit besoin, avant-dire droit, d'enjoindre au préfet du Rhône de produire des extraits de l'application Themis relatifs à l'examen de son dossier, le moyen tiré de ce que Mme C... aurait été privée de la garantie tenant au débat collégial du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.
5. D'autre part, par son avis du 6 mai 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester le refus de titre de séjour opposé par le préfet du Rhône au vu de cet avis, Mme C... produit, pour la première fois en appel, à l'appui de son mémoire enregistré au greffe de la cour le 25 mars 2021, des certificats médicaux, faisant état d'une hospitalisation la dernière semaine de novembre 2020 pour le déséquilibre d'un diabète de type 2 et de cinq entretiens de soutien psychologique depuis juin 2020. Cependant ces certificats, établis postérieurement à la date de l'arrêté contesté, ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Rhône, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, quant à l'état de santé de Mme C... à la date de cet arrêté.
6. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet du Rhône se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII, ni qu'il se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de Mme C....
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
8. Mme C... se prévaut de la présence en France de son fils majeur qui a déposé une demande de titre de séjour le 20 février 2019 auprès des services de la préfecture du Rhône. S'il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur de fait en indiquant que ses enfants résident au Cameroun, le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur. En effet, l'appelante, entrée en France à l'âge de cinquante-huit ans, n'y justifie pas d'une intégration particulière, ne conteste pas ne pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses autres enfants et n'établit pas la situation administrative régulière de son fils majeur sur le territoire. Il s'en déduit que la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation familiale.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision en litige que le préfet du Rhône a pris l'obligation de quitter le territoire français sur le double fondement du 3° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme C... soutient que le préfet ne pouvait légalement fonder sa décision sur le 6° du I de cet article dès lors qu'elle a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement motivée par le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. En tout état de cause, la situation de l'intéressée, à qui le préfet a refusé, par le même arrêté, la délivrance d'un titre de séjour, entrait dans le champ d'application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un défaut de base légale ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, Mme C... n'apporte à la cour aucune pièce de nature à établir qu'à la date de la décision en litige, le défaut de prise en charge de son état de santé aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.
13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du défaut d'examen de la situation familiale de l'appelante doivent être écartés et ce, même si le préfet a mentionné, à tort, la résidence au Cameroun de tous les enfants de Mme C....
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Les moyens invoqués à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.
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N° 20LY02509