Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2020, M. et Mme F..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 10 avril 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 30 octobre 2019 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, au réexamen de leur situation et de leur délivrer, dans un délai de sept jours à compter de cet arrêt, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F..., ressortissants albanais nés respectivement le 15 novembre 1968 et le 22 février 1983, sont entrés en France le 24 janvier 2019, selon leurs déclarations, en compagnie de leur fils E..., âgé de vingt ans, et de leurs enfants mineurs C... et Florenc et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes, traitées selon la procédure accélérée prévue par le 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2019, confirmées le 17 octobre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés du 30 octobre 2019, le préfet du Rhône leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 10 avril 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. et Mme F... avant de prononcer à leur encontre une obligation de quitter le territoire français.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. et Mme F... font valoir qu'ils séjournent en France avec leur fils E..., né le 8 août 1999, qui souffre d'un trouble neuro-développemental se traduisant par une déficience intellectuelle modérée. Toutefois, ni le certificat médical établi le 5 décembre 2019, postérieurement aux arrêtés attaqués, par un médecin psychiatre du centre hospitalier Le Vinatier, qui se borne à décrire les symptômes dont souffre l'intéressé, à indiquer que son état rend nécessaires des soins et un accompagnement éducatif et à retranscrire les motifs pour lesquels les requérants ont indiqué avoir quitté leur pays d'origine, ni le rapport établi à la suite de la mission organisée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avec la participation de la Cour nationale du droit d'asile en Albanie du 3 au 13 juillet 2013, qui ne porte pas sur la pathologie dont souffre l'intéressé, ni encore l'article de presse paru en 2017, qui ne comporte que des éléments très généraux sur le système médical albanais, ne permettent d'établir, alors au demeurant que le fils de M. et Mme F... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que ce dernier serait atteint d'une pathologie d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine du fait des dysfonctionnements du système de soins albanais ou des discriminations dont ils seraient l'objet dans ce pays, lesquelles n'ont, au demeurant, pas été tenues pour établies par la Cour nationale du droit d'asile.
5. En outre, il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme F... sont entrés très récemment en France et qu'ils s'y maintiennent en situation irrégulière depuis le rejet de leur demande d'asile. Les requérants ne font état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'ils reconstituent leur cellule familiale avec leurs enfants dans leur pays d'origine, dont tous les membres ont la nationalité et où ils ont vécu jusqu'à l'âge de cinquante-et-un et trente-six ans respectivement. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet, en obligeant M. et Mme F... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
6. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. et Mme F... avant de fixer le pays de destination des mesures d'éloignement dont ils font l'objet.
7. En second lieu, et pour les motifs exposés aux points 4 et 5 du présent arrêt, le préfet, en fixant le pays de destination, n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et à Mme G... F.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 6 mai 2021.
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N° 20LY02747