Par une requête enregistrée le 25 septembre 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon du 18 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 25 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder sans délai à l'effacement de son inscription au fichier système d'information Schengen et, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisation à travailler et, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation, ce dans un délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans le délai de 8 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. D... soutient que :
- les décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français sont entachées d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation dès lors qu'elles ne mentionnent pas l'état de santé de son épouse ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'était déjà prononcé sur l'état de santé de sa femme dont l'état de santé et la dépendance à son égard étaient déjà établis à la date de son édiction.
Par un mémoire, enregistré le 24 février 2021, la préfète de la Loire s'en remet au jugement de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,
- et les observations de Me B..., représentant M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., de nationalité albanaise, est entré en France le 3 octobre 2017, accompagné de son épouse. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 juillet 2018. Le 28 août 2018, M. D... et son épouse ont chacun sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Ils ont tous deux fait l'objet, par arrêté du préfet de la Loire du 25 octobre 2019, de décisions de refus d'admission au séjour, assorties d'obligations de quitter le territoire français et de décisions fixant le pays de destination. Le 5 novembre 2019, Mme D... a toutefois obtenu la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé, décision valant abrogation de l'arrêté du 25 octobre 2019 la concernant. M. D... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2019 le concernant.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Pour refuser à M. D... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Loire a notamment considéré qu'il ne remplissait pas les conditions posées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, dans le cadre de l'examen de son droit au respect de sa vie privée et familiale, s'est borné, s'agissant de son épouse, à constater que celle-ci, après le rejet de sa demande d'asile, avait fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le même jour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux produits à l'instance et de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 13 mars 2019, que son état de santé nécessitait, à la date de la décision en litige, une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ce dont le préfet a d'ailleurs pris acte en lui remettant, onze jours plus tard, un titre de séjour à raison de son état de santé. Il est par ailleurs constant que son état de santé rendait indispensable la présence de son époux auprès d'elle. Ainsi, en refusant de délivrer à M. D... un titre de séjour sans faire aucunement état de l'état de santé de sa femme, le préfet de la Loire a entaché son arrêté d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il suit de là que cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
3. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
5. L'annulation, par le présent arrêt, de l'arrêté du 25 octobre 2019 n'implique pas, eu égard à son motif, qu'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit remise à M. D.... Elle implique seulement que sa demande soit réexaminée. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer la demande M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.
6. La décision en litige ne contentant aucune information quant à une quelconque inscription au fichier système d'information Schengen, les conclusions tendant à l'effacement d'une telle inscription doivent être rejetées.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me B..., avocat de M. D..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Loire du 25 octobre 2019 et le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon du 18 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de réexaminer la demande de M. D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera 1 000 euros à Me B... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mai 2021.
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N° 20LY02803