Procédure devant la cour
       Par une requête enregistrée le 30 octobre 2019, M. et Mme F..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
       1°) d'annuler ce jugement ;
       2) d'annuler les arrêtés du préfet de la Drôme du 17 juillet 2019 ;
       3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer leur situation et de leur délivrer un titre de séjour ;
       4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à leur conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
       M. et Mme F... soutiennent que :
       - le préfet, qui ne pouvait ignorer leur changement d'adresse résultant de leur orientation par l'OFII vers un hébergement en Haute-Savoie, n'était pas compétent pour prendre à leur encontre une mesure d'éloignement ;
       - les mesures d'éloignement prises à leur encontre méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - les arrêtés méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
       Par un mémoire, enregistré le 12 juin 2020, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
       Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme F... ne sont pas fondés.
       M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2019.
       Vu les autres pièces du dossier ;
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le code des relations entre l'administration et le public ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
       - le code de justice administrative ;
       Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
       Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
       - le rapport de Mme J..., première conseillère,
       - et les conclusions de Mme I..., rapporteure publique ;
       Considérant ce qui suit :
       1. M. et Mme F..., ressortissants albanais nés respectivement en 1985 et en 1983, déclarent être entrés en France le 28 octobre 2018, accompagnés de leur fils mineur. Le 6 décembre 2018, ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture de l'Isère. Par décisions du 31 janvier 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes. Par deux arrêtés du 17 juillet 2019, le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 17 juillet 2019.
       Sur les refus de séjour :
       2. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui d'un recours formé contre une décision de refus de séjour motivée uniquement par le rejet d'une demande d'asile ou de protection subsidiaire, comme c'est le cas en l'espèce.
       Sur les obligations de quitter le territoire français :
       3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ". Aux termes de l'article R. 512-1 du même code : " L'autorité administrative mentionnée aux articles L. 511-1 (...) est le préfet de département ".
       4. D'autre part, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. ". Aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police. ".
       5. Lorsqu'ils ont présenté leur demande d'asile auprès de la préfecture de l'Isère, M. et Mme F... étaient domiciliés à Valence dans la Drôme. Leurs attestations de demande d'asile en procédure accélérée, délivrées le 17 décembre 2018, mentionnent cette adresse. S'ils font valoir qu'ils sont domiciliés depuis le 30 avril 2019 à Annecy, il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés aient informé le préfet de la Drôme ou le préfet de la Haute-Savoie de ce changement d'adresse. La circonstance que leur changement de domicile ait résulté de l'attribution par l'OFII d'une place d'hébergement en Haute-Savoie est sans incidence sur l'obligation qu'ils avaient d'informer les services de la préfecture en charge d'instruire leur dossier de demande de titre de séjour de leur changement de résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de la Drôme pour prendre les arrêtés doit être écarté.
       6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
       7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F... sont entrés en France le 28 octobre 2018, alors qu'ils étaient respectivement âgés de trente-deux et trente-quatre ans, accompagnés de leur fils mineur. Ils y résidaient depuis seulement neuf mois au jour des arrêtés en litige. S'ils se prévalent de la scolarisation de leur fils, ils n'établissent pas avoir, sur le territoire français, des liens privés anciens, intenses et stables ni ne justifient d'une insertion socio-professionnelle particulière dans la société française. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour des requérants en France, de leur âge et du temps passé dans leur pays d'origine, les arrêtés en litige n'ont pas porté au droit de M. et Mme F... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris. Le préfet de la Drôme n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché ses arrêtés d'une erreur manifeste d'appréciation.
       8. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision d'éloignement, qui n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.
       9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et Mme G... A... épouse F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme J..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 19LY03984
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