Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Vernet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision attaquée méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée se fonde sur un refus de titre de séjour illégal ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision attaquée se fonde sur des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante comorienne née le 21 mars 1980, est entrée en France en septembre 2005, selon ses déclarations, et a sollicité, le 4 janvier 2017, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à sa demande le 12 septembre 2019. Par un arrêté du 5 novembre 2019, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 2 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il rappelle que, selon ses déclarations, Mme B... est entrée en France en septembre 2005, qu'elle a sollicité, le 4 janvier 2017, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que, consultée sur cette demande dès lors que l'intéressée résidait en France depuis plus de dix ans, la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable. Enfin, il indique que l'intéressée est âgée de trente-neuf ans, célibataire et sans charge de famille, qu'elle ne justifie pas d'une vie privée et familiale stable et intense en France, qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine, et enfin qu'elle n'établit pas remplir les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour. Ainsi, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, et alors même qu'il ne fait pas état de la présence, en France, du père de la requérante, cet arrêté est suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de refuser de l'admettre au séjour.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en application : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme B... fait valoir qu'elle réside en France depuis quatorze ans, qu'elle a établi une relation avec un ressortissant français de 2007 à 2014, que son père réside en France de même que sa tante et ses demi-frères et sœurs et qu'elle s'est investie dans la vie associative. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... n'a engagé aucune démarche pour être autorisée à séjourner en France, qu'elle s'est ainsi délibérément maintenue dans la clandestinité et qu'elle n'établit pas la continuité de son séjour en France au titre de l'ensemble de la période qu'elle invoque. En outre, la requérante ne démontre pas l'intensité et la stabilité des liens familiaux qu'elle entretient sur le territoire national, avec son père notamment, lequel réside à Rennes et auquel elle reconnaît ne pas rendre visite. Mme B..., qui est âgée de trente-neuf ans, célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvue de toute attache privée et familiale aux Comores, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
7. Si Mme B... fait valoir qu'elle séjourne en France depuis plus de quatorze ans, que plusieurs membres de sa famille résident en France et qu'elle s'est investie dans la vie associative, ces éléments ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, et alors que la durée et la continuité du séjour qu'elle invoque ne sont pas établies, à caractériser l'existence de considérations humanitaires ni des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas entaché la décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, pour les motifs exposés au point 5, le moyen de Mme B... tiré de ce que le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.
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N° 21LY00099