Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2018, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 octobre 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 27 septembre 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. F... soutient que :
- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, c'est à tort que le préfet a estimé qu'il existait un risque qu'il n'exécute pas la mesure d'éloignement en cause ;
- sur la décision prononçant son assignation à résidence, l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2019, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
Le préfet de la Haute-Savoie soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. F... tendant à l'annulation des décisions du 27 septembre 2018 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a décidé de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire, a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sont nouvelles en appel et, par suite irrecevables.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Vu la décision par laquelle le président de la cour a désigné Mme G... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteure publique en application des articles R. 222-24, 2nd alinéa et R. 222-32 du code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E..., présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant algérien né le 10 août 1988, est entré en France au mois de septembre 2012, selon ses déclarations. Le 1er avril 2015, le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par des arrêtés du 27 septembre 2018, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. F... relève appel du jugement du 24 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 27 septembre 2018 par laquelle le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. F... fait valoir qu'il réside en France depuis 2012 et qu'il a épousé, le 8 novembre 2018, une ressortissante française qui est enceinte et qui a besoin de son assistance compte tenu des problèmes de santé dont elle souffre depuis un accident de la circulation subi en 2017. M. F... n'apporte toutefois aucune précision ni aucune pièce permettant d'établir, d'une part, la réalité de son séjour en France durant la période alléguée, ni, d'autre part, la réalité et l'ancienneté d'une vie commune entre son épouse et lui antérieurement au mariage. Par ailleurs, l'intéressé, qui ne démontre ainsi pas l'existence de liens intenses, stables et anciens en France, ne conteste pas disposer d'attaches privées et familiales en Algérie, son pays d'origine. Enfin, si M. F... se prévaut de l'exercice d'une activité professionnelle en France, en qualité de cuisinier, cette seule circonstance, alors au demeurant qu'il a exercé cette activité professionnelle sans autorisation, ne suffit pas à démontrer sa bonne insertion dans la société française. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit de M. F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le préfet n'a pas davantage entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur les autres décisions :
4. Il ressort du dossier de première instance que les conclusions de M. F... à fin d'annulation étaient exclusivement dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. Les conclusions à fin d'annulation des décisions par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a décidé de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire, a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours constituent ainsi des conclusions nouvelles en appel. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.
5. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique le 17 décembre 2019.
N° 19LY04203 2
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