Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 mai 2019, M. G..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 15 février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2019 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa remise aux autorités suisses ;
3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en France en procédure normale ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. G... soutient que :
- le tribunal administratif ne pouvait substituer aux dispositions b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, fondant la décision, celles du d) du 1. du même article ;
- la procédure est irrégulière en raison de la méconnaissance du règlement Eurodac ;
- aucune copie du résumé de son entretien individuel ne lui a été remise ;
- il n'a pas reçu les informations prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ;
- l'habilitation à mener l'entretien individuel de celui qui l'a conduit n'est pas démontré ;
- la décision est insuffisamment motivée et est fondée sur le motif inexact de ce qu'une demande d'asile serait en cours en Suisse alors qu'elle a déjà été rejetée ;
- la notification de la décision ne comporte pas toutes les mentions requises ;
- le préfet devait faire usage de la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors que, contrairement à la France, la Suisse n'accorde pas la protection subsidiaire aux ressortissants afghans, sa demande d'asile a d'ailleurs été rejetée et il risque un renvoi effectif ;
- il n'a pas été informé de son droit d'avoir accès à l'intégralité de son dossier préfectoral et a demandé en vain accès à son dossier devant le tribunal administratif, ce qui vicie la procédure.
Par un mémoire en défense enregistrés le 31 juillet 2019, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il est fondé à demander une substitution de base légale dès lors qu'elle ne fait pas grief à l'intéressé ;
- il a examiné le caractère opportun du recours à la clause de souveraineté ;
- M. G... a reçu les informations prévues par le règlement du 26 juin 2013 ;
- les moyens de première instance que M. G... indique reprendre ne sont pas fondés.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Vu la décision par laquelle le président de la cour a désigné Mme F... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteure publique en application des articles R. 222-24, 2nd alinéa et R. 222-32 du code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., ressortissant afghan né en 1993, a introduit une demande de protection internationale le 19 septembre 2018. Par un arrêté du 6 février 2019, le préfet de l'Isère a décidé sa remise aux autorités suisses. M. G..., qui a été déclaré en fuite le 28 mars 2019, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
3. Le préfet de l'Isère a saisi les autorités suisses d'une demande de reprise en charge de M. G... sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont donné leur accord écrit le 27 septembre 2018. L'intéressé fait valoir que sa demande d'asile a été rejetée dans ce pays et que sa situation ne relevait ainsi pas de ces dispositions mais de celles du d) du 1. de l'article 18. Cependant, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet pouvait décider son transfert sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, la substitution de cette base légale à celle du b) n'ayant pas pour effet de priver M. G... d'une garantie et l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation. Par suite, la circonstance que la demande d'asile de l'intéressé aurait été rejetée en Suisse est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert en litige.
4. A l'appui de ses conclusions, M. G... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de la méconnaissance du règlement Eurodac et de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, de l'absence de communication du résumé de l'entretien individuel, de l'absence de preuve de l'habilitation à mener l'entretien individuel de celui qui l'a conduit, de la motivation insuffisante de la décision, de la méconnaissance de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, des mentions incomplètes de la notification de la décision et de l'absence d'accès à l'intégralité de son dossier préfectoral. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Grenoble.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de pièces supplémentaires par le préfet, que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme A..., présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 17 décembre 2019.
2
N° 19LY01918
gt