Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2019, M. F..., représenté par la SELARL BS2A, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 octobre 2018 du préfet de Saône-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour :
- la décision méconnaît le 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il apporte la preuve de sa résidence habituelle pour la période de 2005 à 2010 ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il vit en France de façon certaine depuis l'année 2010, que sa fille mineure, de nationalité française, vit en France ; s'il a des enfants dans son pays d'origine, ces liens familiaux ne sont pas de la même intensité que ceux dont il dispose en France ; il est bien inséré en France et a travaillé pendant deux années en qualité d'intérimaire ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il est de l'intérêt de son enfant de pouvoir entretenir des liens avec son père ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- la décision méconnaît le 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; il est le père d'un enfant mineur et exerce l'autorité parentale sur cet enfant ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que précédemment évoqués ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les mêmes motifs que précédemment évoqués ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de renouvellement de son titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
Par lettre du 18 octobre 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a formé, en première instance, que des conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Si le requérant sollicite également, devant la cour, l'annulation de la décision fixant le pays de destination, ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me D..., représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant algérien né le 1967, est entré en France en 2004 sous couvert d'un visa de court séjour et y réside depuis, selon ses dires. Après une première relation avec une ressortissante française, Mme A..., dont est issue Hanaée, née le 23 novembre 2010, M. F... s'est marié, le 14 mars 2015, avec Mme G.... Le 24 août 2016, il a bénéficié, en qualité de conjoint de français, d'un certificat de résidence temporaire. Le 23 avril 2018, il a sollicité le renouvellement de ce certificat de résidence. Par ordonnance de non conciliation du 20 juin 2017, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône a autorisé les époux G...-F... à introduire une instance en divorce. Par une décision du 11 octobre 2018, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de renouveler le titre de séjour de M. F..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. F... relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de renouvellement de son titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le requérant n'avait formé devant le tribunal administratif que des conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de renouvellement de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Si le requérant sollicite également, devant la cour, l'annulation de la décision fixant le pays de destination, ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables. Dès lors, elles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la légalité du refus de renouvellement de son titre de séjour :
3. Aux termes du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française... 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ".
4. M. F... soutient résider en France depuis 2004, date de son entrée sur le territoire français, et y vivre ainsi depuis plus de dix ans à la date de la décision critiquée. Toutefois, il ne justifie pas de sa présence habituelle en France en se bornant à produire pour l'année 2005 une ordonnance, un devis et un billet de train qui ne comporte pas son nom, pour l'année 2006, une ordonnance et une facture, pour l'année 2007, le récépissé de dépôt d'une demande d'aide médicale d'Etat, une promesse d'embauche adressée chez M. E... F... et un reçu d'un avocat, pour l'année 2008, une facture et une ordonnance prescrivant un examen médical, pour l'année 2009, une facture, un bulletin de situation à la suite de son hospitalisation le 16 novembre et une attestation d'admission à l'aide médicale d'Etat, pour l'année 2010, un extrait d'acte de naissance d'Hanaée et une facture, pour l'année 2011, deux factures, pour l'année 2012, une proposition commerciale et une facture ne comportant pas mention de son nom, deux factures à son nom et une lettre de son conseil, pour l'année 2013, deux factures, une lettre de demande de titre de séjour, une promesse d'embauche et un jugement en assistance éducative d'Hanaée mentionnant l'absence de M. F... lors de l'audience. Dès lors, les pièces produites par le requérant sont insuffisantes pour justifier de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de 10 ans à la date de la décision du 11 octobre 2018. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit, par suite, être écarté.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. F... se prévaut de la durée de son séjour en France et de la présence de sa fille mineure de nationalité française avec qui il entretiendrait des liens plus intenses qu'avec ses enfants restés en Algérie, ainsi que de son insertion professionnelle. Toutefois et ainsi qu'il vient d'être dit, par les pièces qu'il produit, M. F... ne démontre pas qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis 2004. Si M. F... fait état de ses liens avec sa fille, Hanaée, il ressort des pièces du dossier que le juge des enfants près le tribunal pour enfants de Chalon-sur-Saône a fait état, dans son jugement du 14 janvier 2013, de ce que " M. F... n'a eu aucun contact avec Hanaée depuis sa séparation d'avec Mme A... et il ne s'est jamais manifesté pour prendre de ses nouvelles. Mme A... précise qu'il n'est pas le père d'Hanaée même s'il l'a reconnue à sa demande après la naissance. Elle s'oppose à ce qu'il puisse bénéficier d'un droit de visite et fait part de son intention d'engager une procédure en contestation de paternité ", et a réservé le droit de visite de M. F... compte tenu de l'absence de lien avec l'enfant. Il ressort encore des pièces du dossier que M. F... dispose d'attaches familiales en Algérie où résident notamment ses deux enfants. La circonstance que M. F... a travaillé pendant deux années en qualité d'intérimaire ne peut suffire à démontrer une intégration sociale particulièrement forte en France. Dans ces conditions, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.
7. M. F..., qui n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ne peut invoquer la méconnaissance de ces stipulations. En tout état de cause, à supposer que le préfet ait également examiné, comme il lui était loisible de le faire sans y être tenu, si l'intéressé pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur ce fondement, il n'a pas méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de cet accord pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent.
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, que ce soit le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Eu égard notamment à ce qui a été dit au point 6, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ".
11. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit, ou qu'une convention internationale stipule, que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Les stipulations précitées du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien prévoient qu'un ressortissant algérien puisse bénéficier d'un titre de séjour de plein droit dès lors qu'il est un ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France et qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, le certificat de résidence d'un an n'étant délivré, en cas de reconnaissance postérieure à la naissance, que si le ressortissant algérien subvient aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an.
12. En l'espèce, Mme A..., mère de l'enfant, a déclaré devant le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône que M. F... avait reconnu Hanaée postérieurement à sa naissance. Il s'ensuit qu'il appartient à M. F... d'établir qu'il subvient aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an. En l'absence de tout commencement de preuve en ce sens, le préfet de préfet de Saône-et-Loire pouvait, sans méconnaître les stipulations du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, prendre à son encontre une décision d'éloignement.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que M. F... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour.
14. Si M. F... invoque la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 9 du présent arrêt.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
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N° 19LY02154