Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2014, Mme E...D...épouseB..., représentée par Me C...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 22 juillet 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 28 février 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requérante soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car son état de santé nécessite des soins dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; par ailleurs, elle justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- cette décision méconnaît également les dispositions du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle est en droit de se prévaloir des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511- 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
Mme E...D...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur.
1. Considérant que Mme E...D...épouseB..., ressortissante kosovare née le 2 octobre 1983, est selon ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 23 février 2011, accompagnée de son mari et leur fils né en 2008 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2012, confirmée le 19 octobre 2012 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'une autorisation provisoire de séjour lui a été accordée du 15 avril 2013 au 14 octobre 2013 en raison de son état de santé ; que, par décisions du 28 février 2014, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui accorder un titre de séjour, au titre de l'asile et sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de son renvoi ; que Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 22 juillet 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du préfet de la Haute-Savoie ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
3. Considérant, d'une part que, par un avis rendu le 23 janvier 2014, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé a considéré que l'état de santé de Mme B...ne nécessite pas une prise en charge médicale ; que la requérante soutient être enceinte et que sa grossesse nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité comme cela a été le cas à deux reprises en 2011 ; que, toutefois, le certificat médical établi le 18 mars 2014 faisant état d'un début de grossesse " vers " le 25 février 2014 et de la nécessité de prendre en charge de manière rapprochée cette grossesse pathologique, ne suffit pas à établir qu'à supposer même qu'elle aurait été enceinte dès le 25 février 2014, soit trois jours avant la décision litigieuse, son état nécessitait, à cette même date, une prise en charge médicale ; qu'il n'est, en tout état de cause, pas établi par les pièces du dossier, qu'ainsi qu'elle le fait valoir, elle ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé au Kosovo ; que, d'autre part, l'existence de circonstances exceptionnelles au sens des dispositions précitées n'est pas établie par les pièces du dossier alors au demeurant que Mme B...ne s'est pas prévalue de telles circonstances auprès du préfet ; que, par ailleurs, la requérante ne peut utilement se prévaloir qu'elle ne pourrait bénéficier du traitement adapté à son état de santé eu égard à la faiblesse de ses ressources ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas établi que Mme B...a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne ressort pas de la décision litigieuse que le préfet de la Haute-Savoie s'est prononcé sur la délivrance d'un tel titre de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l 'autorité administrative (...) lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 31411 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui justifient résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre de séjour et non de celui de l'intégralité des étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeB..., qui selon ses déclarations n'est entrée en France que le 23 février 2011, ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision litigieuse des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute Savoie a entaché la décision portant refus de titre de séjour d'un vice de procédure en ne saisissant pas pour avis la commission du titre de séjour ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que la requérante se borne à reprendre dans sa requête le moyen déjà invoqué devant les premiers jugés tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen a été écarté à bon droit par les premiers juges ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs de ce jugement, à l'encontre duquel la requérante ne formule aucune critique utile, d'écarter ce moyen ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme B...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...épouse B...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme E...D...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er mars 2016.
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N° 14LY02685
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