Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2013, et un mémoire en réplique enregistré le 20 avril 2015, MmeD..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Fort de France du 10 octobre 2013 ;
2°) d'annuler la décision implicite du 28 février 2012 par laquelle le directeur général du CHU de la Martinique a rejeté ses demandes de protection fonctionnelle, de reconnaissance de faits de harcèlement moral et de communication de dossier administratif et médical ;
3°) d'enjoindre au directeur du CHU de la Martinique de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et de prendre ainsi en charge ses frais d'avocat, d'un montant de 10 000 euros, de produire ses dossiers administratifs et médical sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de la titulariser et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de condamner le CHU de la Martinique au paiement d'une somme globale de 170 000 euros en réparation de ses préjudices ;
5°) de mettre à la charge du CHU de la Martinique la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1986 ;
- le décret n° 89-241 du 18 avril 1989 ;
- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2016 :
- le rapport de M. Laurent Pouget ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., représentant le CHU de Martinique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., employée par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique en qualité d'agent hospitalier contractuel de 1991 au 31 mai 1998, a été nommée agent qualifié des services hospitaliers stagiaire à compter du 1er juin 1998 par une décision du 17 septembre 1998 du directeur général de l'établissement. Son stage a été prorogé à plusieurs reprises jusqu'à ce que, par une décision du 11 mars 2002, le directeur général du centre hospitalier y mette un terme à compter du 6 janvier 2002 et prononce son licenciement et sa radiation des cadres à compter de cette même date, au motif d'un abandon de poste. Par un arrêt n° 07BX01164 du 23 mars 2009, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la décision du 11 mars 2002 au motif que les conditions du constat d'un abandon de poste n'était pas réunies et, par un arrêt n° 12BX00246 du 12 mars 2013, a enjoint au CHU de Martinique de réintégrer Mme X...en qualité de stagiaire. Cette dernière a de nouveau saisi entre-temps le tribunal administratif de Fort-de-France, lui demandant, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général du CHU de Martinique a rejeté ses demandes du 3 décembre 2011 tendant à la reconnaissance des faits de harcèlement moral sur sa personne et d'octroi de la protection fonctionnelle, à la communication de ses dossiers administratif et médical et à l'octroi d'une indemnité, d'autre part, d'enjoindre audit directeur de lui accorder la protection fonctionnelle, de lui communiquer ses dossiers administratif et médical et de reconstituer sa carrière, et, enfin, de condamner l'établissement à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis. Mme X... relève appel du jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à la communication de ses dossiers administratif et médical, a condamné le CHU à lui payer une indemnité de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Le centre hospitalier universitaire de Martinique a communiqué au tribunal des pièces établissant que les dossiers administratif et médical de Mme X...ont été transmis à son conseil respectivement le 18 juin 2012 et le 27 juin 2013. Si la requérante soutient que les deux dossiers transmis par l'administration seraient incomplets, elle n'établit pas la réalité de leur incomplétude au regard des documents qui devaient normalement les composer en se bornant à énumérer un certain nombre de pièces qu'elle s'attendait à y voir figurer et qui en seraient selon elle absents. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal administratif, qui peut le cas échéant faire usage de ses pouvoirs d'instruction, s'est estimé suffisamment éclairé par les arguments et les éléments produits par les parties, et a refusé de faire droit à la demande de communication présentée par MmeC..., sans entacher sa décision d'une irrégularité de nature à en justfiier l'annulation.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du refus d'octroi de la protection fonctionnelle :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision du directeur général du CHU de Martinique portant refus d'octroyer à Mme X...le bénéfice de la protection fonctionnelle : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (....) ". Aux termes de l'article 11 de cette loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (... ) / La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires ". Et aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 12 mai 1997 : " Les agents stagiaires sont soumis aux dispositions des lois du 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986 susvisées et à celles des décrets pris pour leur application dans la mesure où elles sont compatibles avec leur situation particulière et dans les conditions et sous les réserves prévues par le présent décret. ".
4. Des agissements répétés de harcèlement moral peuvent permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions susrappelées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les traitements discriminatoires, humiliations, menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires sont susceptibles d'être victimes à l'occasion de leurs fonctions. La circonstance que la personne qui demande le bénéfice de la protection fonctionnelle a perdu la qualité d'agent public à la date de la décision statuant sur cette demande est sans incidence sur l'obligation de protection qui incombe à la collectivité publique qui l'employait à la date des faits en cause. En l'occurrence, MmeC..., qui se plaint du harcèlement moral qu'elle aurait subi tant de la part de sa hiérarchie que de ses collègues, demande le bénéfice de la protection fonctionnelle afin que, d'une part, soient pris en charge les frais d'avocats qu'elle a dû engager depuis sa radiation illégale et, d'autre part, que l'administration rétablisse sa réputation.
5. Mme X...se plaint, en premier lieu, de ce qu'elle a été maintenue par l'administration dans une situation administrative précaire, son stage ayant été illégalement reconduit durant plus de trois années alors qu'elle devait être titularisée à l'expiration de la durée maximale autorisée par les textes applicables. Elle ajoute qu'au cours de son stage elle a été plusieurs fois réaffectée dans des services différents, y compris externes à l'établissement, sans y avoir consenti et sans consultation préalable de la commission administrative paritaire, et que ces changements d'affectation, non sans incidence sur ses primes, ont constitué une sanction administrative déguisée. Toutefois, la prolongation du stage au-delà de la durée maximale de deux ans autorisée par les dispositions combinées de l'article 14 du décret susvisé du 18 avril 1989 et de l'article 7 du décret également susvisé du 12 mai 1997 ne caractérise pas en elle-même une situation de harcèlement moral. Il en va de même des changements d'affectation dont Mme F...a fait l'objet. Or, il résulte de l'instruction, et notamment de courriers du directeur général du CHU de Martinique des 2 décembre 1999, 28 mars 2000, 14 juin 2001 ainsi que des notes du 23 janvier 2002 de la sage-femme surveillante chef et du directeur du service des soins infirmiers, que les prolongations de stage au-delà de la durée légale, de même que les changements d'affectation de Mme F...décidés par l'administration ont eu pour seuls objectifs de lui éviter un refus de titularisation immédiat et de lui accorder des chances supplémentaires d'améliorer sa manière de servir. Ces mesures, qu'elles qu'aient pu être leur incidence sur la situation administrative de la requérante, ne sont ainsi révélatrices ni d'une sanction déguisée, ni d'une attitude de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de la part de la direction du centre hospitalier.
6. La requérante fait valoir, en second lieu, qu'elle a fait l'objet d'une accusation mensongère de vol, à l'origine d'une enquête interne menée à charge contre elle et de propos ou d'actes désobligeants de la part de ses collègues . Ceux-ci auraient également manifesté leur animosité à son encontre et cherché à lui nuire à l'approche de sa possible titularisation sur un poste vacant. Elle ajoute que les reproches de ses supérieurs hiérarchiques quant à son comportement au travail et à ses absences répétées étaient injustifiés dans la mesure où ces faits trouvaient leur origine dans la mauvaise organisation des services de l'établissement, dans une surcharge de travail, ou encore dans la dégradation de son état de santé, imputable précisément aux pressions qu'elle subissait. Cependant, MmeC..., en se bornant à produire deux attestations peu circonstanciées, n'assortit ses allégations d'aucun justificatif probant susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de ses collègues de travail. Mme X... n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir que ses supérieurs hiérarchiques auraient exercé sur elle des pressions outrepassant l'exercice normal de leurs prérogatives d'encadrement. Au demeurant, il apparaît, d'une part, que jusqu'à son absence du service le 6 janvier 2002, Mme X...fait l'objet d'encouragements et de recommandations positives de la part de sa hiérarchie, comme le montrent les fiches d'évaluation qu'elle a elle-même produites et les correspondances susmentionnées des 2 décembre 1999, 28 mars 2000 et 14 juin 2001, et que, d'autre part, elle a été invitée par le médecin du travail de l'établissement à se faire aider psychologiquement, ce que elle a refusé. Par suite, en refusant la protection fonctionnelle demandée par MmeC..., le CHU de Martinique n'a entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
S'agissant du défaut de communication des dossiers :
7. Mme E...reproche au CHU de Martinique de ne pas l'avoir mise à même de présenter utilement ses observations lors de son éviction illégale du service prononcée par la décision du directeur général de l'établissement en date du 11 mars 2002, en tardant excessivement à lui transmettre ses entiers dossiers administratif et médical. Aucune disposition légale ou réglementaire n'impose toutefois à l'administration de procéder spontanément à la communication des dossiers et il résulte de l'instruction que la requérante n'a elle-même sollicité cette communication pour la première fois que le 26 décembre 2011. Ainsi, le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué n'est en tout état de cause pas établi.
S'agissant du maintien en stage au-delà du 1er juin 2000 :
8. La poursuite du stage de Mme X...au-delà de la durée maximale de deux ans prévue par les dispositions de l'article 7 du décret du 12 mai 1997 n'a pas fait naître au profit de l'intéressée une décision implicite de titularisation et ne lui a pas davantage conféré le droit d'être titularisée. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision du CHU de Martinique de ne pas procéder à sa titularisation à l'issue du délai réglementaire était motivée par la volonté de la direction de l'établissement de lui accorder une chance supplémentaire de titularisation plutôt que de prononcer son licenciement immédiat. Il résulte en effet de l'instruction, notamment des différentes fiches d'évaluation établies par les supérieurs hiérarchiques de l'intéressée et des correspondances adressées par ceux-ci à la direction de l'établissement, que les appréciations portées sur sa manière de servir, si elles étaient partiellement favorables, étaient également assorties de réserves substantielles de nature à justifier que la titularisation de Mme X... ne soit pas prononcée à la date du 1er juin 2000. Le maintien de Mme X...en stage au-delà de cette date n'est donc en soi constitutif d'aucun préjudice dont elle serait fondée à solliciter l'indemnisation.
S'agissant de la suppression d'une prime annuelle :
9. Si Mme X...soutient que, postérieurement au 22 novembre 1999, il a été mis fin par l'administration au versement d'une prime qui lui était due, elle n'assortit ses allégations d'aucun justificatif ni d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
S'agissant de l'inaptitude médicale :
10. La décision du directeur général du CHU du 11 mars 2002 annulée par la cour administrative de Bordeaux le 23 mars 2009 a prononcé la radiation des cadres de la requérante au motif d'un abandon de poste, et non pour inaptitude professionnelle. Mme E...n'est donc pas fondée à soutenir que le centre hospitalier lui aurait causé un préjudice en la déclarant inapte à l'exercice de ses fonctions.
S'agissant du défaut d'affiliation auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales :
11. La requérante n'établit pas, par les seules pièces qu'elle produit, que le CHU de Martinique n'aurait pas acquitté de cotisations sociales pour son compte auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales pendant la durée de son stage. Si, par ailleurs, elle recherche désormais la réparation du préjudice résultant de l'absence de tout versement auprès de la caisse par son employeur à la suite de sa radiation illégale des cadres, sa demande à ce titre, qui ne se rattache pas à un fait générateur précédemment invoqué et ne procède pas d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, présente le caractère de conclusions nouvelles irrecevables en cause d'appel.
S'agissant du préjudice moral :
12. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, Mme E...ne justifie pas d'un préjudice moral distinct de celui dont le tribunal a estimé qu'il devait être réparé et dont il a fait une juste appréciation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Pour les motifs mentionnés respectivement au point 2 et aux points 3 à 6, les conclusions de Mme X...tendant à ce qu'il soit enjoint au CHU de Martinique, d'une part de lui communiquer ses dossier administratif et médical, sous astreinte, et d'autre part de lui accorder la protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement moral, doivent être rejetées.
14. Enfin, comme l'a relevé l'arrêt susmentionné du 12 mars 2013, confirmé sur ce point par la décision n° 369300 du Conseil d'Etat du 29 décembre 2014, l'annulation de la décision du 11 mars 2002 par laquelle le directeur général du CHU de Martinique a mis fin au stage de Mme X...à compter du 6 janvier 2002 et l'a rayée des cadres implique seulement la réintégration de l'intéressée en qualité de stagiaire dans l'attente qu'une nouvelle décision soit prise sur sa situation administrative. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au CHU de prononcer sa titularisation et de procéder à la reconstitution de sa carrière doivent être également rejetées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme X...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 octobre 2013, lequel n'est pas insuffisamment motivé et n'a pas été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Martinique, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme X...et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement au CHU de Martinique d'une somme quelconque sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme X...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CHU de Martinique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...X...et au centre hospitalier universitaire de Martinique.
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N° 13BX03468