Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2015, la SAS Gaillard, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mars 2015 ;
2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de prononcer la restitution des sommes versées à tort, le cas échéant, assorties d'intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Gaillard soutient que :
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
- l'administration n'est pas fondée à mettre à sa charge un rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a fait figurer, par erreur, sur une facture en date du 19 décembre 2008 d'un montant de 384 100 euros HT, pour un montant de 75 283,60 euros ; d'une part, elle n'a pas perçu le montant de cette taxe, puisque celle-ci, facturée à tort à son client, la société Continental, lui a, après l'émission d'un avoir, été remboursée ; d'autre part, contrairement à ce qu'indique l'administration, l'opération en cause n'a pas porté sur la cession par la SAS Gaillard à la société Continental d'une machine de lavage haute pression ainsi que d'outillages de serrage, mais en la réalisation d'une prestation de lavage à l'aide de cette machine et de ces outillages, acquis par la SAS Gaillard et Cie en leasing et loués à la SAS Gaillard, en contrepartie de laquelle la société Continental a versé une subvention à la SAS Gaillard ; enfin cette facturation erronée de taxe sur la valeur ajoutée a été corrigée par l'émission d'une nouvelle facture, ne comprenant pas le montant de taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle est bien fondée à se prévaloir de la réponse A...(Sén. 1er juin 1979 p.1638 n° 28217 publiée au BOI 3 E-7-79, 26 septembre 1979), reprise par l'administration fiscale dans sa documentation de base 3 E-2226 n° 7 du 2 novembre 1996 qui prévoit cette possibilité d'émettre une facture rectificative ;
En ce qui concerne les rappels de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
- le redressement à l'impôt sur les sociétés étant la conséquence technique du redressement de taxe sur la valeur ajoutée, il n'est pas plus fondé ;
Sur l'amende prévue à l'article 1736 du code général des impôts :
- elle est bien fondée à invoquer le bénéfice des réponses ministérielles Becam du 29 mai 1968 et Fosset du 19 août 1982, qui n'ont pas été rapportées par l'administration au moment de la mise en oeuvre, à compter du 1er janvier 2006, du nouveau régime de sanction prévu à l'article 1736 du code général des impôts, en remplacement des sanctions prévues à l'article 238 du même code et qui ont été reprises, exactement dans les mêmes termes dans un rescrit du 14 février 2012 n° 2012/6 RC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- le litige ne porte que sur les impositions supplémentaires mises à la charge de la SAS Gaillard et contestées par elle, à savoir le rappel de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la facture adressée à la société Continental et les pénalités prononcées sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, à l'exclusion de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, aucune cotisation supplémentaire n'ayant été mise en recouvrement à l'encontre de la SAS Gaillard en 2007 et en 2008 en raison de reports de déficits antérieurs ou de résultats déficitaires ;
- les moyens soulevés par la SAS Gaillard ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juin 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que la SAS Gaillard, qui a pour activité le décolletage, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a adressé, le 18 mars 2010, une proposition de rectification portant sur la rectification de son déficit reportable au titre des exercices clos en 2007 et en 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et la mise à sa charge d'une amende sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2007 et 2008 ; que la SAS Gaillard a présenté le 21 mai 2010 des observations sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, auxquelles l'administration a répondu le 28 juin 2010 en maintenant les redressements envisagés ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires saisie des contestations en matière de taxe sur la valeur ajoutée a émis le 18 février 2011 l'avis de maintenir les rappels en cause ; que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 24 novembre 2011 ; que la SAS Gaillard relève appel du jugement du 23 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007 et en 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, et de l'amende fiscale prévue à l'article 1736 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2007 et 2008 ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts : " I.-Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...). " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout autre document en tenant lieu est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation " ; que, toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (C-342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale ; que la Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (C-566/07), que les mesures que les Etats membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe ; que ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n'a pas éliminé complètement, en temps utile, le risque de perte de recettes fiscales ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 18 décembre 2008, la société Continental Mechanical, cliente de la SAS Gaillard, lui a passé commande d'une machine permettant d'effectuer une opération de lavage haute pression sur une pièce appelée corps de pompe M 271 ; que la commande portait sur une machine de lavage " hochdruckstrahlanlage Vector Jet II " et un dispositif de serrage " spannvorrichtung ", dont les valeurs hors taxe respectives étaient de 372 100 euros et 12 000 euros, soit un total de 384 100 euros HT ; que le bon de commande précisait que, selon l'accord intervenu, le prix de lavage par boîtier serait de 1,75 euros ; que, conformément à ce bon de commande, la SAS Gaillard a émis le 19 décembre 2008 sous le numéro 0801514 une facture, adressée à la société Continental Mechanical, portant sur cette machine et ces outillages et mentionnant, outre le prix hors taxe à régler de 384 100 euros, une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % d'un montant de 75 283,60 euros, soit un total net à payer de 459 383,60 euros ; que, bien qu'elle ait enregistré dans sa comptabilité le produit et la taxe sur la valeur ajoutée mentionnés sur la facture, et que la société Contiental Mechanical lui ait réglé le montant total de la facture, y compris la taxe sur la valeur ajoutée, par virement du 24 avril 2009, la SAS Gaillard n'a pas, au cours de la période vérifiée, reversé au Trésor la taxe sur la valeur ajoutée ainsi collectée ; que l'administration fiscale a redressé la SAS Gaillard du montant de cette taxe sur la valeur ajoutée collectée aux motifs tirés, d'une part, de ce que l'opération en cause devait s'analyser comme une vente, soumise à taxe sur la valeur ajoutée, sans transfert physique effectif vers l'Allemagne, ce qui l'excluait du bénéfice de l'exonération prévue au I de l'article 262 ter du code général des impôts et, d'autre part, qu'ayant fait figurer sur la facture 0801514 la taxe sur la valeur ajoutée, elle était, de ce fait, en application des dispositions du 3 de l'article 283 du code général des impôts, redevable de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée, sans qu'elle puisse se prévaloir d'une facture rectificative postérieure ne portant plus mention de la taxe sur la valeur ajoutée ;
5. Considérant que, dès lors que la facture initiale mentionnait la taxe sur la valeur ajoutée, alors même que la taxe sur la valeur ajoutée aurait été facturée à tort du fait que l'opération en cause serait exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, la SAS Gaillard était, en application de l'article 283 précité du code général des impôts, redevable de ladite taxe du seul fait de sa facturation ; qu'en l'espèce, d'une part, la SAS Gaillard n'apporte pas la preuve qu'elle a éliminé en temps utile tout risque de pertes fiscales ; que, d'autre part, les deux factures qu'elle a produites, l'une, reprenant toutes les mentions de la facture initiale à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée et datée, comme elle, du 19 décembre 2008, bien que produite pour la première fois en appel, et l'autre, datée du 11 décembre 2009, relative à la même prestation, mais sans facturation de taxe sur la valeur ajoutée, ne peuvent être regardées comme des factures rectificatives, dès lors notamment qu'elles ne mentionnent ni leur nature rectificative ni les références de la facture à laquelle elles viendraient se substituer ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de vérifier si l'opération en cause entrait dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée ou devait en être exonérée, la SAS Gaillard était redevable de la taxe du seul fait de cette facturation, conformément aux dispositions précitées du 3 de l'article 283 du code général des impôts ;
6. Considérant que la SAS Gaillard se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M.A..., sénateur, du 1er juin 1979, reprise au paragraphe n° 7 de la documentation administrative 3 E-2226, selon laquelle le redevable de bonne foi ayant facturé la taxe pour une opération exonérée ou à un taux erroné est admis à procéder, dans les conditions fixées par les dispositions du 1° de l'article 272 du code général des impôts, à la régularisation prévue par ce texte en produisant, dans le délai de réclamation, des factures rectificatives ; que, toutefois, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, les factures produites par la SAS Gaillard ne présentent pas le caractère de factures rectificatives ; que, par suite, la SAS Gaillard n'est pas fondée à se prévaloir desdites doctrines ;
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
7. Considérant, et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, que les conclusions de la SAS Gaillard dirigées contre les redressements opérés en matière d'impôt sur les sociétés qui sont " la conséquence technique du rappel de taxe sur la valeur ajoutée " et qu'elle conteste pour les mêmes motifs, doivent, eu égard à ce qui précède, être rejetées ;
Sur l'amende prévue à l'article 1736 du code général des impôts :
8. Considérant que la SAS Gaillard reprend en appel le moyen de première instance, tiré de ce qu'elle est bien fondée à invoquer le bénéfice des réponses ministérielles Becam du 29 mai 1968 et Fosset du 19 août 1982, qui n'ont pas été rapportées par l'administration au moment de la mise en oeuvre, à compter du 1er janvier 2006, du nouveau régime de sanction prévu à l'article 1736 du code général des impôts, en remplacement des sanctions prévues à l'article 238 du même code et qui ont été reprises, exactement dans les mêmes termes dans un rescrit du 14 février 2012 n° 2012/6 RC, moyen auquel le tribunal, après avoir examiné l'application de la loi fiscale, a suffisamment répondu ; qu'il résulte de l'instruction, que, par adoption des motifs des premiers juges tant s'agissant de l'application de la loi fiscale que du bénéfice de la doctrine administrative, laquelle n'a pu en tout état de cause eu égard à son contenu influencer le comportement déclaratif de l'intéressé, ce moyen doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Gaillard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions tendant à la restitution des sommes litigieuses, assorties d'intérêts moratoires, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Gaillard est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Gaillard et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.
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N° 15LY01741