Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2016, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 juillet 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Mme E... soutient que :
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est senti lié par le rejet de sa demande d'asile et n'a pas procédé à un examen attentif et particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet, en se basant sur des éléments généraux qui ne sont pas de sources médicales, ne démontre pas la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en Guinée ; le tribunal administratif de Grenoble a renversé la charge de la preuve de la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en Guinée ;
- la décision a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas envisagé sa régularisation à titre discrétionnaire, justifiée par la situation particulière dans laquelle elle établit se trouver, eu égard à son état de santé et aux risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine et à son intégration ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante guinéenne née le 14 juillet 1978, est entrée en France, selon ses déclarations, le 23 juin 2013 et a sollicité le 30 septembre 2013 son admission au séjour au titre de l'asile. Le statut de réfugié lui a été refusé par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 septembre 2014 et de la Cour nationale du droit d'asile du 1er avril 2015. Son recours contre l'arrêté du 4 mars 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 septembre 2015. Mme E... a sollicité, le 5 juin 2015, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade que le préfet de l'Isère a refusé de lui accorder par un arrêté du 5 février 2016, en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination. Par la présente requête, Mme E... relève appel du jugement du 28 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Mme E... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges à l'encontre desquels Mme E... ne formule aucune critique utile et qu'il convient pour la cour d'adopter, le moyen doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
5. Mme E... se prévaut de ses troubles psychiatriques, qu'elle attribue aux de traumatismes vécus dans son pays d'origine, et qui ont conduit le médecin de l'agence régionale de santé, dans son avis rendu le 4 août 2015, à estimer que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée de douze mois.
6. En dépit de cet avis qui ne lie pas l'autorité compétente, le préfet de l'Isère a justifié son refus de délivrer à Mme E... le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la disponibilité en République de Guinée d'un traitement médical approprié à son état de santé, en se fondant sur les informations qu'il a produites en défense en première instance, datant de septembre 2013 et provenant de l'ambassade de France en République de Guinée, relatives à l'existence de services psychiatriques en Guinée et à l'absence de difficultés d'approvisionnement en médicaments dans ce pays, et sur les éléments obtenus par les autorités néerlandaises et belges, faisant état de l'existence d'antidépresseurs et d'anxiolytiques en République de Guinée. Les premiers juges, après avoir estimé que le préfet de l'Isère apportait la preuve qui lui incombe de la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en Guinée, ont relevé que Mme E... n'établissait pas que les traitements notamment antidépresseurs, anxiolytiques et hypnotiques disponibles en Guinée n'étaient pas appropriés au traitement de sa pathologie. Ils n'ont pas, ce faisant, indûment renversé la charge de la preuve. Il ne ressort par ailleurs pas des certificats médicaux produits par l'intéressée que les traitements médicamenteux prescrits en France ne pourraient être substitués par des spécialités pharmaco-équivalentes disponibles en Guinée. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant son admission au séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de l'Isère aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges à l'encontre desquels l'appelante ne formule aucune critique utile et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de séjour attaqué sur sa situation personnelle doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ". Mme E..., ressortissante guinéenne, s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. Reprenant en appel les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inopérant à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle, Mme E... n'articule, toutefois, aucune critique utile à l'encontre des motifs retenus par les premiers juges pour les écarter, et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter pour les écarter à nouveau.
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Mme E...ne peut utilement soulever le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de l'Isère l'a obligée à quitter le territoire français. A supposer que l'appelante ait entendu reprendre en appel ce moyen à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, en se prévalant de l'absence d'un traitement médical approprié à son état de santé en République de Guinée, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'un traitement médical approprié à sa pathologie existe dans ce pays. Elle ne démontre pas davantage le caractère actuel et personnel des risques de traitements inhumains et dégradants auxquels elle soutient être exposée en cas de retour en République de Guinée en invoquant, sans l'établir, la seule désapprobation de son père à son égard et la religiosité intégriste de celui-ci.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme D..., première conseillère,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
N° 16LY03574 2
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