Par une requête, enregistrée le 17 août 2017, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1502962 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes, et subsidiairement de réduire les impositions litigieuses à 40 % des bénéfices sociaux de la SCI La Chantaroise et les pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le principe d'unicité de la procédure d'imposition des sociétés de personnes qui découle des articles 8 du code général des impôts et L 53 du livre des procédures fiscales interdit à l'administration fiscale de demander à l'associé, pour la détermination des bénéfices sociaux de celle-ci, des justifications en application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales sur les éléments concourant à la détermination du résultat de la société même si la quote-part lui revenant est imposable entre ses mains dans la catégorie des revenus fonciers ; la procédure contradictoire doit être suivie entre la société et l'administration fiscale et non entre cette dernière et chacun des membres de la société de personnes ;
- l'administration fiscale ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir adressé une proposition de rectification motivée au moins par référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux de la société et par l'indication de la quote-part des bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés ;
- elle n'est imposable dans la catégorie des revenus fonciers que sur la part des résultats de la SCI La Chantaroise qui lui revient et non sur le montant des sommes portées à son débit dans les écritures de la SCI ;
- il y a lieu de prendre en compte les déficits fonciers des années antérieures à 2009 qui figurent sur les déclarations de la SCI ; les contribuables ont le droit de demander la rectification des erreurs qu'ils ont commises à leur détriment ; les déclarations de la SCI bénéficient d'une présomption d'exactitude et de sincérité qu'il appartient à l'administration de combattre.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 décembre 2017, et le 2 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé. Il précise que le document intitulé " statuts de la SCI Chantaroise mis à jour par l'assemblée générale extraordinaire " du 3 juin 2005 atteste que les parts sociales ont fait l'objet de plusieurs opérations de cession depuis la création de la société ; si en mai 2004 Mme E... détenait 40 % des parts, par acte sous seing privé enregistré le 15 juillet 2004, son co-associé lui a cédé 30 parts portant le capital social détenu par Mme E... à 70 %, sans qu'aucun autre acte de cession n'intervienne depuis lors, en sorte que la contribuable était à la date des impositions litigieuses effectivement détentrice de 70 % du capital de la SCI, l'imposition à son nom des revenus fonciers de la SCI rectifiés entre ses mains ayant été à bon droit calculés sur le fondement de cette quote-part.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 4 octobre 2018, Mme E...persiste dans ses écritures.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, présentée par Mme E..., enregistrée le 10 octobre 2018 ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 à l'issue duquel des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises à sa charge à raison de revenus perçus dont l'origine et la nature n'ont pu être déterminées ainsi que des sommes présentant le caractère de revenus fonciers se rattachant à l'activité de location de la SCI La Chantaroise dont Mme E... est gérante et associée. Par la présente requête, Mme E... relève appel du jugement du 15 juin 2017 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la procédure d'imposition de l'associée d'une société de personnes :
2. En se prévalant de la combinaison des dispositions des articles 8 du code général des impôts et L. 53 du livre des procédures fiscales et du principe d'unicité de la procédure d'imposition des sociétés de personnes, l'appelante soutient que l'administration fiscale ne pouvait procéder à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, à l'issue duquel lui ont été notifiés des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers à raison de sa quote-part de bénéfices dans la SCI La Chantaroise, sans préalablement procéder à la vérification de comptabilité de la SCI. Toutefois, la nature et l'origine des crédits bancaires injustifiés figurant sur ses comptes n'ont été révélées que lors de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, se révélant être des loyers encaissés directement par Mme E..., gérante associée de la SCI. En outre, il est constant que la SCI La Chantaroise a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle une proposition de rectification en date du 28 octobre 2013 lui a été adressée, dont Mme E..., en sa qualité de gérante, a accusé réception le 9 novembre 2013, soit avant d'accuser réception le 14 novembre 2013 de la proposition de rectification que l'administration fiscale lui a adressée à titre personnel le même jour à l'issue de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Par suite, le moyen d'irrégularité doit être écarté.
En ce qui concerne la demande de justifications adressée à la contribuable :
3. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, (...). L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts (...) ". Une demande de justification peut être adressée au contribuable par l'administration lorsque celle-ci réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le montant des sommes inscrites au crédit de ses comptes excède le double des revenus qu'il a déclarés. Faute de justifications suffisantes sur leur nature et leur origine, de telles sommes peuvent être taxées d'office en tant que revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.
4. Tel qu'il résulte des travaux préparatoires de l'article 91 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984, l'objectif poursuivi par le législateur en ouvrant à l'administration fiscale la possibilité de demander au contribuable des justifications sur les éléments servant de base à la détermination des revenus fonciers et de procéder à l'évaluation d'office de ces revenus en cas d'absence de réponse à une telle demande, qui était de permettre à l'administration de contrôler plus efficacement les revenus des contribuables dans les cas où ces derniers n'avaient auparavant aucune obligation de répondre aux demandes de justifications de l'administration, ne trouve pas à s'appliquer dans le cas où les revenus fonciers d'un contribuable proviennent d'une société de personnes que l'administration peut contrôler selon les modalités ici rappelées. Par suite, les dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ne sauraient être regardées comme autorisant l'administration fiscale à demander à l'associé d'une société de personnes des justifications sur les éléments concourant à la détermination des bénéfices sociaux de cette société, même si la quote-part lui revenant est imposable entre ses mains dans la catégorie des revenus fonciers et s'ajoute aux revenus qu'il tire, le cas échéant, de la location d'immeubles lui appartenant.
5. Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ".
6. Mme E... soutient que l'administration fiscale ne pouvait sans procéder à un détournement de procédure, lui adresser une demande d'éclaircissements et de justifications selon la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales pour l'imposer sur sa quote-part de bénéfices imposables de la SCI La Chantaroise. Toutefois, il résulte de l'instruction que la demande d'éclaircissements et de justifications adressée à la contribuable concernait des crédits bancaires inexpliqués figurant sur ses comptes personnels, à hauteur de 47 677,75 euros pour l'année 2010 et 25 565 euros pour l'année 2011. Dans le cadre du contrôle, ces crédits bancaires se sont révélés correspondre, pour partie, à des loyers destinés à la SCI La Chantaroise encaissés directement par Mme E... sur ses comptes personnels. Malgré l'insuffisance des réponses apportées par la contribuable à la demande d'éclaircissements et de justifications, ce n'est que postérieurement à la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales à l'égard de la contribuable, que l'origine et la nature des sommes injustifiées figurant au crédit de ses comptes bancaires a été révélée à l'administration fiscale. L'administration fiscale ne pouvait présumer du caractère de revenus fonciers d'une partie de ces crédits bancaires, dont l'origine et la nature ne lui ont été révélées que par la mise en oeuvre de son droit de communication en application des articles L. 81, L. 83 et L. 85 du livre des procédures fiscales auprès des établissements bancaires teneurs des comptes émetteurs des chèques encaissés par Mme E.... En outre, une partie des crédits bancaires est demeurée injustifiée. L'administration fiscale les a, à bon droit, taxé d'office entre les mains de Mme E... sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Dans ces conditions, la mise en oeuvre de la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales à l'égard de la contribuable et non de la société de personnes n'aurait pu, au demeurant, préjudicier, le cas échéant, que les seuls associés s'ils avaient été à cette occasion également imposés à raison de leur quote-part des bénéfices sociaux, ce qui ne résulte pas de l'instruction. En sorte que le moyen tiré du détournement de procédure manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
7. L'administration fiscale a taxé d'office Mme E... en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée et a fait application de la procédure contradictoire pour les revenus fonciers. Mme E... a contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge, par une réclamation du 28 décembre 2015, après avoir obtenu une prorogation du délai de réclamation. Par suite, l'administration fiscale supporte la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications en ce qui concerne les revenus fonciers.
8. Mme E... soutient que c'est à tort que l'administration fiscale l'a imposée à raison d'une quote-part de 70 % des bénéfices de la SCI La Chantaroise, dès lors qu'elle n'en détient que 40 % des parts. Elle se prévaut des statuts de la SCI constituée le 17 juin 1988 avec un co-associé selon lesquels les 100 parts sont détenues à raison de 60 % par M. C... et 40 % par elle. Elle se prévaut également d'un procès verbal d'assemblée générale du 7 décembre 2000 visé par le Tribunal de Commerce confirmant qu'elle ne détient que 40 % des parts. En défense, dans ses dernières écritures, l'administration fiscale a produit les " statuts de la SCI Chantaroise, mis à jour suite à l'assemblée générale extraordinaire du 3 juin 2005, attestant que, par un acte enregistré le 15 juillet 2004, le co-associé de Mme E... au sein de la SCI lui a cédé 30 % du capital de la société qu'il détenait, ses droits dans le capital social s'élevant désormais à 70 %. La répartition du capital de la SCI retenue par l'administration fiscale était mentionnée tant dans la proposition de rectification adressée à la SCI le 17 décembre 2012, que dans celle adressée à la contribuable, qui l'informait que les revenus fonciers correspondant aux loyers encaissés directement sur ses comptes bancaires étaient imposés à l'impôt sur le revenu à raison de la quote-part de bénéfices sociaux de 70 % correspondants à ses droits dans le capital social. L'administration fiscale soutient sans être contestée qu'aucun autre acte de cession n'est intervenu depuis lors, en sorte que la contribuable était, à la date des impositions litigieuses, effectivement détentrice de 70 % du capital de la SCI, l'imposition à son nom des revenus fonciers de la SCI rectifiés entre ses mains ayant été à bon droit calculés sur le fondement de cette quote-part.
9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges à l'encontre desquels Mme E... ne formule aucune critique, et qu'il y a, par suite, lieu pour la cour d'adopter, le moyen tiré du nécessaire report de déficits antérieurs sur le montant des revenus en litige doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme E... une quelconque somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 6 novembre 2018.
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N° 17LY03166