Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2015 et le 4 août 2016, la SARL Auvergne Armatures, représentée par Me A... de la Selarl Cesis Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 juin 2015 ;
2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Auvergne Armatures soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière car la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie de l'intégralité du litige ; conformément aux prévisions de la doctrine 13 L 1514 n° 29 et n° 31, l'administration devait saisir la commission de l'intégralité du litige car elle a contesté les redressements dans leur totalité même si elle n'a formulé des observations qu'à l'égard de certains d'entre eux ; que la commission était compétente dès lors que la question de la complémentarité des activités des sociétés Adec et Auvergne Armatures avait pour conséquence de permettre au service de fonder le redressement sur l'ensemble de la période ;
- la procédure d'imposition est irrégulière car les impositions ont été mises en recouvrement le 5 novembre 2010, avant que la commission n'ait pu rendre un avis sur le litige porté à sa connaissance ; l'administration a méconnu les prévisions de la doctrine mentionnée au n° 46 de la documentation administrative 13 L 1514 du 1er juillet 2002.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'économie et des finances soutient que :
- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie de l'intégralité du litige, lequel ne portait pas sur la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2009 ; la requérante n'a pas après réception de la proposition de rectification contesté la situation de droit résultant de la détention directe à plus de 50 % de son capital par d'autres sociétés ni indiqué contester les rehaussements opérés pour ce motif au titre de la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2009 ; elle a dans son rapport à la commission indiqué, que n'ayant pas émis d'observations concernant la détention directe à plus de 540 % de son capital par d'autres sociétés, le litige se limite aux rectifications relatives à la période allant du 1er janvier au 31 octobre 2007 ; en tout état de cause, la commission aurait dû se déclarer incompétente pour se prononcer sur une question de droit ;
- l'administration pouvait mettre en recouvrement les impositions relatives aux exercices clos en 2008 et 2009 dès lors que ces impositions n'étaient pas en litige, n'avaient pas à être soumises à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et qu'elles sont fondées sur un motif de droit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Auvergne Armatures, créée en mars 2006, exerce une activité de fabrication d'articles métalliques, plus spécifiquement de treillis façonnés sur mesure pour être incorporés dans des ouvrages de maçonnerie ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ; que l'administration a, dans le cadre d'une procédure de rectification contradictoire, remis en cause le régime d'exonération dont cette société bénéficiait depuis sa création sur le fondement de l'article 44 sexies du code général des impôts, soit en qualité d'entreprise nouvelle ; que, par suite, la SARL Auvergne Armatures a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ses exercices clos en 2007, 2008 et 2009, lesquelles ont été assorties d'intérêts de retard ; que, par un arrêt n° 14LY00925 du 3 novembre 2015, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé la légalité des rehaussements d'impôt sur les sociétés effectués au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2007 ; que, par la présente requête, la SARL Auvergne Armatures demande la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés établies au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et des pénalités y afférentes en contestant la régularité de la procédure d'imposition ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, (...) jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) / / II. Le capital des sociétés nouvellement créées ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés. / Pour l'application du premier alinéa, le capital d'une société nouvellement créée est détenu indirectement par d'autres sociétés lorsque l'une au moins des conditions suivantes est remplie : / a - un associé exerce en droit ou en fait une fonction de direction ou d'encadrement dans une autre entreprise, lorsque l'activité de celle-ci est similaire à celle de l'entreprise nouvellement créée ou lui est complémentaire ; / b - un associé détient avec les membres de son foyer fiscal 25 % au moins des droits sociaux dans une autre entreprise dont l'activité est similaire à celle de l'entreprise nouvellement créée ou lui est complémentaire. /(...)" ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I.-La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : (...) / 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; (...) / II.-Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. (...) " ;
3. Considérant que l'étendue du désaccord entre le contribuable et l'administration s'apprécie indépendamment de l'argumentation soulevée par le contribuable dans ses observations ; qu'aucune disposition du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales n'impose au contribuable de motiver son refus des rectifications qui lui ont été notifiées ; qu'aucune disposition du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales ne prévoit de réponse du contribuable à la réponse de l'administration aux observations du contribuable ; qu'enfin il n'appartient pas au contribuable de saisir lui-même la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la lettre qu'elle a adressée à l'administration fiscale le 19 août 2010 en réponse à la proposition de rectification du 23 juin 2010, la SARL Auvergne Armatures a contesté la remise en cause de l'exonération dont elle a bénéficié en application de l'article 44 sexies du code général des impôts sur l'ensemble de ses exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ; que, dans les termes où elle était formulée, la réponse du contribuable à la notification de redressements manifestait un refus exprès de l'ensemble de ces redressements quand bien même elle n'aurait exprimé d'observations motivées que sur certains d'entre eux ; que l'administration fiscale a, dans la réponse aux observations du contribuable du 14 septembre 2010, indiqué que la société n'ayant pas émis d'observations concernant la détention directe à plus de 50 % par d'autres sociétés à compter du 1er novembre 2007, elle considérait que les rectifications relatives à la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2009 comme acceptées par la société requérante ; que la SARL Auvergne Armatures ayant contesté l'ensemble des rectifications notifiées, l'administration n'était pas fondée à restreindre le désaccord l'opposant à la société requérante à la seule période du 1er janvier au 31 octobre 2007 alors même que cette dernière n'a pas formulé de motifs de contestation à l'encontre de la détention directe de son capital qui motivait la rectification effectuée par l'administration au titre de la période du 1er novembre 2007 au 31 décembre 2009 ; que, dans ces conditions, c'est à tort que l'administration a estimé qu'il n'existait pas de désaccord l'opposant à la société requérante sur les impositions afférentes aux exercices clos en 2008 et 2009 alors d'ailleurs que la société requérante a par lettre du 12 octobre 2010 sollicité la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires " dans le dossier qui l'oppose à l'administration " ; que l'administration ne peut utilement faire valoir que la société requérante n'a pas contesté la réponse aux observations du contribuable limitant le désaccord soumis à la commission ; que l'administration n'ayant pas saisi la commission des rectifications effectuées au titre des exercices clos en 2008 et en 2009, elle ne peut utilement se prévaloir de ce que le contribuable n'a pas présenté, devant la commission, d'observations relatives à ces rectifications ;
5. Considérant que, compte tenu de l'existence de ce désaccord entre la société requérante et l'administration fiscale, et eu égard au fait que ce même désaccord était relatif à la détention directe du capital social de la société requérante, portant ainsi sur une question de fait, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était compétente pour se prononcer sur ce litige afférent aux impositions établies au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ; que, par suite, la SARL Auvergne Armatures est fondée à soutenir que la procédure d'imposition au titre de ses exercices clos en 2008 et 2009 est irrégulière pour défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
6. Considérant que le défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a eu pour effet de priver la société requérante de la possibilité de contester les rectifications effectuées au titre de ses exercices clos en 2008 et en 2009 et l'a ainsi privée d'une garantie ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander la décharge des impositions mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2008 et 2009 et des pénalités y afférentes ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que SARL Auvergne Armatures est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'administration fiscale à verser à la SARL Auvergne Armatures une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1301923 du 16 juin 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 juin 2015 est annulé.
Article 2 : La SARL Auvergne Armatures est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2008 et 2009 et des pénalités y afférentes.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Auvergne Armatures la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Auvergne Armatures est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Auvergne Armatures et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15LY02666