Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 août 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 juillet 2015 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme A... B...devant les juges de première instance.
Le préfet soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur (de droit ou erreur manifeste d'appréciation des faits de l'espèce) ; que les premiers juges ne pouvait annuler ses décisions pour erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'éléments probants étayant le récit de Mme A...B..., le juge ne pouvant se satisfaire de la seule crédibilité d'un tel récit ; que les décisions étaient motivés en fait et en droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2016, Mme A...B...conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 1 500 euros au profit de son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle s'en rapporte à ses écritures de première instance qui démontrent l'illégalité des décisions annulées par les premiers juges ;
- le préfet ne démontre pas avoir procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la circonstance que lui reproche le préfet qu'elle n'a pas porté plainte en Espagne ou en France est justifiée par le fait que, outre le caractère extrêmement compliqué d'une telle démarche, sa famille proche a subi de nombreuses pressions et son père est décédé dans des circonstances étranges ; si elle connaît ses droits, elle sait aussi que les autorités françaises ne peuvent assurer la protection de sa famille restée au Nigéria ; la circulaire du 22 janvier 2015 de politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains prévoit l'accès au séjour et à la résidence pour les victimes, mêmes lorsqu'elles ne peuvent pas coopérer avec les forces de sécurité ; son récit précis et circonstancié est conforté par la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 mars 2015 qui reconnaît comme groupe social les victimes de traite des êtres humains originaires du Nigéria et plus particulièrement de Bénin City ;
- elle a reconstruit sa vie en France avec ses enfants depuis 4 ans.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la circulaire n°IMIM0900054C du 5 février 2009 relative aux conditions d'admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme coopérant avec les autorités judiciaires ;
- la circulaire du 22 janvier 2015 de politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains (TEH) (NOR JUSD1501974C) ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller ;
1. Considérant que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 21 juillet 2015, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 14 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté la demande de titre de séjour de Mme A...B..., l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination et lui a enjoint de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et condamnant l'Etat à lui verser une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur le motif d'annulation du refus de séjour du 14 novembre 2014 retenu par le premier juge :
2. Considérant que pour annuler pour erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle la décision du 14 novembre 2014 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B...et, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, les premiers juges ont estimé que malgré l'absence de preuve matérielle étayant son récit selon lequel elle aurait été victime d'un réseau de prostitution en Lybie et en Europe, circonstances que Mme A...B...a détaillé dans sa " lettre explicative motivant la demande de titre de séjour " qu'elle a adressée au préfet de l'Isère, ce récit était " crédible par sa cohérence interne et les détails personnels précisés " ; que les premiers juges ont retenu que deux des trois enfants de l'intéressée étaient nés en Italie, le troisième était né en France, et que leur père, compatriote du Nigéria, vivant en Italie était venu reconnaître ce dernier en France en septembre 2013 à Grenoble, et que " ces éléments objectifs contribuent à la crédibilité du récit de la requérante " ; que les premiers juges se sont également fondés sur la circonstance que l'administration n'indiquait pas avoir procédé à un examen particulier de la demande d'admission au séjour de Mme A... B...en qualité de personne se disant victime de traite des êtres humains en charge de trois enfants et exposée au risque de représailles du réseau de prostitution dont elle aurait été victime ; que, toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucune preuve matérielle ne vient étayer les déclarations de Mme A... B...qui, ainsi que le relève le préfet de l'Isère, n'a pas déposé plainte pour les faits allégués de traite d'êtres humains, ni sollicité, à ce titre, l'asile en Italie ou en France ; qu'ainsi, nonobstant le caractère détaillé de son récit, l'absence d'élément probant démontrant qu'elle aurait effectivement été victime d'un réseau de prostitution et que des menaces de représailles pèseraient sur elle et sa famille au Nigéria ne permet pas de tenir pour établis les faits allégués ; que, dans ces conditions, en estimant qu'il n'y avait pas lieu de régulariser la situation de Mme A... B...qui n'apporte aucune preuve des risques qu'un retour dans son pays lui ferait encourir, le préfet de l'Isère a pu rejeter sa demande d'admission au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'une telle décision puisse être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A...B... ; que, par suite, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, pour ce motif, annulé sa décision de refus de titre de séjour du 14 novembre 2014 ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens articulés par Mme A...B..., tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
4. Considérant que la décision par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., ressortissante nigériane née le 16 octobre 1987 à Bénin City, comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent ; que, par suite, elle est suffisamment motivée au regard des exigences posées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
5. Considérant qu'il ressort de la lecture même de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Isère a procédé à un examen particulier et complet de la situation de Mme A...B... ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.- 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites./ En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. " ; qu'au sujet de cet article dont il était saisi, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 13 mars 2003, déc. N° 2003-467 DC considérant 91, relevé qu'" en dehors de la délivrance de l'autorisation de travail, les dispositions contestées ne créent aucun droit nouveau au profit des étrangers et ne les soumettent à aucune obligation nouvelle ; elles ne confèrent pas non plus à l'autorité administrative des pouvoirs dont elle ne disposerait pas déjà " ;
8. Considérant qu'en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi ou par un engagement international pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre ; que, si les règles régissant la délivrance des titres de séjour n'imposent pas au préfet, sauf disposition spéciale contraire, de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonné le droit d'obtenir ce titre, la faculté pour le préfet de prendre, à titre gracieux et exceptionnel, une mesure favorable à l'intéressé pour régulariser sa situation relève de son pouvoir d'appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; qu'il est loisible au ministre de l'intérieur, chargé de mettre en oeuvre la politique du Gouvernement en matière d'immigration et d'asile, alors même qu'il ne dispose en la matière d'aucune compétence réglementaire, d'énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation ; que c'est toutefois au préfet qu'il revient, dans l'exercice du pouvoir dont il dispose, d'apprécier dans chaque cas particulier, compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'étranger, l'opportunité de prendre une mesure de régularisation favorable à l'intéressé ;
9. Considérant que si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant des considérations humanitaires ; que la circonstance qu'elle a assorti cette demande d'une lettre explicative par laquelle elle faisait état de sa situation de victime de la traite des être humains n'est pas de nature à établir qu'elle aurait solliciter un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, elle ne peut utilement contester que le préfet n'ait pas examiné sa situation au regard des dispositions de cet article ;
11. Considérant que le moyen tiré des craintes de l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, par suite, en refusant de lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet de l'Isère n'a ni méconnu son pouvoir de régularisation, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeB... ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... soutient sans l'établir être entrée en France le 4 mars 2012 ; que si elle est en charge de trois enfants mineurs dont l'un est né sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans dans son pays d'origine où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dès lors que sa mère et ses deux frères y résident, qu'elle ne justifie pas avoir établi des liens personnels ou familiaux intenses, stables et anciens sur le territoire français alors que le père de ses enfants réside en Italie ; que, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, en refusant de l'admettre au séjour, le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a par suite pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme A... B...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que Mme A... B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
16. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment: / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...)" ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ; que Mme A... B...ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans la mesure où elles s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union ainsi qu'aux Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union ;
17. Considérant que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; que ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision fixant le pays de destination dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective d'un éloignement ;
18. Considérant qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir ;
19. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme A... B... a été entendue par les services préfectoraux lors du dépôt de sa demande de titre de séjour et qu'elle a ainsi pu faire valoir ses observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement ; que la circonstance qu'elle n'aurait pas été entendue par la personne compétente pour prendre à son encontre la décision litigieuse ne saurait établir qu'elle n'aurait pas été en mesure de présenter des observations sur l'absence d'opportunité de prendre à son égard une mesure d'éloignement ; que, dès lors, Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir qu'alors qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en cas de rejet de sa demande d'admission au séjour, la décision litigieuse d'éloignement prise à son encontre aurait méconnu son droit d'être entendue ou aurait été prise en violation des droits de la défense ;
20. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si Mme A... B... soutient que le préfet de l'Isère n'a pas examiné sa situation au regard des risques de traitements inhumains et dégradants qu'elle encourait en cas de retour dans son pays d'origine, ce moyen est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse ;
21. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude " ; que la requérante se prévaut de ce que les Etats membres du Conseil de l'Europe ont une obligation positive de protection des victimes de la traite des êtres humains qui implique celle de prévenir leur ré-enrôlement dans les réseaux de prostitution, et soutient qu'en prenant à son encontre une décision d'éloignement sans tenir compte des risques qu'elle avait d'être retrouvée par le réseau qui l'exploitait au Nigéria et d'être à nouveau soumise à la traite des êtres humains, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations de l'article 4 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, ce moyen est en tout état de cause inopérant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
22. Considérant que la circonstance que l'intéressée aurait été victime d'un réseau de prostitution en Lybie et en Italie est sans incidence sur le bien-fondé de la mesure d'éloignement prise par le préfet de l'Isère à son encontre ; que la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
23. Considérant que pour les motifs précédemment exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A... B..., qui n'est pas illégale, n'encourt pas l'annulation ; qu'ainsi, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision désignant le pays vers lequel elle pourra être reconduite d'office doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
24. Considérant que si Mme A... B... soutient être victime d'un réseau de traite des êtres humains en provenance du Nigéria, et se prévaut des risques pour sa vie et son intégrité physique en cas de retour dans ce pays, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses dires et n'établit pas que les autorités nigérianes ne pourraient, le cas échéant, assurer sa protection ; que, par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
25. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
26. Considérant que si Mme A... B... se prévaut de son intégration et de ce que le noyau familial se trouve en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père de ses enfants, qui demeure en Italie, subviendrait aux besoins et à l'éducation de ceux-ci ; que la décision fixant le Nigéria comme pays de destination, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de la séparer de ses enfants, n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... B... ;
27. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 19 novembre 2014 portant refus de séjour et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour obligeant Mme A... B... à quitter le territoire français en fixant le pays de destination, l'enjoignant de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et à condamné l'Etat au versement d'une somme de 800 euros au profit du conseil de Mme A... B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par Mme A... B... doivent, par suite, être rejetées ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme A...B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1502539, en date du 21 juillet 2015, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du préfet de l'Isère refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... B...et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant le pays de destination, l'enjoignant de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et condamnant l'Etat au versement d'une somme de 800 euros au profit de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... B... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
N°15LY02813 2
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